1.E. Réseaux d’ancrage

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〈20〉 (…)

1.E.  Les réseaux d’ancrage de la recherche :

Associations et fondations sont les lieux d’émergence d’une parole nouvelle. Elles ne sont pas nombreuses. Cette parole nouvelle s‘exprime dans des petits groupes qui expérimentent. Josée Landrieu, chercheur au CNRS explique bien cela dans son travail pour la « Mission Prospective » du Ministère de l’Équipement :

« Il faut dorénavant être conscient de ce que de plus en plus de personnes abandonnent les registres de pensée conceptuelle et rationnelle pour construire ensemble une pensée qui se confond avec l’expérimentation en temps réel d’un vivre et agir différent. Ce qui compte pour elles, c’est que la pensée soit un acte de reconnaissance de l’autre et soit un lien dans un processus où l’émotion est importante. La pensée dans ces mouvements émergents relève d’un « processus amoureux », si je peux dire. Ces personnes pensent et construisent ensemble leur vie, dans le mouvement. (…). Une telle attitude constitue un remarquable instrument de résistance, et c’est bien là la raison de son développement. Résistance par rapport au schéma unique, résistance par rapport à des situations que l’on ressent comme intolérables, résistance à toute hégémonie quelque qu’elle soit … » [1].

〈21〉 Ce texte parle de façon remarquable des aventures expérimentées, en particulier celles de groupes ou communautés de recherche dont les émergences sont par exemple les colloques de Cerisy [2] ou des groupes de formation et d’apprentissage collectif comme les Alliances d’entreprises [3], la Fondation pour le Progrès de l’Homme [4] ou la Fondation (association) Hommes Femmes dans la Cité [5], l’association Terre et Cité [6], les Chromatiques whiteheadiennes, et les Groupes de travail de l’AITF. Nous avons cheminé plus particulièrement avec ces cinq dernières dans le cadre de la présente thèse, dans un croisement permanent avec les travaux universitaires publiés.

Ajoutons tout de suite que ce mode de construction d’une pensée « qui se confond avec l’expérimentation en temps réel d’un vivre et d’un agir différent » n’empêche pas la tentative de tester ces pensées dans les registres conceptuels et rationnels. Dans cette période d’incertitude, de trouble, d’abandon des cadres classiques, il faut accueillir la multiplicité de l’expérience sans abandonner l’unité d’une pensée cohérente, logique, nécessaire et adéquate pour exprimer cette expérience. C’est en ce sens que Whitehead emploie l’image du vol de l’avion.

Nous partons de l’hypothèse que toute pensée qui parcourt le vol de l’avion est une forme de pensée organique, et que la pensée organique est apte à fournir à l’expérimentation et aux tentatives d’élucidation des faits un cadre, soit pour l’exemplifier, soit pour le modifier ou le compléter. La pensée organique propose en effet un « saut de l’imagination », une généralisation de l’expérience à partir d’observations (ou d’analyses) bien concrètes. Ces observations peuvent aussi être nommées, comme nous l’avons fait plus haut, à un niveau macroscopique, des « gouttes d’expérience » [7] de la vie quotidienne et de la pratique professionnelle.

〈22〉 Elles sont l’expression de l’expérimentation en temps réel, un « vivre et agir » différent. Elles construisent une pensée où l’émotion a une part importante. Lorsque l’on sait que l’unité de base du réel dans la pensée organique est « expériencielle » avec sa part d’émotion indissociablement liée aux événements, on comprend l’importance du vécu relationnel au sein des réseaux d’échange et de recherche.

1.E.1. L’université de Lorraine, Nancy II, EA 1135 :

Un groupe de professionnels et d’érudits ont rédigé un gros recueil présenté en format à l’italienne et intitulé Lunéville à travers les plans de 1265 à 2000 [8]. Étant fortement impliqué dans la vie municipale, la prise de conscience s’est faite à partir des liens entre l’expérience humaine et le territoire, avec l’intuition que seule la capacité de rédiger des fiches d’expérience (ou d’observations) pouvait permettre de faire progresser la recherche, transmettre les résultats de celle-ci et préparer des généralisations, tout en restant collé à cette interface entre l’expérience et le territoire. Exprimée autrement, cette prise de conscience est un refus du dualisme, de la « dichotomie entre le matériel et l’idée » avec le vocabulaire de Guy Di Meo. Ce refus est doublé d’une rationalité rigoureuse pour réaliser un travail scientifique.

Suite à un rapprochement avec l’EA 1135 est née l’idée de regrouper dans une thèse tous les éléments pratiques et théoriques (méthodologiques) pour permettre de formaliser la démarche d’expérimentation alors en cours dans le réseau des ingénieurs de la région Grand-Est, et de faire le lien à la géographie à travers la notion de territoire vécu au quotidien.

L’apport de l’université à la présente thèse est significatif à travers les travaux suivants :

  • Les séminaires de Chromatiques Whiteheadiennes de la Sorbonne : les travaux de Michel Weber, Jean-Claude Dumoncel, Jean-Marie Breuvart, Bertrand Saint-Sernin, Xavier Verley, Rony Desmeth, Didier Debaise, Guillaume Durand, …
  • La thèse universitaire de philosophie whiteheadienne de Pierre-Jean Borey soutenue le 18 juin 2007 〈23〉
  • La thèse universitaire d’économie de Patrice Braconnier soutenue en 2005
  • Les travaux de Guy Di Méo, Augustin Berque, Rodrigo Vidal-Rojas.

1.E.2. Le CNFPT et l’AITF :

Le directeur des formations des ingénieurs territoriaux au CNFPT puis maintenant l’École Nationale d’Application des Collectivités Territoriales (ENACT) de Nancy, Bernard Poureyron, propose l’approche systémique et l’approche « projet » comme pièce principale d’une boîte à outil des ingénieurs territoriaux. Il recommande l’ouvrage de Dominique Génelot, Manager dans la complexité : réflexions à l’usage des dirigeants  [9].

Il est possible de décrire l’approche proposée dans la présente thèse sous l’angle de vue plus systémique choisi par Dominique Génelot. Cet auteur est important. Voici sa présentation générale de la démarche :

« L’organisation d’une entreprise n’est pas indépendante des hommes qui la composent. C’est une émergence progressive et continue à partir de leurs représentations. L’entreprise, en produisant, s’auto-produit. Pour les systèmes complexes, le concept d’organisation est inséparable du concept d’autonomie : leur capacité d’organisation tient à leur capacité à développer des comportements autonomes cohérents (…) En changeant leurs représentations de l’entreprise et de ses finalités, les hommes changent les actes quotidiens par lesquels ils construisent l’entreprise, et changent ainsi l’entreprise. Ce faisant, ils se changent eux-mêmes, … Cette progression dans l’élaboration du sens suppose une progression dans la richesse des contextes d’interprétation (ce qui pose la question de l’ouverture culturelle de l’entreprise), et dans la richesse des intentions profondes, individuelles et collectives, les unes et les autres se nourrissant réciproquement ». Plus loin, il cite F. Varela[10] et conclut « L’intelligence d’une communauté se développe davantage par les interconnexions et les effets de réseau, que par les efforts d’optimisation. Un réseau ne serait en somme qu’une forme de l’intelligence collective, qu’un processus d’émergence, qu’un moyen qu’une communauté se donne pour construire son devenir ! ».

Ce qu’il écrit est valable pour tout groupe humain. L’importance des réseaux est vitale pour une communauté (communauté scientifique, communauté rurale dans le développement territorial, communauté de commune, communauté de ville, communauté urbaine, …). Un réseau (le nexus* 〈24〉 de la pensée organique) est par nature fait pour l’apprentissage collectif, l’émergence du sens et de sa transmission.

Cet ouvrage est remarquable, car il permet, ainsi que La Nouvelle Alliance [11] (qu’il cite) et l’œuvre de William James [12], de faire le passage * entre les anciennes habitudes de pensée et les nouveaux modes de pensée systémiques et processifs . L’importance pédagogique de ces ouvrages de seuil tient à ce qu’ils facilitent le passage d’anciennes habitudes de pensées aux nouvelles. Réussir ce passage implique de se sentir sur un nouveau socle éprouvé, expérimenté, suscitant une adhésion complète pour se lancer vers du neuf (Whitehead parle d’avancée créatrice).

Dominique Génelot est à un seuil. Il se rend compte des insuffisances de la science classique et les explicite. Il énonce les éléments du seuil :

  • 1/ L’auto-organisation et l’émergence du sens
  • 2/ L’importance de la sensation
  • 3/ L’importance de la finalité
  • 4/ Les caractéristiques des réseaux comme émergence de sens, apprentissage et transmission.

Mais cet outil n’analyse pas aussi finement l’expérience que l’approche organique : on est encore loin du principe de relativité* de Whitehead, et sa notion de nexus. Un passage reste nécessaire pour une approche organique. Dans le domaine de la perception, il garde la théorie de la représentation, et l’idée qu’un changement de représentation* change le quotidien. Or, c’est plutôt l’inverse qui se passe, comme cela sera expliqué en partie II. L’enjeu est la finesse de l’analyse de l’expérience ordinaire.

A l’image de la démarche retenue pour faire des additions, on ne se repose pas à chaque fois la question de la méthode. Génelot nous introduit aux nouvelles additions d’une société complexe. Il suffirait de lui ajouter un « saut de l’imagination » pour y retrouver les éléments du schème 〈25〉 relationnel de la pensée organique, les catégories de Whitehead (présentées en partie II chapitre 7 à 9). Ce schème organique est bien sûr améliorable mais il reste le socle de base de toute science et pensée féconde au XXIème siècle. Il est « l’union de l’imagination et du sens commun refrénant les ardeurs des spécialistes tout en élargissant le champ de leur imagination » [13].

Pour ceux qui ne ressentent pas le schème relationnel comme une évidence, au moins intuitive, il est nécessaire de lire et relire de tels ouvrages pour commencer à tracer le chemin, « apprendre les nouvelles additions », et saisir alors tout l’intérêt du schème organique.

Certains auteurs ont fait la démarche inverse : ils sont partis d’une forme d’évidence de la pensée organique pour en montrer la fécondité en terme d’analyse structurale ou d’analyse systémique. Un cas exemplaire est celui du grand systémicien qui a longtemps travaillé au sein de l’UNESCO, Ervin Laszlo[14]. En référence à Whitehead, sa notion de système est beaucoup plus fine que les notions systémiques qui ne s’y référent pas. Mais il manque encore une explication en terme d’autocréation (ou en terme de puissance en géographie). L’expérience ordinaire et le sens commun sont en définitive nos meilleurs moyens de vérification.

1.E.3. Les Chromatiques Whiteheadiennes :

Les Chromatiques whiteheadiennes [15] sont des séminaires universitaires de recherche philosophique autour de la pensée de Whitehead, qui se réunissent à la Sorbonne tous les deux mois environ. Ils sont l’occasion de présenter des travaux et de les discuter, avec les meilleurs spécialistes de la pensée organique. Ainsi, j’y ai présenté deux interventions, l’une en octobre 2006 sur « L’apport de l’ingénieur à la transformation créatrice des territoires » [16], l’autre en septembre 2007 sur « La 〈26〉 schématisation proposée pour la concrescence », le contenu de cette intervention est présentée en partie II.

Les Chromatiques ont également organisé un colloque à Avignon du 10 au 12 Avril 2007, sur le thème de « Philosophie spéculative, signification et langage» : j’y ai présenté une intervention sur l’apport de la pensée organique à la géographie, essentiellement en réponse à la question de Guy Di Méo sur la dichotomie entre le matériel et l’idéel * [17] . Dans l’élaboration de la réponse, la pensée organique apparaît d’une grande pertinence. Le débat au sein des Chromatiques whiteheadiennes a confirmé que la réponse à la géographie sur ce point est d’ordre philosophique.

La pensée organique, à travers la notion de concrescence, est apparue faire le lien entre les réalités des dynamiques. Elle a progressivement montré sa fécondité pour l’approche des notions géographiques (objets géographiques, nexus et sociétés, espace, temps, territoire, frontière, puissance, …). Elle abandonne tout dualisme au profit d’une dualité entre (ap)préhensions physiques et (ap)préhensions conceptuelles.

1.E.4. L’organisme de formation Personnalité et Relations Humaines (PRH) :

Cet organisme de formation personnelle et professionnelle [18], regroupe environ 260 formateurs à travers le monde. Il m’a permis d’accomplir la formation obligatoire de formation initiale d’ingénieur territorial en 1992 et 1993, pour réaliser une grande partie des 13 semaines de formation obligatoire assurées par des organismes de formation extérieurs. Cette formation a donc été prise en charge entièrement par la Collectivité (alors la ville de Soissons) et le Centre de Formation de la Fonction Publique Territoriale (CNFPT).

L’intérêt de cet organisme est de proposer une approche à partir d’une vision complète de l’homme, à la fois dans sa dimension individuelle, sociale et spirituelle. L’approche anthropologique prend 〈27〉 origine dans les travaux de Carl Rogers [19] , notamment dans son best-seller Le développement de la personne. Le fondateur, André Rochais [20], a développé sur cette base une psycho-sociologie de la croissance de la personne. Cette approche est formalisée dans les deux ouvrages collectifs La personne et sa croissance, Fondements anthropologiques et psychologiques de la formation PRH [21] et Pour que la vie reprenne ses droits (Analyses de cheminements de croissance).

L’axe scientifique de la recherche est l’analyse de la sensation comme processus psychomoteur pour la transformation du comportement humain. Une recherche bibliographique effectuée par Thomas J. Wallenhorst [22] montre la parenté avec les approches d’Edith Stein (1987), Viktor Frankl (2005), Eugène Gendlin (1964), Frédérick Perls (1951, 2004), Alexander Lowen (1976), Karlfried Graf Dürckheim (1975), Éric Berne (1983), Arthur Janov (1991), Jean Garneau et Michelle Larivey (1983), Boris Cyrulnik (1999, 2001), Lukas Elisabeth (2004), Corey L.M. Keyes & Jonathan Haidt (2003), Seligman Martin (2002), Mihaly Csikszentmihalyi (1997), Ann Elisabeth Auhagen (2004), James Pennebaker (1997), Kate Niederhofer & James Pennebaker (2002), Hélène Roubaix (2000), Cornejo Loretta (2000), Daniel Goleman (2005), PRH International (1997). Beaucoup de thèses de psychologie, psycho-sociologie et de médecine se construisent à partir de l’approche PRH. Citons en exemple celle de Christian Cheveau (1989) [23].

De la même manière que Thomas Wallenhorst trace les liens entre la démarche PRH et certains auteurs, la présente thèse cherche à tracer les liens entre les approches de PRH, FPH, HFC, AITF, la géographie de Alain Reynaud et Guy Di Méo à travers le langage commun de la pensée organique.〈28〉

〈28〉 1.E.5. La Fondation « Hommes Femmes dans la Cité » (HFC) :

Cette fondation a son siège à Brainville, Meuse. Un de ses membres a été feu Alain Gouhier, professeur de philosophie à Nancy II. Elle a contribué à des colloques universitaires, notamment un colloque sur La relation d’aide à Nancy II, avec publication aux Presses Universitaires de Nancy[24].

Cette fondation a pour héritage l’approche P.R.H. écrite ci-dessus d’où a émergé (avant de prendre son autonomie) l’outil des ateliers de la fondation HFC. Elle relève d’une direction, d’une vision bien précise, même si la forme pour y arriver est en métamorphose permanente. La difficulté que rencontre Josée Landrieu doit être la même que celle des sociologues, psycho-sociologues face à un émiettement des initiatives [25]. La Fondation HFC trace un passage, vers une société radicalement neuve, mais sans faire table rase. Il s’agit d’une fondation qui s’engage dans une étape radicalement neuve [26] établie à partir du vécu, de l’expérience, de la sensation. En cela, elle rejoint d’autres mouvements, d’autres expériences, et simultanément, elle est unique, dans une histoire unique. C’est justement ce sens de l’histoire, du vécu qui la rend unique : c’est un approfondissement des racines (émotions ET sensations) qui permet d’aller de l’avant, et de proposer des chemins neufs, féconds, vers une société plus fraternelle, sans exclure l’exercice de la rationalité, et tout ceci sans esprit partisan.

Ainsi, beaucoup de choses semblent abandonnées, mais tout n’est pas abandonné. HFC propose un passage à partir de l’intuition d’André Rochais exprimée dans la note d’observation Société de rapports de forces … société conviviale… (1990). Cette intuition a été déchiffrée plus avant par Geneviève Vial. Ce déchiffrage est une découverte de ce qui est là, voilé, et prêt à émerger. La fondation développe une pédagogie de l’émergence. Elle invite à la route, au chemin, à l’aventure, pour découvrir du neuf.

〈29〉 La Fondation Hommes Femmes dans la Cité est un milieu où se vit ce « bain ». Elle propose une façon nouvelle de vivre les relations à soi-même, les relations en société, et les relations au sein la nature. L’atelier « Recherche » de la Fondation de l’été 2001 insiste sur la formalisation de la recherche, et souligne l’importance des « observations », ou « analyses » à partir desquelles pourra être envisagée une généralisation à mesure que les analyses gagneront en densité, en clarté, en netteté …

La Fondation « Hommes Femmes dans la Cité » veut faire dans le vécu relationnel l’unité des acquis scientifiques de notre temps. Dans des termes analogues à ceux de Josée Landrieu dans Du « je » au « nous » [27]. La Fondation semble inventer, dans son mode de vivre même, un mode d’être nouveau qui ne sépare plus émotion, imagination, et raison. En cela, elle semble vivre au quotidien les hypothèses scientifiques les plus fécondes, mûries par ailleurs depuis un siècle par les fondateurs de la pensée organique que sont, dans l’ordre chronologique, et pour les principaux Peirce, James, Bergson, Whitehead, Teilhard, Piaget, Hartshorne, Griffin.

Les termes « gouttes d’expérience » ou les « analyses de sensation » de type PRH, sont des termes qui semblent s’appliquer à un type d’expérience à la fois personnelle et collective (communautaire). Il est en effet étonnant de constater un lien fort à toutes les recherches en matière de développement local : recherches de développement des communautés villageoises ou rurales isolées en risque d’exclusion de la société.

La Fondation HFC semble avoir commencé à déchiffrer, à partir de l’expérience concrète du vécu relationnel des ateliers, les réalités vécues dans toute Cité ou organisation. Ce déchiffrage est en constante vérification et ajustement au réel. Il est le fruit de plusieurs années de dialogue, de confrontation, depuis 1983. L’association est devenue, petit à petit, école de citoyenneté pratique, et de formation à la citoyenneté. De telles écoles sont rares, malgré les fréquents constats de la nécessité de créer de tels lieux de formation par les élus de tous bords. La dynamique proposée par ces associations est un support d’analyse, de synthèse, et de vérification de toutes les expériences.

〈30〉 La dynamique Valeurs / Interaction / Structure / Objectifs / Vision permet d’aborder le champ de l’expérience quotidienne : nous appartenons tous à une Cité qui a son organisation et sa logique propre.

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Figure 1‑4 : La flèche du temps et les réalités des dynamiques (Source : HFC)

La flèche symbolise le mouvement, la stratégie, la « politique » qui traverse les thèmes.

1.E.6. La Fondation pour le Progrès de l’Homme (FPH)

La Fondation pour le Progrès de l’Homme [28] a créé un réseau d’échange d’expériences formalisé dans le réseau D.P.H.[29] depuis le début des années 1990 : ce réseau échange aujourd’hui plus de 8 000 fiches. La FPH a lancé la démarche d’« Alliance pour un monde responsable, pluriel et solidaire » [30].

Cette Fondation permet d’aller plus loin dans le déchiffrage du champ spécifique d’activité de l’ingénieur. En effet, Pierre Calame, ingénieur polytechnicien, fonctionnaire d’État, actuellement directeur général de la F.P.H., a tiré profit de son expérience d’ingénieur dans la subdivision de Valenciennes dans les années 1970, puis à différents niveaux de l’État par la suite.

Écoutons le : « Pour engager une transformation sociale ou institutionnelle, il ne suffit pas d’appliquer des méthodes de management, il faut commencer par allumer le feu du désir. La stratégie de changement de toute organisation humaine complexe comporte : 〈31〉

  • la perception forte et partagée de la nécessité de changer et de la possibilité de le faire, donc la conscience d’une crise ; un diagnostic et des buts partagés par l’ensemble des acteurs ;
  • un réel leadership, c’est-à-dire la capacité d’une ou plusieurs personnes d’incarner la volonté de changement, de cristalliser une vision commune, de fédérer les énergies, de surmonter les peurs ;
  • une gestion du temps associant une perspective à long terme et des réussites concrètes, immédiates, qui donnent à chacun confiance dans la capacité de changer.

L’attention doit se déplacer des procédures aux processus, et des institutions aux apprentissages. Nous devons concevoir des « sociétés apprenantes », des « organisations apprenantes », des processus par lesquels une société ou une organisation se forme, se perfectionne et s’adapte » [31] .

Josée Landrieu a exprimé ci-avant [32] l’importance des groupes qui s’organisent pour « construire ensemble une pensée qui se confond avec l’expérimentation en temps réel d’un vivre et agir différent ». La FPH est parmi les plus importants groupes par son envergure internationale, et sa capacité de mobilisation. Elle développe des outils d’organisation et d’apprentissage collectif depuis 1982, et contribue fortement à l’émergence d’une communauté politique mondiale. Elle illustre de façon exemplaire la démarche de construction de réseaux d’acteurs. Elle est en quelque sorte un réseau de réseaux, un réseau au service des autres réseaux. Le territoire fait partie des notions-clés de la Fondation [33] Un lien entre la FPH et HFC est esquissé dans un texte complémentaire [34]. 〈32〉

〈32〉 1.E.7. L’association Terre & Cité ; l’Association Internationale des Urbanistes (ISOCARP) ; les réseaux d’urbanisme :

L’association Terre & Cité [35], dont le siège est basé à Arras, créée en 2001 a pour vocation de travailler sur la région conviviale. L’expression est née lors de l’université d’été 2002 de Terre & Cité à Arras. La notion de convivialité a été choisie pour sa référence à la note d’André Rochais, fondateur de PRH Société de rapports de forces … société conviviale…[36], pour sa référence à Ivan Illich[37], et pour son sens identique en langue française et en langue anglaise (facilité de compréhension internationale de cette notion nouvelle). Cette notion a été consacrée au Congrès de l’Association Internationale des Urbanistes au Caire en 2003[38]. Les travaux s’appuient sur les nombreuses études monographiques et comparaisons internationales rendues possibles par l’exploitation de nombreux dossiers monographiques par régions et de nombreuses cartes allant du plan de ville aux cartes aériennes aux échelles du 1/500 000 et 1/1 000 000, et plus grandes.

La valeur de convivialité semble pouvoir fonctionner en géographie comme la valeur de justice dans l’approche d’Alain Reynaud [39] (ce point est développé en partie II au chap.8.B.2). Elle est plus relationnelle, et se prête moins à la quantification que les inégalités. De plus, elle porte une attention constante aux besoins de base des hommes, exprimés dans les critères de la région conviviale [40].

1.E.8. Le tableau récapitulatif des réseaux :

Le but du tableau récapitulatif qui suit est de montrer la diversité des points de vue, perspectives ou angles de vue qui traversent la présente recherche. Le paysage de l’urbanisme est en France 〈33〉 segmenté (voire cloisonné) entre les différents réseaux que fédère le CFDU [41] (Conseil Français des Urbanistes). Les membres du CFDU évoluent pour beaucoup d’entre eux de manière indépendante, ce qui explique que la mission de qualification de l’OPQU [42] (Office Public de Qualification des Urbanistes) ne progresse pas vite (500 qualifiés à ce jour environ, sur plusieurs milliers de professionnels de l’urbanisme). La distance reste grande avec la discipline universitaire de la géographie. Indiquer ses réseaux de référence est ainsi une courtoisie pour créer les liens indispensables, tant au niveau des notions employées que des personnes qui les utilisent.

Il est possible de présenter ces réseaux selon la quadruple dimension des activités de l’homme, de la société, des territoires d’inscription des sociétés (la nature), et le continuum extensif (le cosmos), selon le schéma ci-après : 〈34〉

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Figure 1‑5 : Tableaux des réseaux de ressources de la recherche

〈35〉

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Notes :

[1] Josée Landrieu est économiste, responsable de la « Mission prospective » au Ministère de l’équipement. Il a écrit l’article « Quelle prospective ? Entretien avec Josée Landrieu » dans la revue Urbanisme n°334 de janv. Fév. 2004, p.43 & 44. Elle dit « la mission que j’anime sert moins à éclairer les grandes tendances que les signes émergents, inscrits dans la société, qui bouleversent les processus anciens … »
[2] Colloque de Cerisy 1983 L’auto-organisation ; De la physique au politique, Seuil, 1983, 306 p., et Colloque de Cerisy « Prospective d’un siècle à l’autre (IV), Des « nous » et des « je » qui inventent la cité, coordonné par Edith Heurgon et Josée Landrieu, Editions de l’Aube, 2003, 316 p.
[3] Voir la thèse de Patrice Braconnier, Un processus de connaissance et d’action pour une gouvernance dans le sens du développement territorial; Application au C.C.R.E.F.P. en Poitou-Charentes, Thèse de Sciences Économiques, Université de Poitiers, 2005.
[4] www.fph.ch
[5] Le Centre de formation « La Chênaie de Mambré », Route de Malaincourt, 52 150 Brainville-sur-Meuse.
[6] Siège social à Arras, 103 Rue d’Amiens, 62 000 Arras. www.tercitey.org
[7] Le sens de « gouttes d’expérience » (ou « entités actuelles ») qui concerne dans un langage technique le procès de concrescence microscopique est élargi ici au procès macroscopique de la vie ordinaire. Ce passage du microscopique au macroscopique est expliqué dans la partie II.
[8] Philippe Vaillant, (direction, coordination et rédaction d’un ouvrage collectif) Lunéville à travers les plans de 1265 à 2000, Édition Ville de Lunéville, 2007, 129 pages A3 avec 35 plans de la ville publié en 300 exemplaires en 2000.
[9] Dominique GENELOT, Manager dans la complexité : réflexions à l’usage des dirigeants, INSEP Éditions, Paris, 1992 . p.223.
[10] Que cite également Augustin Berque dans L’Écoumène, 2000, p.122 à 124.
[11] Isabelle Stengers, La Nouvelle Alliance, 1983
[12] voir notamment pour l’angle pédagogique William JAMES, Aux étudiants, aux enseignants, Petite Bibliothèque Payot, Paris, (1906, 1914), 2000.
[13] PR 17.
[14] Ervin Lazlo, La métaphysique de Whitehead. Recherche sur les Prolongements Antropologiques, Martinus Nijhoff / La Haye, 1970, 164 pages. Cet ouvrage est commenté dans le Numéro 1 de la revue Process Studies. Le commentaire insiste sur la qualité de l’approche du point de vue d’Ervin Laszlo, et non de Whitehead, car des aspects essentiels de l’approche organique sont occultés.
[15] http://www.chromatika.org/index.html
[16] Chromatiques Whiteheadiennes 2006-2007 à La Sorbonne (5 rencontres les samedi 14 octobre et 18 novembre 2006, et les samedi 17 février, 10 mars, 12 mai 2007. Intervention le 14 octobre 2006 sur le thème « Avancer vers le « vivre ensemble » dans une société conviviale : exemple de la participation de l’ingénieur territorial à la transformation créatrice des territoires. », 10 p.
[17] Intervention intitulée : Apport de la pensée organique à la géographie : lectures croisées de Guy Di Méo, Maurice Godelier et A.N. Whitehead », Colloque d’Avignon des 10 au 12 avril 2007, 10 p.Ce texte a été le support du chapitre 6.
[18] Une présentation complète existe sur Internet à l’adresse suivante : http://www.prh-international.org/ (voir aussi les adresses indiquées en annexe bibliographiques).
[19] Carl Ransom Rogers, Le Développement de la personne, 1951-1961, trad. fr. 1968, rééd. Dunod, coll. « Psychologie sociale », 1998. Voir sur l’ouvrage http://www.scienceshumaines.com/-0ale-developpement-de-la-personne-0a_fr_12966.html et en général sur Carl Rogers http://en.wikipedia.org/wiki/Carl_Rogers
[20] Voir sur Internet http://fr.wikipedia.org/wiki/Andre_Rochais et http://www.prh-international.org/arochais
[21] PRH (Personnalité et Relations Humaines), La personne et sa croissance, Fondements anthropologiques et psychologiques de la formation PRH, Ouvrage collectif réalisé par PRH-International, Poitiers, 1997, 300p.
[22] Thomas Wallenhorst est psychiatre et formateur P.R.H., voir sur Internet http://www.prh-international.org/615/86. Un texte complémentaire en annexe précise le lien à ces auteurs. Il est consultable en annexe 00 à l’adresse \ Annexe00_Textes-Complementaires\01-PartieI_Chap1PRH-ApprocheScientifique.doc. Les références sont également présentes dans la bibliographie.
[23] Christian Cheveau, L’humanisme dans la pratique médicale quotidienne, Apport de la formation P.R.H. à la relation soignant-soigné, Thèse de médecine présentée le 20 janvier 1989 sous la direction de P.Tridon, Nancy I, 166 p.
[24] Alain Gouhier (sous la direction de), La relation d’aide, Collection Forum de l’IFRAS, Presses Universitaires de Nancy, 1993, 252 pages/ L’IFRAS est l’Institut de Formation et de Recherche en Action Sociale (Nancy). L’association HFC est présente à travers sa fondatrice Geneviève Vial « A propos de la relation d’aide », pages 67 à 72. Elle décrit la démarche de P.R.H., qui est à l’origine de l’inspiration des ateliers de HFC.
[25] Leur question est « Comment nommer ces émergences et en rendre compte globalement ? Comment les distinguer des sectes, des dérives communautaristes, et y distinguer les ferments d’une démocratie renouvelée ? »
[26] Cette refondation rejoint beaucoup d’autres expressions, tout en restant unique. Voir Guillebaud Le principe humanité . Voir les travaux d’Alain Touraine. Paul Valadier. Thierry Gaudin. Paul Ricoeur Et tout le courant post-moderne constructiviste.
[27] Josée Landrieu, Edith Heurgon (coordonné par), Des « nous » et des « je » qui inventent la Cité, Acte du colloque de Cerisy, 9 au 14 Juin 2002, Prospective d’un siècle à l’autre, Éditions de l’Aube, 2003, 316 p.
[28] Une présentation complète de la Fondation se trouve sur internet à www.fph.ch., et au chapitre 3.B.3. page 87.
[29] Dialogue pour le Progrès de l’Homme
[30] Plateforme pour un monde responsable, pluriel et solidaire. Cette démarche est présentée dans wikipedia à l’adresse http://fr.wikipedia.org/wiki/Alliance_pour_un_monde_responsable,_pluriel_et_solidaire
[31] Ce texte a été retenu dès le début de la thèse en 2001 … mais la référence s’est perdue au fil des versions de la thèse. Curieusement, une recherche poussée avec Google a permis de trouver l’emploi de cette citation dans un texte de Dominique Paule-Decoster dans une contribution aux 3ème assises wallones du développement local sur le thème du « Capital social et maillage du territoire » à l’adresse suivante : http://www.developpement-local.com/article.php3?id_article=184. Mais cette universitaire de l’Université Libre de Bruxelles ne donne pas non plus la référence … Sans excuser cette référence absente, ne peut-on pas observer que Pierre Calame nous fait retrouver le sens d’une parole partagée dans un lien d’ordre quasi oral, sans passage par des livres ?
[32] ci-dessus au chapitre 1.E. page 20.
[33] Cela sera développé au chapitre 3 et en partie III.
[34] CE texte intitulé « 01-PartieI_Lien-entre-FPH&HFC.doc » est situé à l’adresse suivante : Annexes\Annexe00_Textes-Complementaires\01-PartieI_Lien-entre-FPH&HFC.doc
[35] Association Terre & Cité : www.tercitey.org. Tous les textes sont téléchargeables sur le site. Ils figurent également en annexe 07 (DVDrom joint).
[36] Publiée en 1990 (4ème édition sans changement). Voir la note dans son intégralité dans l’annexe 02a (DVDrom joint).
[37] Ivan Illich La convivialité, Seuil 1973. La définition d’Ivan Illich est devenue celle retenue par Alain Rey dans son Dictionnaire historique de la langue française à la rubrique convivialité.
[38]William Twitchett, The convivial region : a fundamental entity within the world pattern of development« . Association Internationale des Urbanistes / ISoCaRP : Congrès 2003 Cairo (Planning in a more globalised and competetive world), 12 pages. Included in published book of congress proceedings. Voir l’annexe 07 (DVDrom joint).
[39] Alain Reynaud, Société, espace et justice : inégalités régionales et justice socio-spatiale, PUF, 1981, 263 p.
[40] Voir en partie III le chap.13.C.2
[41] Pour toute présentation, voir le site du CFDU : http://cfdu.free.fr/
[42] Pour toute présentation, voir le site de l’OPQU : http://www.opqu.org/