12.A-B. Passages

〈350〉

12.A. La description des passages :

Le schème organique est la confiance que l’univers a un sens, et qu’il est cohérent et logique, c’est-à-dire appréhendable par la raison. La raison dont il s’agit est celle qui prend tous les faits en compte, sans exception, sachant qu’en définitive, il faut s’en remettre à l’expérience personnelle.

Les chapitres qui précèdent ont décrits un certain nombre de passages au niveau de l’homme, des sociétés, des territoires et du continuum extensif. Le tableau qui suit récapitule ces passages. Ils concernent toutes les disciplines, et trouveront des résonances et des applications dans chacune d’elle, comme la présente thèse essaie de la faire pour la géographie dans la partie III.

Ce vocabulaire est nouveau. Mais il présente un schème commun à toutes les spécialités. Ce schème définit une approche scientifique généraliste qui est « l’union de l’imagination et du sens commun, réfrénant les ardeurs des spécialistes tout en élargissant le champ de leur imagination ». Chaque spécialité se définit un vocabulaire souvent bien plus compliqué, dans chacune des spécialités, donc sans exigence de communication avec les « non-initiés » !. L’intérêt du schème organique est de faire appel à l’expérience ordinaire de chacun (critères de Crosby) pour permettre cette union de l’imagination et du sens commun pour toutes les approches disciplinaires. Le chapitre 7 a été consacré au déchiffrage de l’expérience ordinaire, sur les notions d’appréhension, de processus et de dynamique. Ce déchiffrage permet à la fois un mouvement d’une discipline vers une autre, et une relation de la discipline aux autres disciplines à partir de l’intérieur d’elle-même. Ce mouvement et cette relation impliquent les passages qui sont résumés dans le tableau ci-dessus. Ces passages concernent toutes les disciplines. Ils permettent de redéfinir l’économie, la sociologie à partir d’une anthropologie et d’une approche des sociétés qui fait appel à la science la plus en pointe, intégrant la relativité et la mécanique quantique. 〈351〉

NOTION HYPERMODERNE :
Passage de …
NOTION TRANSMODERNE :
… à …
Bifurcation. Concret mal placé
Actualités vides
Noyau dur du sens commun.
Principe ontologique : pas d’actualité vide.
Au niveau de l’homme :
Individu

Individualisation

– Définition processive de l’homme : « La vie d’un homme est un trajet historique d’occasions actuelles qui (…) s’entre-héritent » (PR 89d)
– Références qui exemplifient le procès: Carl Rodgers ; Personnalisme communautaire d’Emmanuel Mounier ; Individu social (Marx, Pomeroy) ; Jung.
(=personne dans sa dimension individuelle et communautaire)
– Perception limitée à la perception sensible

– Le terme « appréhension » est largement utilisé pour expliquer les notions (« appréhender la réalité », « appréhender une situation », …) mais n’est pas lui-même explicité (appel au sens commun intuitif et spontané -non utilisé comme explication-).

– Perception élargie à la perception non sensible (mémoire, anticipation, idées/concepts, …)
– Le terme (ap)préhension devient le terme technique préhension : ce terme technique explicite le sens commun, c’est-à-dire ce que chacun expérimente dans le quotidien.
– un lien peut être proposé avec la médiance d’Augustin Berque.
– La préhension est une notion du noyau dur du sens commun.
– La perception est limitée à la simple vision (PR 121b), ce qui conduit au scepticisme de Hume, qui a « réveillé Kant de son sommeil dogmatique », et qui est devenu la base de la science actuelle.
– Les entités actuelles du monde contemporain sont causalement indépendantes les unes des autres (PR 123).
– Le nexus contemporain perçu sur le mode de l’IP est le lieu présenté (PR 126b). Il se définit par une relation géométrique systématique au corps humain (PR 126f). C’est l’observation de la science avec les appareils de mesure. Cette relation systématique au corps est le lieu de tension. Il se distingue de l’unisson de devenir (ou durée) qui est liée aux événements actuels.
Ce mode de perception est appelé « mode de perception selon l’immédiateté présentationnelle (IP)».
Hume donne une excellente description de ce mode de perception, dont les caractéristiques sont relationnelles et géométriques. Dans ce mode, il n’y a effectivement pas de lien de causalité.
Mais ce mode ignore la perception selon de mode de l’efficacité causale (EF), qui seul rend compte de l’inférence (cône de Minkovski). Pourtant Hume le décrit très bien comme exception à son approche (la couleur bleue manquante).
La perception humaine pleinement éveillée est la combinaison des deux modes (IP+EC), nommée référence symbolique.
– Hume nie la répétition (PR 137 « Dans notre philosophie, il nous faut à coup sûr faire place aux deux idées opposées suivantes : toute entité actuelle persiste, chaque matin est un fait nouveau avec sa mesure de changement .
Ces aspects variés peuvent être résumés par l’énoncé suivant : l’expérience implique un devenir, ce devenir signifie que quelque chose devient, et ce qui devient implique la répétition transformée en une nouvelle immédiateté». (PR 136g-137a)
(Exemple de tissage de notions opposées)
« Je pense donc je suis » (base du principe subjectiviste) « Je préhende d’autres réalités actuelles, donc nous sommes » Griffin, RSS82, 2-1-6 note (principe subjectiviste réformé)
« Le monde actuel est mien » Whitehead, PR76
(voir chap.9 – X)
Mise en valeur de « la pensée claire et distincte » de Descartes La « pensée claire et distincte » n’est qu’une phase avancée du procès de concrescence, et non une phase primaire. Cette phase avancée suppose la conscience. Les sentirs physiques sont premiers et ne présupposent pas la conscience.
L’expérience ne figure plus dans les glossaires de géographie, malgré le travail d’Eric Dardel L’homme et la terre (1952), et Guy Di Meo dans Territoires du quotidien ( 1996). L’expérience est le cœur ultime de la réalité, sous le nom d’occasion actuelle d’expérience ou entité actuelle (la seule différence est que Dieu est une entité actuelle, mais pas une occasion actuelle d’expérience). Le nom imagé est goutte d’expérience, pour reprendre une expression de William James.
Spiritualité : Dieu externe Dieu interne qui procède par mode de persuasion.
Catégories de pensée d’Aristote et de Kant Catégories du sentir de Whitehead
Au niveau de la société :
Le terme de processus est utilisé comme explication faisant appel au sens commun, sans autre explicitation. Il est ainsi utilisé 354 fois dans le Dictionnaire de l’espace des sociétés, sans être une rubrique.
Le terme de processus est très utilisé également en géographie physique (Amat, Dorize, Le Cœur) et en géographie économique (Géneau de la Marlière, Staszak).
Il fait appel à l’évidence de l’expérience quotidienne ordinaire.
Le processus est au cœur de l’expérience. Il est appelés procès de devenir pour le distinguer d’un simple processus externe, et tenir compte des relations internes.
Un lien direct peut être établi avec la notion de procès de production de Marx (Pommeroy).
C’est une notion du noyau dur du sens commun.
Appel au sens commun (par exemple appréhension, processus), mais sans explicitation. Notions du noyau dur du sens commun (ce sont les notions que chacun présuppose en pratique même s’il le nie verbalement, comme la réalité du monde extérieur, la liberté, l’harmonie, les valeurs, …)
Société hypermoderne, basée sur l’individualisme méthodologique, et la notion de société limitée au vivant. Notion de société non limitée au vivant, et non limité au macroscopique (lien entre le microscopique et le macroscopique).

Société transmoderne, basée sur la responsabilité et la convivialité (togetherness).

Dieu fait la corrélation entre les substances étendue et pensante (la matière et l’esprit)
(Pour Descartes, le dualisme était une façon de rendre l’existence de Dieu évidente, puisque corps et esprit sont en parfaite corrélation …)
Théisme scientifique sans surnaturalisme, faisant partie du Noyau dur du sens commun, assumant la « mort de Dieu » par la proposition d’un Dieu intérieur qui propose par mode d’intuition ou de persuasion.
Substance inerte de Descartes, « qui n’a besoin que d’elle-même pour exister ».
(la substance d’Aristote n’est pas inerte, mais a été « rendue inerte » au Moyen Age par l’effet de la scolastique).
Entité actuelle, ou Occasion actuelle d’expérience.
(mais la substance n’est pas supprimée : elle est l’entité actuelle objectivée)
Monades de Leibniz, sans fenêtres Entité actuelle de Whitehead, ouverte à son monde actuel (principe de relativité, qui explique comment une entité actuelle est dans une autre -relation interne-)
Conséquence :
– La science est limitée à l’analyse morphologique, et ne prend pas en compte l’analyse génétique.
– Cela entraîne une dissociation entre les sciences sociales et les « science de l’espace »
Conséquence :
– Élargissement du champ de la science aux relations internes (procès génétique) et non plus seulement aux relations externes de l’analyse morphologique
– Cela entraîne un schème explicatif commun aux sciences physiques/naturelles et les sciences sociales. L’expérience personnelle/sociale éclaire sur l’expérience dans la nature.
Exagération des causes efficientes à la période moderne, après une exagération des causes finales au Moyen-Age et Renaissance. Équilibre entre causes efficientes et causes finales, les causes efficientes étant « première » (importance donnée à la « matière » par le principe ontologique -pas d’actualités vides-)
Espace réceptacle, basé sur les substances (DGES)
Temps et espace absolu : le présent est la nature à un instant
– Plusieurs substances
– Anecdote du petit déjeuner : plusieurs espaces
– La façon dont une entité actuelle entre dans une autre créé l’irréversibilité du temps et de l’espace.
– Quantum d’actualisation.
– Le présent est une durée, trajet d’entités actuelles (voir schéma du chap X-X)
– Il y a un seul continuum spatiotemporel de relationnalité générale (potentialités générales) (PR 72)
Notion d’actant et de société de Michel Lussault, dépassant la base strictement substancialiste, mais sans explicitation du fondement correspondant. La notion d’actant de Michel Lussault rejoint celle de nexus et de société de Whitehead, sur le fondement de la pensée organique.
Auto-organisation des systèmes.
Le système est le cœur de la révolution organique (L. Von Bertalanffy)
Auto-création des organismes.
Révolution organique.
Dichotomies :

Objet / sujet

Substance / Accident

Prédicat / Attribut

Privé / Public

 

Unité dialectique des opposés analysables :
Contraste des notions
Notions qui ne se divisent pas :
Concrescence
(Ap)préhension
Proposition
Potentialité générale et réelleEn géographie :
Territoire,
Paysage
Lieux
Région conviviale
Constructivisme.
Sans autre précision, ce constructivisme est kantien, basé sur une approche dualiste, et sur la théorie de la perception sensible de Hume.
Constructivisme basé sur l’expérience (panexpérientialiste)
Société moderne, dualiste .
« Tout est énergie », mais le passage à « tout est expérience » n’est pas fait (disjonction humain/non humain, urbain / non urbain, …).
Société transmoderne (c’est-à-dire ni pré-moderne, ni postmoderne -sauf dans le sens explicité par Griffin d’une postmodernité basé sur l’expérience-).
« Tout est expérience ».
Au niveau des territoires :
Archipels

Sociétés en réseaux (externes)

Sociétés en réseaux externe et interne
Sociétés emboîtées et interdépendantes (sociétés structurées)
Une certaine approche de la théorie des systèmes qui reste sur des fondements dualistes.
Auto-organisation
Le système est le cœur de la révolution organique (Ludwig Von Bertalanffy, créateur de la théorie des système et auteur « La théorie générale des systèmes »)
Auto-création, poiésis (Varela, Berque, Whitehead, Aristote)
Processus, conçu comme extérieur, où utilisé sans explication (utilisation intuitive non explicitée) Procès, conçu dans sa double dimension de l’analyse génétique (relations internes) et de l’analyse morphologique (relation externes).
Dichotomies :
Nature/Culture
Rural/Urbain

 

Relation de sociétés entre elles :
« Renaturer la culture et reculturer la nature » Augustin Berque
Connaturalité des choses naturelles, sociales et humaines.
Lien difficile entre la morphologie urbaine et les faits sociaux (Frey). Fragments, qualifiés suivant le but subjectif, par saisie de la réalité, expression des potentialités, transmutation et choix des faits saillants (Vidal-Rojas, p.106).
Développement de notions processives de fait d’Alain Reynaud, Guy Di Méo et Pascal Buléon, mais contestées sur leur partie « subjective »).

 

Nouvelles fondations aux notions de
– Formations Socio-Spatiales
– Catégories Socio-Spatiales
d’Alain Reynaud puis de Guy Di Méo & Pascal Buléon.
Fondement « hybride sur le matérialisme dialectique, structuralisme génétique et phénoménologie existentielle (Di Méo, TQ) – Approche unifiée en terme de pensée organique, avec des liens aux autres approches.
Géographie scientifique, fondée sur une ontologie dualiste. Géographie de l’expérience, fondée sur une ontologie organique.
Le territoire est un « ESPACE » Le territoire est brique de base de la gouvernance (Calame)
Espace abstrait conçu comme contenant

« DANS » l’espace

(dans lequel évoluent les individus-citoyens)

Espace de relations et d’échange
« AVEC » l’espace (Calame, Lussault).
Des hommes et femmes s’organisent en communauté humaine sur un territoire.Communauté : lien de sens entre l’homme et l’organisation quotidienne
Territoire : lieu de sens entre une communauté et son environnement (Calame, Fiche11)
Pièges : le territoire
– comme revendication ponctuelle
– comme valeur traditionnelle ou ancien
– comme « espace des pauvres »
Lien au territoire vécu comme abstrait. Sentiment d’appartenance lié à l’organisation quotidienne, aux différentes échelles :
– 32 000 km2 « le plus grand territoire où peut être vécu un sentiment d’appartenance)
– 2 000 km2 (métro territorialité)
– 125 km2 (méso territorialité)

L’ensemble de ces passages peut être présenté de manière dessinée, compacte, synthétique comme suit :

Capture d’écran 2016-04-17 à 14.46.59 Capture d’écran 2016-04-17 à 14.47.43 Capture d’écran 2016-04-17 à 14.48.18 Capture d’écran 2016-04-17 à 14.50.15 Capture d’écran 2016-04-17 à 14.50.35  Capture d’écran 2016-04-17 à 14.51.39 Capture d’écran 2016-04-17 à 14.51.53

Figure 12‑1 : Tableau des passages des notions hypermodernes aux notions transmodernes.

〈356〉 L’énoncé de ces passages répond aux interrogations actuelles de l’ingénieur, du géographe, de l’urbaniste et l’architecte, de l’anthropologue et sociologue et du scientifique.

  • Pour l’ingénieur, ces passages permettent de fonder une approche généraliste entre toutes les spécialités, et de faire communiquer ces spécialités entre elles, au-delà de la notion de système souvent trop restrictive et ne rendant pas compte du vivant. En outre, l’approche permet une ouverture vers l’ingénierie institutionnelle (Calame).
  • Pour le géographe, ces passages permettent de sortir de « la dichotomie entre le matériel et l’idéel » (Di Méo).
  • Pour l’urbaniste et l’architecte, l’approche fonde une science de l’action donnant aux propositions d’aménagement leur véritable statut entre le réel, les potentialités générales, et les décisions d’aménagement.
  • Pour l’anthropologue ou le sociologue n’existe désormais plus de séparation entre sciences dures et sciences sociales (« molles » ?). Au contraire, le vivant, la biologie, l’étude des sociétés et de l’expérience ordinaire sont les nouveaux lieux d’étude, d’observation et de découvertes, par le « saut imaginatif » (Braconnier) ou « généralisation imaginative » (Whitehead). La pensée organique donne un fondement scientifique aux travaux de la « galaxie de la gouvernance ». La « cour de récréation des petits » (Calame) devient le laboratoire de la planète.
  • Pour le scientifique, le système explicatif de la science est profondément renouvelé. Sans changer la capacité prédictive de la science actuelle, les nouveaux fondements « réenchantent » la science et ouvrent de nouvelles perspectives (Fowler).

L’énoncé de ces passages constitue également un apport pour les différents réseaux mobilisés dans la présente recherche :

  • Pour P.R.H., ses fondements anthropologiques novateurs trouvent une ouverture scientifique, philosophique et sociologique large,
  • Pour l’association HFC, la recherche des passages vers la société de convivialité est une forte motivation de la recherche. Les éléments présentés ici sont une contribution à cette recherche. Ils permettent de comprendre une grande partie des disfonctionnements actuels. Ils permettent de trouver les mots pour fonder une formulation compréhensible et 〈357〉 partageable de ce qu’est une système social de fondation, c’est à dire une société qui vit en pleine conscience les 4 critères de l’émergence mutuelle, l’héritage, la filiation et la transmission. Les pièges sont nombreux pour éviter les valeurs archaïques (le traditionnel, l’ancien, les normes) et situer clairement ces notions dans une avancée créatrice.
  • Pour la FPH, ces passages approfondissent l’ensemble des passages qu’ils ont eux même identifiés. En effet, La démocratie en miettes (Calame 2003) est émaillée de passages à réaliser : passage du devoir de conformité au devoir de pertinence, passage d’un esprit hiérarchique à la subsidiarité active, etc. Les passages proposés ici creusent un sillon plus profond dans la culture de la modernité pour en aérer les ferments, et supprimer les mauvaises herbes. La difficulté sémantique des énoncés paraît aller à l’encontre de la volonté pédagogique de la Fondation. C’est vrai. Mais une thèse est aussi une ouverture pédagogique sur le moyen terme, pour accompagner les mutations profondes, et porter une contribution à la compréhension et formulation de ces mutations.
  • Pour T&C, ces passages ouvrent à la capacité de mettre des mots au vécu ordinaire de prospective locale ou globale,
  • Pour l’AITF et le CNFPT, ces passages ouvrent une voie pour accompagner les changements de mentalité dans l’administration, et fournir des bases scientifique/philosophiques pour recréer l’option d’ingénieur généraliste, supprimée depuis 2001.

Ce travail de passage(s) ressemble à une œuvre de déconstruction/reconstruction, à la manière dont une maison est démolie, puis les matériaux de démolition réutilisés pour le nouveau logis, sur de nouvelles fondations [1]. L’intérêt de la démarche est de ne rejeter aucun fait, et de procéder par inclusions, de conjuguer avec des « et » plutôt que des « ou » (Michel Reverdy), par contrastes d’opposés, par remaniement de l’ensemble, et entrelacement/tissage des notions, …

〈358〉 En conclusion : le tableau récapitulatif des passages de la société hypermoderne à la société transmoderne :

Le tableau qui suit est une conclusion à toute la partie II. Il est élaboré à partir du travail de François Ascher dans « Les nouveaux principes de l’urbanisme : la fin des villes n’est pas à l’ordre du jour » [2]. François Ascher expose sa « Fresque schématique de la dynamique de la modernisation occidentale et du contexte des trois révolution urbaines modernes ». Il présente trois révolutions de l’urbanisme du Moyen-Age à nos jours, qui ne sont pas sans rappeler celles décrites par Thierry Gaudin [3]. Tous les textes à caractère bâton droit sont issus du tableau de François Ascher. Les textes en italique sont une proposition de la présente thèse: ils font apparaître une quatrième révolution de l’urbanisme, suivants les développements des parties I et II. Cette quatrième révolution (ou plus modestement « mutation » ?) peut être appelée transmoderne, pour éviter le terme de postmoderne qui est piégé. Toute la présente thèse est l’expression du passage d’une société hypermoderne à une société transmoderne, basée non plus sur la compétition, mais sur la convivialité et la coopération (Mathieu Calame, 2008). On peut ainsi aussi appeler la société transmoderne société de convivialité.

La troisième partie se consacre entièrement à la géographie, en commençant par l’élaboration d’une boîte à outil de l’ingénierie territoriale (chapitre 13). La notion de région conviviale utilise l’ensemble de ces outils. La boîte à outil est alors employée à l’analyse de la région conviviale émergente nommée « Entre Vosges et Ardennes » ou « Vosges-Ardennes » (chapitre 14). Cette région conviviale peut servir de modèle à d’autres régions de France et de l’Union Européenne (chapitre 15.A & B). Une évaluation du nombre de régions conviviales potentielles du monde est alors réalisée (Chapitre 15.C). Un dernier chapitre se consacre à exprimer en quoi cette approche géographique peut changer les pratiques des acteurs (chapitre 16).

Les deux notions clés resteront jusqu’au bout de la démarche celles d’expérience et de potentialité (pure, hybride et réelle). 〈359〉

Capture d’écran 2016-04-17 à 14.52.58

Figure 12‑2 : Fresque schématique de la dynamique de la modernisation occidentale et du contexte des 4 révolutions urbaines.

Les trois premières colonnes sont issues du tableau de synthèse de l’ouvrage de François Ascher, Les nouveau principes de l’urbanisme, Édition de l’Aube, Avril 2004, page 54 et 55. 〈360〉

11.C. Conclusion générale de la partie II

Tout le chapitre 12 constitue une conclusion à la partie II. Avant d’aborder notre 3ème partie et ses applications, et arrivés au terme de cette réflexion approfondie sur la nature des objets géographiques à travers la diversité de vocabulaire de quelques auteurs engagés dans la même réflexion, il est remarquable de constater qu’il se dégage à travers cette diversité et grâce à la pensée organique de A.N. Whitehead, la possibilité de tendre à une vision du monde (Weltanschauung) mettant en valeur l’unité organique de l’univers, et la créativité qui se manifeste dans les différentes approches. Unité du réel, constante des objets analysés invariants dans le « fleuve de l’expérience » (onflow[4], comme s’ils étaient sur la berge d’un fleuve unique en écoulement permanent.

Et apparaît alors la possibilité d’une connaissance qui soit transculturelle et transmoderne, et de mettre au point les instruments communs d’analyse dans une vision qui les englobe. Le réel est un, à travers ses multiples aspects, de l’infiniment petit à l’infiniment grand et la géographie est l’expression de l’unité de cette Terre diverse. 〈361〉

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Notes :

[1] Cf Descartes, Discours de la méthode, page 61.
[2] François Ascher, Les nouveaux principes de l’urbanisme : la fin des villes n’est pas à l’ordre du jour, Éditions de l’Aube, 2001, 104 p. Le chapitre IV expose les 10 principes du nouvel urbanisme, p. 77-97. Un tableau de synthèse est proposé par 52-53.
[3] Thierry Gaudin, L’aménagement du territoire vu de 2100, Éditions de l’Aube, 1994.
[4] Titre d’un récent ouvrage de Ralph Pred, Onflow, Dynamics of Conciousness and Experience, a Bradford Book, The MIT Press, Cambridge, Massachusetts, London, England, 2005, 348 p.