Chapitre 4: Expérience de Lunéville

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〈111〉 Chapitre 4 : L’expérience territoriale au cœur de la ville de Lunéville :

Introduction : l’identité d’une ville.

La démarche a été expliquée en introduction et au chapitre 1. L’expérience a été définie au chapitre 2. Le chapitre 3 a été consacré à la confrontation d’un premier schéma de questionnement en liaison avec un certain nombre de travaux de groupes ou auteurs-clés mobilisés pour la démonstration de la présente thèse. Ce chapitre 4 est consacré à l’expérience professionnelle d’ingénieur territorial au sein de la ville de Lunéville entre 1996 et 2002. Le même schéma de questionnement a été utilisé pour interroger le sens des interventions successives alors proposées. L’esprit est le même qu’au chapitre 3 : vérifier la pertinence du schéma, ou le modifier. L’intérêt, en confirmant/informant/modifiant le schéma est de fournir une approche apte à rendre compte de l’expérience palpable, réelle. Cette approche pourra donc servir à l’échange d’expérience, la mutualisation, la transmission, la capitalisation … en un mot, elle est à la base d’une intelligence collective. Combien de fois se trouve-t-on « la plume en l’air » devant la feuille blanche en ne sachant pas pour où commencer pour parler d’un vécu qui pourtant nous habite ? Parler du vécu devrait être la base d’apprentissage dans les lycées et les universités, dans une conjugaison aux « savoirs », et non une exclusion. Le savoir est toujours conjugué avec des « je » et des « nous » [1]. L’individualisation croissante de la société obligera à cet exercice de conjugaison, jusque dans les travaux universitaires. La voie choisie ici est d’exprimer l’expérience selon la structure même de l’expérience, d’un point de vue scientifique et philosophique. Les quatre phases ((ap)préhension, potentialités, projet et décision sont maintenant bien identifiées par de nombreux exemples cités dans le chapitre 3. Le but est maintenant de les confronter au vécu professionnel concret dans le quotidien de la gestion d’une ville.

Ce travail s’appuie pour la connaissance de la ville sur l’ouvrage collectif Lunéville à travers les plans de 1265 à 2000 (LtP), édité par la Ville de Lunéville en 2000, et dont j’ai assuré la 〈112〉 coordination et la rédaction. Le « je » est un « nous », et se conjugue avec un savoir géographique, à la fois « déjà-là », et à la fois nouveau. Un engagement individuel fort au sein d’une communauté est nécessaire pour faire émerger un savoir nouveau. Ce savoir est repris ici sous l’angle de la dynamique de l’expérience.

C’est à Lunéville de 1996 à 2002 puis en Moselle Est (en poste à l’EPF Lorraine) que la relation à la ville et au territoire a été vécue pleinement pour chaque terme de la relation. Objet ? Sujet ? La ville est sujette de sa transformation, comme l’homme est sujet de la prise en compte de son histoire et de sa personnalité.

Le chapitre 3 a éclairé la relation de la ville à l’homme (« l’objet au sujet »), avec le soutien de William Twitchett, Patrice Braconnier, Jacques de Courson … La relation du sujet à l’objet a été explorée par Descartes et les géographes analytiques (analyse spatiale). Peut-on explorer les deux en même temps, centré sur la relation ?. Parmi ces explorateurs, citons Pierre Calame et la Fondation pour le Progrès de l’Homme, Guy Di Méo & Pierre Buléon, Augustin Berque,…

C’est à ce point-là que commencent les « gouttes d’expérience ». à l’arrivée à Lunéville, avec la responsabilité des services techniques et de l’urbanisme, puis à l’EPF Lorraine, au service de l’attractivité du territoire de Moselle-Est.

Le schéma de questionnement a été chaque fois d’une grande utilité pour « trouver le fil » de la description de chaque travail (Lunéville à travers les plans) ou de chaque opération. Il a été possible de vérifier que l’ordre du questionnement correspond bien à l’ordre logique de déroulement de l’action. En fait, aucune des phases ne peut être éludée pour arriver au bout de la réalisation. Chaque opération non seulement illustre, mais permet d’approfondir sur tel ou tel point les phases du questionnement. Lorsqu’une phase est éludée, l’opération « part en eau de boudin » (expression du Directeur général des Services de Lunéville en poste de 1998 à 2003), c’est à dire qu’elle est sans suite : le dossier se perd dans les méandres des procédures, des intentions, des discussions, et n’aboutit pas. L’exigence d’aboutir entraîne un enchaînement précis d’actions successives. Toute action menée à son terme réalise cet enchaînement, dans l’ordre logique des phases puis leur simultanéité [2]. Le but des pages qui vont suivre n’est pas de construire cet ordre, mais de le faire apparaître tel qu’il est, dans des actions passées, dans des documents existants. Le but est de montrer qu’en prêtant attention au réel, tout est dit sans y imprimer la marque d’une théorie. Le déchiffrage est celui du réel lui-même, dans ce que le réel lui-même nous enseigne.

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Notes :

[1] Allusion au Colloque de Cerisy : Des « nous » et des « je » qui inventent la cité, coordonné par Edith Heurgon et Josée Landrieu, L’aube, Essai, 2003.
[2] Ce phénomène a été très bien analysé par Patrice Braconnier dans sa thèse de 2005.