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3.C.13. Conclusion

3.C.13. Conclusion du chapitre et introduction aux exemples géographiques :

La confrontation du schéma de questionnement aux 15 exemples ci-dessus montre la convergence des approches de chercheurs issus d’horizons variés. Il semble donc bien que les cinq réalités qui se retrouvent dans toute expérience ont un caractère universel. Il aurait été possible en plus de ces 15 exemples d’en citer beaucoup d’autres. Chacun pourra trouver dans son expérience et dans ses références de nombreux autres exemples. Chacun vérifiera pour lui-même la pertinence des liens, des formulations, et la consistance de chacune des cinq réalités d’expérience. Il y mettra ses propres mots : il ajoutera un point de vue particulier, un « angle de vue » (Rodrigo Vidal-Rojas), une perspective, … mais la réalité reste la même. On verra que ce constat s’explique par la nature ontologique forte de chacune de ces réalités, déchiffrée dans le schème organique (c’est là le plus grand apport de Whitehead à la compréhension du réel).

La réponse à la question « Pourquoi ces 5 réalités-là et pas d’autres ? et pourquoi dans cet ordre-là ? » est donc désormais étayée de nombreux exemples pratiques, issus de la réalité, d’études de cas. On peut affirmer que les cinq réalités d’expérience n’ont rien d’arbitraire. On retrouve bien ces cinq réalités-là dans l’ordre ou le désordre dans toutes les approches, sachant que toutes les démarches plus approfondies sur les « étapes » (Calame, 1995), les « phases » (A.N.Whitehead, 1929), les « directions » (Degermann, 2003), les dimensions (Vidal-Rojas, 2002) … donnent le même ordre logique. Il semble bien que « le fil directeur du lac Suisse » (Calame, 1995) ait effectivement quelque chose d’universel, pour la gouvernance des territoires, du local au global.

Mais comment sont articulées dans le détail ces réalités ? Qu’est-ce qui les « fait tenir » ensemble ? Comment expliquer leurs liens ? Comment détailler ces liens ? C’est ici que nous allons voir comment la pensée organique peut apporter un éclairage décisif. A.N.Whitehead a en effet détaillé toutes les articulations des phases entre elles. Il a puisé dans son expérience et dans le réel, mais il n’a donné que les résultats de synthèse. Tout ce chapitre 3 (et le chapitre 4 qui va suivre) semblent être autant d’exemples qui montrent la pertinence de son analyse.

Nous verrons en partie II comment dans l’approche organique ce processus d’émergence du changement est ni plus ni moins que la structure même de la réalité ultime du monde : « Chaque entité répète en microcosme ce que l’univers est en macrocosme »[1]. Le fait d’articuler les réalités de la dynamique de transformation des territoires dans un procès organique macroscopique et microscopique permettra de sortir de la dichotomie entre matériel et idéel. En effet, le « matériel » est constitué d’occasions d’expérience successives qui sont des procès de concrescence dans leur constitution interne et un procès de transition pour leur constitution externe. L’interne et l’externe sont indissociable­ment liés dans la succession des procès de concrescence.

Entrons donc maintenant dans la confrontation avec les expériences professionnelles …

[1] Alix Parmentier, PhW, 1968, p.284.

3.B.1. La Chênaie

3.B. L’expérience au niveau des sociétés :

3.B.1. L’outil pédagogique de l’école de citoyenneté « Hommes Femmes dans la Cité »

Cette école de citoyenneté [1] est placée ici juste après PRH, car elle en est issue. Elle développe depuis 1983 une pédagogie d’apprentissage collectif pour déchiffrer et articuler entre elles les notions disparates du quotidien, pour tracer les liens entre les éléments de l’expérience, tout en déchiffrant les origines de la fragmentation, de l’éclatement ou de la disjonction-réduction tant dénoncée par Edgar Morin. Cette pédagogie est celle du passage du « micro » au « macro », du cloisonnement des disciplines à transdisciplinarité, de la séparation stérile entre matériel et idéel (Di Méo & Buléon) à une dynamique globale.

Les liens s’établissent progressivement pour chaque participant à travers des ateliers de 5 jours. Ils ont pour thèmes « Hommes, Femmes dans la Cité » (HFC), « Cité réalité politique » (CRP), « Croissance et déploiement » (CD), « L’Homme et la Création », « L’événement provoque ma créativité », « Citoyen au quotidien », « Réconciliation », …. Pour les trois premiers ateliers, les notions articulées sont respectivement :

  • Valeurs / Interactions / Structures / Objectifs / Vision
  • Attitudes / Participation / Autorité / Bien commun / Politique
  • Émergences / Enracinement / Déploiement / Engagement / Cité

les dynamiques développées ici fonctionnent chacune de manière intuitive sur une même dynamique de base entre plusieurs réalités, dont l’expression s’ajuste à chaque thème abordé. Ces réalités se saisissent de manière intuitive en référence à l’expérience et au-delà des limites du langage. Compte tenu de ses multiples liens avec des travaux d’urbanisme et de géographie, cette dynamique de base nous semble récapitulée dans le premier atelier : « Hommes Femmes dans la Cité ».

Seule cette introduction vivante et expériencielle à une dynamique générale du réel nous a permis de constater en Avril 2002 l’analogie avec le travail de Jacques Degermann pour L’étude de préfiguration de l’agglomération de Sarrebrück-Moselle-Est, avec les travaux de Bernard Vachon, de Pierre Calame, et avec les phases de la concrescence de l’approche organique de Whitehead.

La valeur est la composante de base de toute interaction (le terme employé par Whitehead pour interaction serait la préhension). Ainsi, en un sens, elle est partout, dans toutes les phases. Elle est une composante de tous les vecteurs entre les réalités.

Il n’est pas possible d’entrer ici dans le détail de chaque atelier. Le schéma fourni est le schéma général intuitif de tous les ateliers. Nous disons intuitif, car il est adapté pour chaque atelier, et ce n’est pas un cadre rigide. Il exprime le parcours intérieur et les principales articulations de ce parcours intérieur.

Chacune des réalités de ce schéma a fourni le matériau de base du schéma d’hypothèse de base présenté ci-dessous, dans un ordre différent. C’est l’ordre du schéma ci-dessus qui correspond le mieux au vécu, et au déroulement d’une formation. L’ordre de l’hypothèse de base est un ordre logique de présentation, mais pas un ordre pour la formation. Il convient de redire ici que les phases logiques ne sont pas des phases successives, mais des phases qui peuvent être simultanées. C’est ce qu’exprime bien par ailleurs P.Braconnier dans sa thèse (p.147 [2]) et la FPH en distinguant 3 phases et 3 types de consciences, sans les lier explicitement entre elles. C’est un ordre logique d’analyse, ce qu’analyse bien Whitehead avec son approche organique (PR 283).

Transposée sur notre proposition de schéma de base, cette approche donne le schéma suivant :

Capture d’écran 2016-04-16 à 07.26.03

Figure 3‑3 : Schéma du questionnement de l’expérience sociétale à travers l’approche de la Fondation « Hommes, Femmes dans la cité

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Notes :

[1] Association dont le siège est au Château de Brainville, Route de Malaincourt, 52 150 Brainville-sur-Meuse. Le sigle « Hommes, Femmes dans la Cité » est un label déposé.
[2] « le processus ne constitue pas une succession mais une superposition d’étapes … »