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2.A à 2.C. Dictionnaires

2.A. Dictionnaire Petit Larousse (PL):

La définition est la suivante : « (lat expérienca) Sens 1 : Connaissance acquise par une longue pratique jointe à l’observation. Sens 2 : Avoir de l’expérience. PHILOS. Tout ce qui est appréhendé par les sens et constitue la matière de la connaissance humaine ; ensemble des phénomènes connus et connaissables. Sens 3 : Épreuve, essai effectués pour étudier un phénomène. Faire une expérience de chimie ; Sens 4 : Matériel embarqué à bord d’un engin spatial pour une investigation scientifique  ».

Nous notons ici le lien direct à la notion d’appréhension dans son double aspect matériel (« les sens ») et idéel (« la connaissance humaine »), qui sera approfondi en partie II.

2.B. Dictionnaire Alain Rey (DHLF) :

La définition est la suivante : « faire l’essai de » Le verbe est formé de ex et de peritus « qui a de l’expérience, habile à », participe passé d’un verbe periri (« empéritie) non attesté. Periri est sans doute en rapport avec le grec peira « expérience » (« empirique) et se rattache à l’importante racine indoeuropéenne per– « aller de l’avant, pénétrer dans » ( » péril, pirate, port, pore).

a- Le mot désigne le fait d’éprouver (qqch.) considéré comme un enrichissement de la connaissance, puis l’ensemble des acquisitions de l’esprit au contact de la réalité. Il s’emploie spécialement en philosophie (1580, Montaigne ; cf empirisme, pragmatisme) ; par métonymie, il se dit d’un acte qui procure l’expérience de quelque chose et s’emploie comme en latin pour « pratique ».

b- Expérience a repris (1314) le sens du latin, désignant le fait de provoquer un phénomène pour l’étudier. En sciences, le concept d’expérience se dégage du XVIIème au XIXème, alors comparé à celui d’observation ; les dérivés expérimentation, expérimental, etc . manifestent l’importance croissante du mot après 1830. ».

Au terme expérimenter, la définition est : « pratiquer des opérations destinées à étudier (qqch.) » puis attesté à la fin du XVIès. « Connaître par expérience personnelle ». Le premier sens s’est précisé avec le début de l’activité scientifique moderne XVIIè-XVIIIè s ».

Commentaire :

  • Le premier sens recoupe celui du 1/ et 2/ du Larousse.
  • Le deuxième sens recoupe celui du sens 3/ et 4/ du Larousse.
  1. Alain Rey développe surtout le verbe expérimenter, que le Larousse explique en quelques mots : « soumettre à des expériences ».

1.C. Dictionnaire Lalande (VTCP) :

On retrouve dans le VTCP les deux sens (ci-dessous 1- l’expérience en général- et 2 -acte d’expérimenter-) bien distingués dans le PL et le DHLF. L’analyse est poussée plus loin en distinguant 5 sens, de A à D. Seuls les 3 premiers sens concernent notre enquête :

« 1.A. Le fait d’éprouver quelque chose, en tant que fait considéré non seulement comme un phénomène transitoire, mais comme élargissant ou enrichissant la pensée : « faire une dure expérience ; avoir (ou avoir acquis) l’expérience des assemblées publiques » [1].

1.B. Ensemble des modifications avantageuses qu’apporte l’exercice à nos facultés, des acquisitions que fait l’esprit par cet exercice, et, d’une façon générale, de tous les progrès mentaux résultant de la vie. On distingue une expérience individuelle et une expérience de l’espèce (on dit encore expérience ancestrale) ; celle-ci peut être elle-même transmise soit par la tradition (éducation, langage, exemples) ; soit par l’hérédité psychophysiologique (…).

1.C. Théorie de la connaissance. L’exercice des facultés intellectuelles, considéré comme fournissant à l’esprit des connaissances valables qui ne sont pas impliquées par la nature seule de l’esprit, en tant que pur sujet connaissant ».

Il est usuel de distinguer en ce sens l’expérience externe (la perception) et l’expérience interne (conscience) ; l’expérience dans son ensemble, est alors opposée, soit à la mémoire, soit à l’imagination créatrice et aux autres facultés dites d’élaboration ; soit à la raison. (…).

Critique : Je dis que l’expérience fournit des connaissances, et non pas seulement une matière, parce que le propre de l’expérience est d‘avoir une valeur probante, et de présenter des liaisons régulières,
– soit que l’on considère celles-ci comme résultant de la nature seule des choses connues (voir Empirisme),
– soit que l’on admette une communauté de nature entre les choses connues et les lois de l’esprit (rationalisme dogmatique),
– soit que l’on admette (criticisme) que ces liaisons viennent de ce que l’intelligence introduit d’elle-même dans la connaissance perceptive, « um sie als Erfahrung lesen zu können » Kant, Raison pure, Dial Transc. A 314 ; B 371 (…)

Commentaire de Lalande : V.Egger définit l’expérience C : la connaissance directe, intuitive et immédiate que nous avons des faits ou des phénomènes ». A. Lalande n’a pas adopté cette définition « parce qu’elle accorde à l’expérience un caractère de connaissance immédiate qui est psychologiquement et logiquement discutable ».

1.D. Expérimentation : Une expérience est le fait de provoquer, en partant de certaines conditions bien déterminées, une observation telle que le résultat de cette observation, qui ne peut être assigné d’avance, soit propre à faire connaître la nature ou la loi du phénomène étudié. On parle, dans ce sens, non seulement d’expériences physique ou physiologique, mais encore d’expérience morale . (Rauh).

On discute sur la question de savoir si l’observation doit être opposée à l’expérience uniquement par l’intervention active de l’expérimentateur dans cette dernière ou si, pour qu’il y ait vraiment expérience au sens propre, l’on doit y joindre l’intention, soit de vérifier par son moyen une hypothèse déjà formulée, soit de faire naître une idée : « expérience pour voir ». Voir J.S. Mill, Logique, livre III, ch 1 et C. Bernard Introd. à la médecine expérimentale, 1ère partie, ch. 1

Commentaire :

Le sens C résume et récapitule le premier sens du PL (Larousse) et de DHLF (Lalande).

L’intérêt du sens C est, on le voit, de dégager des liaisons régulières, qui prennent une signification différente dans chaque philosophie (empirisme, rationalisme, criticisme, …) mais gardent dans tous les cas une valeur probante. L’intérêt du pragmatisme et de la pensée organique est du même ordre : aucune perspective de chacune des philosophies n’est écartée, elles sont simplement situées dans leur cadre et leurs limites respectives, chacune ne rendant compte que d’un aspect des liaisons régulières. Le pragmatisme et la pensée organique ont à ce titre une valeur méthodologique et pédagogique indéniable. Illustrons cela par le schéma de l’avion déjà utilisé dès le début de la thèse :

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Figure 2‑1 : Schéma du vol de l’avion décrivant empirisme, rationalisation et application source: PR 17 (67)) et schéma de la Référence Symbolique.

On verra qu’Alfred North Whitehead (A.N. W.) fit de cette « connaissance immédiate » au sens C commenté par V.Egger un mode de préhension spécifique, un mode de connaissance du réel qui ne nécessite pas forcément la conscience : un mode primitif, qu’il nomma causalité efficiente * dans lequel interviennent l’intuition, le passé et la mémoire. Ce mode est à distinguer soigneusement du « présent immédiat », ou immédiateté de présentation *, ou encore « immédiateté présentationnelle », qui est plus élaboré, et nécessite la conscience. A.N.W. apporte donc sa propre réponse à A.Lalande en allant dans le sens de V.Egger avec ses propres mots.

Pour le terme Expériencer [2], le VTCP renvoie à « Observations ». « Expérientiel » se rapporte à l’expérience C, ou ce qui repose sur elle, sans impliquer nécessairement l’emploi de l’expérience D.

Pour compléter cette approche, le lien à l’observation proposé au sens C doit être fait. Le Larousse distingue 7 sens : tous partent de l’observateur comme spectateur qui assiste et regarde, et de l’observation comme résultat de cette action de regarder. Le DHLF montre le passage de « l’observation de la loi » à « l’action de considérer la nature afin de mieux la connaître » qui deviendra au XVIIIème s. un terme technique de science désignant un procédé d’investigation distinct de l’expérience (1733, Fontenelle). Le VTCP nomme l’observation « L’une des formes de la connaissance expérientielle : s’oppose à l’expérimentation (ou à l’expérience au sens D). Il suit une analyse critique de cette « opposition » de l’observation et de l’expérimentation, d’où il ressort que l’observation apparaît comme un moment de constatation nécessaire dans toute application expérimentale. L’observation est le moment de constatation par opposition à l’expérience qui est l’information résultant du travail de confrontation des constatations (C.Bernard) ». Pour la présente thèse, nous continuerons à faire le lien avec l’image de l’avion :

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Figure 2‑2 : Schéma du vol de l’avion décrivant l’observation et la généralisation imaginative.

En un sens, une observation scientifique n’est jamais tout à fait passive.

La notion de « liaison régulière » d’André Lalande au sens C nous semble être à rapprocher de la notion de « relation » de la pensée organique, et plus particulièrement des faits concrets de relationalité, deuxième catégorie de l’existence du schème organique [3]. Ces faits concrets de relationalité sont les préhensions *.

On voit ici concrètement comment l’approche organique unifie la segmentation du sens des différents dictionnaires, tout en différenciant les temps de l’expérience. « Distinguer pour mieux unir » disait Jacques Maritain dans Les degrés du savoir [4]. Distinguer n’est pas disjoindre, et c’est la disjonction cartésienne qui est écartée ici. Il s’agit d’une expérience UNE dans une démarche progressive. Nous verrons qu’elle est processive.

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Notes :

[1] Cf William JAMES et son ouvrage L’expérience religieuse.
[2] Le terme est très utilisé par A.N.Whitehead.
[3] PR 22
[4] Jacques Maritain, Les degrés du savoir, distinguer pour unir, Desclée de Brouwer, 1991

1.E. Réseaux d’ancrage

1.E.  Les réseaux d’ancrage de la recherche :

Associations et fondations sont les lieux d’émergence d’une parole nouvelle. Elles ne sont pas nombreuses. Cette parole nouvelle s‘exprime dans des petits groupes qui expérimentent. Josée Landrieu, chercheur au CNRS explique bien cela dans son travail pour la « Mission Prospective » du Ministère de l’Équipement :

« Il faut dorénavant être conscient de ce que de plus en plus de personnes abandonnent les registres de pensée conceptuelle et rationnelle pour construire ensemble une pensée qui se confond avec l’expérimentation en temps réel d’un vivre et agir différent. Ce qui compte pour elles, c’est que la pensée soit un acte de reconnaissance de l’autre et soit un lien dans un processus où l’émotion est importante. La pensée dans ces mouvements émergents relève d’un « processus amoureux », si je peux dire. Ces personnes pensent et construisent ensemble leur vie, dans le mouvement. (…). Une telle attitude constitue un remarquable instrument de résistance, et c’est bien là la raison de son développement. Résistance par rapport au schéma unique, résistance par rapport à des situations que l’on ressent comme intolérables, résistance à toute hégémonie quelque qu’elle soit … » [1].

Ce texte parle de façon remarquable des aventures expérimentées, en particulier celles de groupes ou communautés de recherche dont les émergences sont par exemple les colloques de Cerisy [2] ou des groupes de formation et d’apprentissage collectif comme les Alliances d’entreprises [3], la Fondation pour le Progrès de l’Homme [4] ou la Fondation (association) Hommes Femmes dans la Cité [5], l’association Terre et Cité [6], les Chromatiques whiteheadiennes, et les Groupes de travail de l’AITF. Nous avons cheminé plus particulièrement avec ces cinq dernières dans le cadre de la présente thèse, dans un croisement permanent avec les travaux universitaires publiés.

Ajoutons tout de suite que ce mode de construction d’une pensée « qui se confond avec l’expérimentation en temps réel d’un vivre et d’un agir différent » n’empêche pas la tentative de tester ces pensées dans les registres conceptuels et rationnels. Dans cette période d’incertitude, de trouble, d’abandon des cadres classiques, il faut accueillir la multiplicité de l’expérience sans abandonner l’unité d’une pensée cohérente, logique, nécessaire et adéquate pour exprimer cette expérience. C’est en ce sens que Whitehead emploie l’image du vol de l’avion.

Nous partons de l’hypothèse que toute pensée qui parcourt le vol de l’avion est une forme de pensée organique, et que la pensée organique est apte à fournir à l’expérimentation et aux tentatives d’élucidation des faits un cadre, soit pour l’exemplifier, soit pour le modifier ou le compléter. La pensée organique propose en effet un « saut de l’imagination », une généralisation de l’expérience à partir d’observations (ou d’analyses) bien concrètes. Ces observations peuvent aussi être nommées, comme nous l’avons fait plus haut, à un niveau macroscopique, des « gouttes d’expérience » [7] de la vie quotidienne et de la pratique professionnelle.

Elles sont l’expression de l’expérimentation en temps réel, un « vivre et agir » différent. Elles construisent une pensée où l’émotion a une part importante. Lorsque l’on sait que l’unité de base du réel dans la pensée organique est « expériencielle » avec sa part d’émotion indissociablement liée aux événements, on comprend l’importance du vécu relationnel au sein des réseaux d’échange et de recherche.

1.E.1. L’université de Lorraine, Nancy II, EA 1135 :

Un groupe de professionnels et d’érudits ont rédigé un gros recueil présenté en format à l’italienne et intitulé Lunéville à travers les plans de 1265 à 2000 [8]. Étant fortement impliqué dans la vie municipale, la prise de conscience s’est faite à partir des liens entre l’expérience humaine et le territoire, avec l’intuition que seule la capacité de rédiger des fiches d’expérience (ou d’observations) pouvait permettre de faire progresser la recherche, transmettre les résultats de celle-ci et préparer des généralisations, tout en restant collé à cette interface entre l’expérience et le territoire. Exprimée autrement, cette prise de conscience est un refus du dualisme, de la « dichotomie entre le matériel et l’idée » avec le vocabulaire de Guy Di Meo. Ce refus est doublé d’une rationalité rigoureuse pour réaliser un travail scientifique.

Suite à un rapprochement avec l’EA 1135 est née l’idée de regrouper dans une thèse tous les éléments pratiques et théoriques (méthodologiques) pour permettre de formaliser la démarche d’expérimentation alors en cours dans le réseau des ingénieurs de la région Grand-Est, et de faire le lien à la géographie à travers la notion de territoire vécu au quotidien.

L’apport de l’université à la présente thèse est significatif à travers les travaux suivants :

  • Les séminaires de Chromatiques Whiteheadiennes de la Sorbonne : les travaux de Michel Weber, Jean-Claude Dumoncel, Jean-Marie Breuvart, Bertrand Saint-Sernin, Xavier Verley, Rony Desmeth, Didier Debaise, Guillaume Durand, …
  • La thèse universitaire de philosophie whiteheadienne de Pierre-Jean Borey soutenue le 18 juin 2007
  • La thèse universitaire d’économie de Patrice Braconnier soutenue en 2005
  • Les travaux de Guy Di Méo, Augustin Berque, Rodrigo Vidal-Rojas.

1.E.2. Le CNFPT et l’AITF :

Le directeur des formations des ingénieurs territoriaux au CNFPT puis maintenant l’École Nationale d’Application des Collectivités Territoriales (ENACT) de Nancy, Bernard Poureyron, propose l’approche systémique et l’approche « projet » comme pièce principale d’une boîte à outil des ingénieurs territoriaux. Il recommande l’ouvrage de Dominique Génelot, Manager dans la complexité : réflexions à l’usage des dirigeants  [9].

Il est possible de décrire l’approche proposée dans la présente thèse sous l’angle de vue plus systémique choisi par Dominique Génelot. Cet auteur est important. Voici sa présentation générale de la démarche :

« L’organisation d’une entreprise n’est pas indépendante des hommes qui la composent. C’est une émergence progressive et continue à partir de leurs représentations. L’entreprise, en produisant, s’auto-produit. Pour les systèmes complexes, le concept d’organisation est inséparable du concept d’autonomie : leur capacité d’organisation tient à leur capacité à développer des comportements autonomes cohérents (…) En changeant leurs représentations de l’entreprise et de ses finalités, les hommes changent les actes quotidiens par lesquels ils construisent l’entreprise, et changent ainsi l’entreprise. Ce faisant, ils se changent eux-mêmes, … Cette progression dans l’élaboration du sens suppose une progression dans la richesse des contextes d’interprétation (ce qui pose la question de l’ouverture culturelle de l’entreprise), et dans la richesse des intentions profondes, individuelles et collectives, les unes et les autres se nourrissant réciproquement ». Plus loin, il cite F. Varela[10] et conclut « L’intelligence d’une communauté se développe davantage par les interconnexions et les effets de réseau, que par les efforts d’optimisation. Un réseau ne serait en somme qu’une forme de l’intelligence collective, qu’un processus d’émergence, qu’un moyen qu’une communauté se donne pour construire son devenir ! ».

Ce qu’il écrit est valable pour tout groupe humain. L’importance des réseaux est vitale pour une communauté (communauté scientifique, communauté rurale dans le développement territorial, communauté de commune, communauté de ville, communauté urbaine, …). Un réseau (le nexus* de la pensée organique) est par nature fait pour l’apprentissage collectif, l’émergence du sens et de sa transmission.

Cet ouvrage est remarquable, car il permet, ainsi que La Nouvelle Alliance [11] (qu’il cite) et l’œuvre de William James [12], de faire le passage * entre les anciennes habitudes de pensée et les nouveaux modes de pensée systémiques et processifs . L’importance pédagogique de ces ouvrages de seuil tient à ce qu’ils facilitent le passage d’anciennes habitudes de pensées aux nouvelles. Réussir ce passage implique de se sentir sur un nouveau socle éprouvé, expérimenté, suscitant une adhésion complète pour se lancer vers du neuf (Whitehead parle d’avancée créatrice).

Dominique Génelot est à un seuil. Il se rend compte des insuffisances de la science classique et les explicite. Il énonce les éléments du seuil :

  • 1/ L’auto-organisation et l’émergence du sens
  • 2/ L’importance de la sensation
  • 3/ L’importance de la finalité
  • 4/ Les caractéristiques des réseaux comme émergence de sens, apprentissage et transmission.

Mais cet outil n’analyse pas aussi finement l’expérience que l’approche organique : on est encore loin du principe de relativité* de Whitehead, et sa notion de nexus. Un passage reste nécessaire pour une approche organique. Dans le domaine de la perception, il garde la théorie de la représentation, et l’idée qu’un changement de représentation* change le quotidien. Or, c’est plutôt l’inverse qui se passe, comme cela sera expliqué en partie II. L’enjeu est la finesse de l’analyse de l’expérience ordinaire.

A l’image de la démarche retenue pour faire des additions, on ne se repose pas à chaque fois la question de la méthode. Génelot nous introduit aux nouvelles additions d’une société complexe. Il suffirait de lui ajouter un « saut de l’imagination » pour y retrouver les éléments du schème relationnel de la pensée organique, les catégories de Whitehead (présentées en partie II chapitre 7 à 9). Ce schème organique est bien sûr améliorable mais il reste le socle de base de toute science et pensée féconde au XXIème siècle. Il est « l’union de l’imagination et du sens commun refrénant les ardeurs des spécialistes tout en élargissant le champ de leur imagination » [13].

Pour ceux qui ne ressentent pas le schème relationnel comme une évidence, au moins intuitive, il est nécessaire de lire et relire de tels ouvrages pour commencer à tracer le chemin, « apprendre les nouvelles additions », et saisir alors tout l’intérêt du schème organique.

Certains auteurs ont fait la démarche inverse : ils sont partis d’une forme d’évidence de la pensée organique pour en montrer la fécondité en terme d’analyse structurale ou d’analyse systémique. Un cas exemplaire est celui du grand systémicien qui a longtemps travaillé au sein de l’UNESCO, Ervin Laszlo[14]. En référence à Whitehead, sa notion de système est beaucoup plus fine que les notions systémiques qui ne s’y référent pas. Mais il manque encore une explication en terme d’autocréation (ou en terme de puissance en géographie). L’expérience ordinaire et le sens commun sont en définitive nos meilleurs moyens de vérification.

1.E.3. Les Chromatiques Whiteheadiennes :

Les Chromatiques whiteheadiennes [15] sont des séminaires universitaires de recherche philosophique autour de la pensée de Whitehead, qui se réunissent à la Sorbonne tous les deux mois environ. Ils sont l’occasion de présenter des travaux et de les discuter, avec les meilleurs spécialistes de la pensée organique. Ainsi, j’y ai présenté deux interventions, l’une en octobre 2006 sur « L’apport de l’ingénieur à la transformation créatrice des territoires » [16], l’autre en septembre 2007 sur « La schématisation proposée pour la concrescence », le contenu de cette intervention est présentée en partie II.

Les Chromatiques ont également organisé un colloque à Avignon du 10 au 12 Avril 2007, sur le thème de « Philosophie spéculative, signification et langage» : j’y ai présenté une intervention sur l’apport de la pensée organique à la géographie, essentiellement en réponse à la question de Guy Di Méo sur la dichotomie entre le matériel et l’idéel * [17] . Dans l’élaboration de la réponse, la pensée organique apparaît d’une grande pertinence. Le débat au sein des Chromatiques whiteheadiennes a confirmé que la réponse à la géographie sur ce point est d’ordre philosophique.

La pensée organique, à travers la notion de concrescence, est apparue faire le lien entre les réalités des dynamiques. Elle a progressivement montré sa fécondité pour l’approche des notions géographiques (objets géographiques, nexus et sociétés, espace, temps, territoire, frontière, puissance, …). Elle abandonne tout dualisme au profit d’une dualité entre (ap)préhensions physiques et (ap)préhensions conceptuelles.

1.E.4. L’organisme de formation Personnalité et Relations Humaines (PRH) :

Cet organisme de formation personnelle et professionnelle [18], regroupe environ 260 formateurs à travers le monde. Il m’a permis d’accomplir la formation obligatoire de formation initiale d’ingénieur territorial en 1992 et 1993, pour réaliser une grande partie des 13 semaines de formation obligatoire assurées par des organismes de formation extérieurs. Cette formation a donc été prise en charge entièrement par la Collectivité (alors la ville de Soissons) et le Centre de Formation de la Fonction Publique Territoriale (CNFPT).

L’intérêt de cet organisme est de proposer une approche à partir d’une vision complète de l’homme, à la fois dans sa dimension individuelle, sociale et spirituelle. L’approche anthropologique prend origine dans les travaux de Carl Rogers [19] , notamment dans son best-seller Le développement de la personne. Le fondateur, André Rochais [20], a développé sur cette base une psycho-sociologie de la croissance de la personne. Cette approche est formalisée dans les deux ouvrages collectifs La personne et sa croissance, Fondements anthropologiques et psychologiques de la formation PRH [21] et Pour que la vie reprenne ses droits (Analyses de cheminements de croissance).

L’axe scientifique de la recherche est l’analyse de la sensation comme processus psychomoteur pour la transformation du comportement humain. Une recherche bibliographique effectuée par Thomas J. Wallenhorst [22] montre la parenté avec les approches d’Edith Stein (1987), Viktor Frankl (2005), Eugène Gendlin (1964), Frédérick Perls (1951, 2004), Alexander Lowen (1976), Karlfried Graf Dürckheim (1975), Éric Berne (1983), Arthur Janov (1991), Jean Garneau et Michelle Larivey (1983), Boris Cyrulnik (1999, 2001), Lukas Elisabeth (2004), Corey L.M. Keyes & Jonathan Haidt (2003), Seligman Martin (2002), Mihaly Csikszentmihalyi (1997), Ann Elisabeth Auhagen (2004), James Pennebaker (1997), Kate Niederhofer & James Pennebaker (2002), Hélène Roubaix (2000), Cornejo Loretta (2000), Daniel Goleman (2005), PRH International (1997). Beaucoup de thèses de psychologie, psycho-sociologie et de médecine se construisent à partir de l’approche PRH. Citons en exemple celle de Christian Cheveau (1989) [23].

De la même manière que Thomas Wallenhorst trace les liens entre la démarche PRH et certains auteurs, la présente thèse cherche à tracer les liens entre les approches de PRH, FPH, HFC, AITF, la géographie de Alain Reynaud et Guy Di Méo à travers le langage commun de la pensée organique.

1.E.5. La Fondation « Hommes Femmes dans la Cité » (HFC) :

Cette fondation a son siège à Brainville, Meuse. Un de ses membres a été feu Alain Gouhier, professeur de philosophie à Nancy II. Elle a contribué à des colloques universitaires, notamment un colloque sur La relation d’aide à Nancy II, avec publication aux Presses Universitaires de Nancy[24].

Cette fondation a pour héritage l’approche P.R.H. écrite ci-dessus d’où a émergé (avant de prendre son autonomie) l’outil des ateliers de la fondation HFC. Elle relève d’une direction, d’une vision bien précise, même si la forme pour y arriver est en métamorphose permanente. La difficulté que rencontre Josée Landrieu doit être la même que celle des sociologues, psycho-sociologues face à un émiettement des initiatives [25]. La Fondation HFC trace un passage, vers une société radicalement neuve, mais sans faire table rase. Il s’agit d’une fondation qui s’engage dans une étape radicalement neuve [26] établie à partir du vécu, de l’expérience, de la sensation. En cela, elle rejoint d’autres mouvements, d’autres expériences, et simultanément, elle est unique, dans une histoire unique. C’est justement ce sens de l’histoire, du vécu qui la rend unique : c’est un approfondissement des racines (émotions ET sensations) qui permet d’aller de l’avant, et de proposer des chemins neufs, féconds, vers une société plus fraternelle, sans exclure l’exercice de la rationalité, et tout ceci sans esprit partisan.

Ainsi, beaucoup de choses semblent abandonnées, mais tout n’est pas abandonné. HFC propose un passage à partir de l’intuition d’André Rochais exprimée dans la note d’observation Société de rapports de forces … société conviviale… (1990). Cette intuition a été déchiffrée plus avant par Geneviève Vial. Ce déchiffrage est une découverte de ce qui est là, voilé, et prêt à émerger. La fondation développe une pédagogie de l’émergence. Elle invite à la route, au chemin, à l’aventure, pour découvrir du neuf.

La Fondation Hommes Femmes dans la Cité est un milieu où se vit ce « bain ». Elle propose une façon nouvelle de vivre les relations à soi-même, les relations en société, et les relations au sein la nature. L’atelier « Recherche » de la Fondation de l’été 2001 insiste sur la formalisation de la recherche, et souligne l’importance des « observations », ou « analyses » à partir desquelles pourra être envisagée une généralisation à mesure que les analyses gagneront en densité, en clarté, en netteté …

La Fondation « Hommes Femmes dans la Cité » veut faire dans le vécu relationnel l’unité des acquis scientifiques de notre temps. Dans des termes analogues à ceux de Josée Landrieu dans Du « je » au « nous » [27]. La Fondation semble inventer, dans son mode de vivre même, un mode d’être nouveau qui ne sépare plus émotion, imagination, et raison. En cela, elle semble vivre au quotidien les hypothèses scientifiques les plus fécondes, mûries par ailleurs depuis un siècle par les fondateurs de la pensée organique que sont, dans l’ordre chronologique, et pour les principaux Peirce, James, Bergson, Whitehead, Teilhard, Piaget, Hartshorne, Griffin.

Les termes « gouttes d’expérience » ou les « analyses de sensation » de type PRH, sont des termes qui semblent s’appliquer à un type d’expérience à la fois personnelle et collective (communautaire). Il est en effet étonnant de constater un lien fort à toutes les recherches en matière de développement local : recherches de développement des communautés villageoises ou rurales isolées en risque d’exclusion de la société.

La Fondation HFC semble avoir commencé à déchiffrer, à partir de l’expérience concrète du vécu relationnel des ateliers, les réalités vécues dans toute Cité ou organisation. Ce déchiffrage est en constante vérification et ajustement au réel. Il est le fruit de plusieurs années de dialogue, de confrontation, depuis 1983. L’association est devenue, petit à petit, école de citoyenneté pratique, et de formation à la citoyenneté. De telles écoles sont rares, malgré les fréquents constats de la nécessité de créer de tels lieux de formation par les élus de tous bords. La dynamique proposée par ces associations est un support d’analyse, de synthèse, et de vérification de toutes les expériences.

La dynamique Valeurs / Interaction / Structure / Objectifs / Vision permet d’aborder le champ de l’expérience quotidienne : nous appartenons tous à une Cité qui a son organisation et sa logique propre.

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Figure 1‑4 : La flèche du temps et les réalités des dynamiques (Source : HFC)

La flèche symbolise le mouvement, la stratégie, la « politique » qui traverse les thèmes.

1.E.6. La Fondation pour le Progrès de l’Homme (FPH)

La Fondation pour le Progrès de l’Homme [28] a créé un réseau d’échange d’expériences formalisé dans le réseau D.P.H.[29] depuis le début des années 1990 : ce réseau échange aujourd’hui plus de 8 000 fiches. La FPH a lancé la démarche d’« Alliance pour un monde responsable, pluriel et solidaire » [30].

Cette Fondation permet d’aller plus loin dans le déchiffrage du champ spécifique d’activité de l’ingénieur. En effet, Pierre Calame, ingénieur polytechnicien, fonctionnaire d’État, actuellement directeur général de la F.P.H., a tiré profit de son expérience d’ingénieur dans la subdivision de Valenciennes dans les années 1970, puis à différents niveaux de l’État par la suite.

Écoutons le : « Pour engager une transformation sociale ou institutionnelle, il ne suffit pas d’appliquer des méthodes de management, il faut commencer par allumer le feu du désir. La stratégie de changement de toute organisation humaine complexe comporte :

¡ la perception forte et partagée de la nécessité de changer et de la possibilité de le faire, donc la conscience d’une crise ; un diagnostic et des buts partagés par l’ensemble des acteurs ;

¡ un réel leadership, c’est-à-dire la capacité d’une ou plusieurs personnes d’incarner la volonté de changement, de cristalliser une vision commune, de fédérer les énergies, de surmonter les peurs ;

¡ une gestion du temps associant une perspective à long terme et des réussites concrètes, immédiates, qui donnent à chacun confiance dans la capacité de changer.

L’attention doit se déplacer des procédures aux processus, et des institutions aux apprentissages. Nous devons concevoir des « sociétés apprenantes », des « organisations apprenantes », des processus par lesquels une société ou une organisation se forme, se perfectionne et s’adapte » [31] .

Josée Landrieu a exprimé ci-avant [32] l’importance des groupes qui s’organisent pour « construire ensemble une pensée qui se confond avec l’expérimentation en temps réel d’un vivre et agir différent ». La FPH est parmi les plus importants groupes par son envergure internationale, et sa capacité de mobilisation. Elle développe des outils d’organisation et d’apprentissage collectif depuis 1982, et contribue fortement à l’émergence d’une communauté politique mondiale. Elle illustre de façon exemplaire la démarche de construction de réseaux d’acteurs. Elle est en quelque sorte un réseau de réseaux, un réseau au service des autres réseaux. Le territoire fait partie des notions-clés de la Fondation [33] Un lien entre la FPH et HFC est esquissé dans un texte complémentaire [34].

1.E.7. L’association Terre & Cité ; l’Association Internationale des Urbanistes (ISOCARP) ; les réseaux d’urbanisme :

L’association Terre & Cité [35], dont le siège est basé à Arras, créée en 2001 a pour vocation de travailler sur la région conviviale. L’expression est née lors de l’université d’été 2002 de Terre & Cité à Arras. La notion de convivialité a été choisie pour sa référence à la note d’André Rochais, fondateur de PRH Société de rapports de forces … société conviviale…[36], pour sa référence à Ivan Illich[37], et pour son sens identique en langue française et en langue anglaise (facilité de compréhension internationale de cette notion nouvelle). Cette notion a été consacrée au Congrès de l’Association Internationale des Urbanistes au Caire en 2003[38]. Les travaux s’appuient sur les nombreuses études monographiques et comparaisons internationales rendues possibles par l’exploitation de nombreux dossiers monographiques par régions et de nombreuses cartes allant du plan de ville aux cartes aériennes aux échelles du 1/500 000 et 1/1 000 000, et plus grandes.

La valeur de convivialité semble pouvoir fonctionner en géographie comme la valeur de justice dans l’approche d’Alain Reynaud [39] (ce point est développé en partie II au chap.8.B.2). Elle est plus relationnelle, et se prête moins à la quantification que les inégalités. De plus, elle porte une attention constante aux besoins de base des hommes, exprimés dans les critères de la région conviviale [40].

1.E.8. Le tableau récapitulatif des réseaux :

Le but du tableau récapitulatif qui suit est de montrer la diversité des points de vue, perspectives ou angles de vue qui traversent la présente recherche. Le paysage de l’urbanisme est en France segmenté (voire cloisonné) entre les différents réseaux que fédère le CFDU [41] (Conseil Français des Urbanistes). Les membres du CFDU évoluent pour beaucoup d’entre eux de manière indépendante, ce qui explique que la mission de qualification de l’OPQU [42] (Office Public de Qualification des Urbanistes) ne progresse pas vite (500 qualifiés à ce jour environ, sur plusieurs milliers de professionnels de l’urbanisme). La distance reste grande avec la discipline universitaire de la géographie. Indiquer ses réseaux de référence est ainsi une courtoisie pour créer les liens indispensables, tant au niveau des notions employées que des personnes qui les utilisent.

Il est possible de présenter ces réseaux selon la quadruple dimension des activités de l’homme, de la société, des territoires d’inscription des sociétés (la nature), et le continuum extensif (le cosmos), selon le schéma ci-après :

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Figure 1‑5 : Tableaux des réseaux de ressources de la recherche

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Notes :

[1] Josée Landrieu est économiste, responsable de la « Mission prospective » au Ministère de l’équipement. Il a écrit l’article « Quelle prospective ? Entretien avec Josée Landrieu » dans la revue Urbanisme n°334 de janv. Fév. 2004, p.43 & 44. Elle dit « la mission que j’anime sert moins à éclairer les grandes tendances que les signes émergents, inscrits dans la société, qui bouleversent les processus anciens … »
[2] Colloque de Cerisy 1983 L’auto-organisation ; De la physique au politique, Seuil, 1983, 306 p., et Colloque de Cerisy « Prospective d’un siècle à l’autre (IV), Des « nous » et des « je » qui inventent la cité, coordonné par Edith Heurgon et Josée Landrieu, Editions de l’Aube, 2003, 316 p.
[3] Voir la thèse de Patrice Braconnier, Un processus de connaissance et d’action pour une gouvernance dans le sens du développement territorial; Application au C.C.R.E.F.P. en Poitou-Charentes, Thèse de Sciences Économiques, Université de Poitiers, 2005.
[4] www.fph.ch
[5] Le Centre de formation « La Chênaie de Mambré », Route de Malaincourt, 52 150 Brainville-sur-Meuse.
[6] Siège social à Arras, 103 Rue d’Amiens, 62 000 Arras. www.tercitey.org
[7] Le sens de « gouttes d’expérience » (ou « entités actuelles ») qui concerne dans un langage technique le procès de concrescence microscopique est élargi ici au procès macroscopique de la vie ordinaire. Ce passage du microscopique au macroscopique est expliqué dans la partie II.
[8] Philippe Vaillant, (direction, coordination et rédaction d’un ouvrage collectif) Lunéville à travers les plans de 1265 à 2000, Édition Ville de Lunéville, 2007, 129 pages A3 avec 35 plans de la ville publié en 300 exemplaires en 2000.
[9] Dominique GENELOT, Manager dans la complexité : réflexions à l’usage des dirigeants, INSEP Éditions, Paris, 1992 . p.223.
[10] Que cite également Augustin Berque dans L’Écoumène, 2000, p.122 à 124.
[11] Isabelle Stengers, La Nouvelle Alliance, 1983
[12] voir notamment pour l’angle pédagogique William JAMES, Aux étudiants, aux enseignants, Petite Bibliothèque Payot, Paris, (1906, 1914), 2000.
[13] PR 17.
[14] Ervin Lazlo, La métaphysique de Whitehead. Recherche sur les Prolongements Antropologiques, Martinus Nijhoff / La Haye, 1970, 164 pages. Cet ouvrage est commenté dans le Numéro 1 de la revue Process Studies. Le commentaire insiste sur la qualité de l’approche du point de vue d’Ervin Laszlo, et non de Whitehead, car des aspects essentiels de l’approche organique sont occultés.
[15] http://www.chromatika.org/index.html
[16] Chromatiques Whiteheadiennes 2006-2007 à La Sorbonne (5 rencontres les samedi 14 octobre et 18 novembre 2006, et les samedi 17 février, 10 mars, 12 mai 2007. Intervention le 14 octobre 2006 sur le thème « Avancer vers le « vivre ensemble » dans une société conviviale : exemple de la participation de l’ingénieur territorial à la transformation créatrice des territoires. », 10 p.
[17] Intervention intitulée : Apport de la pensée organique à la géographie : lectures croisées de Guy Di Méo, Maurice Godelier et A.N. Whitehead », Colloque d’Avignon des 10 au 12 avril 2007, 10 p.Ce texte a été le support du chapitre 6.
[18] Une présentation complète existe sur Internet à l’adresse suivante : http://www.prh-international.org/ (voir aussi les adresses indiquées en annexe bibliographiques).
[19] Carl Ransom Rogers, Le Développement de la personne, 1951-1961, trad. fr. 1968, rééd. Dunod, coll. « Psychologie sociale », 1998. Voir sur l’ouvrage http://www.scienceshumaines.com/-0ale-developpement-de-la-personne-0a_fr_12966.html et en général sur Carl Rogers http://en.wikipedia.org/wiki/Carl_Rogers
[20] Voir sur Internet http://fr.wikipedia.org/wiki/Andre_Rochais et http://www.prh-international.org/arochais
[21] PRH (Personnalité et Relations Humaines), La personne et sa croissance, Fondements anthropologiques et psychologiques de la formation PRH, Ouvrage collectif réalisé par PRH-International, Poitiers, 1997, 300p.
[22] Thomas Wallenhorst est psychiatre et formateur P.R.H., voir sur Internet http://www.prh-international.org/615/86. Un texte complémentaire en annexe précise le lien à ces auteurs. Il est consultable en annexe 00 à l’adresse \ Annexe00_Textes-Complementaires\01-PartieI_Chap1PRH-ApprocheScientifique.doc. Les références sont également présentes dans la bibliographie.
[23] Christian Cheveau, L’humanisme dans la pratique médicale quotidienne, Apport de la formation P.R.H. à la relation soignant-soigné, Thèse de médecine présentée le 20 janvier 1989 sous la direction de P.Tridon, Nancy I, 166 p.
[24] Alain Gouhier (sous la direction de), La relation d’aide, Collection Forum de l’IFRAS, Presses Universitaires de Nancy, 1993, 252 pages/ L’IFRAS est l’Institut de Formation et de Recherche en Action Sociale (Nancy). L’association HFC est présente à travers sa fondatrice Geneviève Vial « A propos de la relation d’aide », pages 67 à 72. Elle décrit la démarche de P.R.H., qui est à l’origine de l’inspiration des ateliers de HFC.
[25] Leur question est « Comment nommer ces émergences et en rendre compte globalement ? Comment les distinguer des sectes, des dérives communautaristes, et y distinguer les ferments d’une démocratie renouvelée ? »
[26] Cette refondation rejoint beaucoup d’autres expressions, tout en restant unique. Voir Guillebaud Le principe humanité . Voir les travaux d’Alain Touraine. Paul Valadier. Thierry Gaudin. Paul Ricoeur Et tout le courant post-moderne constructiviste.
[27] Josée Landrieu, Edith Heurgon (coordonné par), Des « nous » et des « je » qui inventent la Cité, Acte du colloque de Cerisy, 9 au 14 Juin 2002, Prospective d’un siècle à l’autre, Éditions de l’Aube, 2003, 316 p.
[28] Une présentation complète de la Fondation se trouve sur internet à www.fph.ch., et au chapitre 3.B.3. page 87.
[29] Dialogue pour le Progrès de l’Homme
[30] Plateforme pour un monde responsable, pluriel et solidaire. Cette démarche est présentée dans wikipedia à l’adresse http://fr.wikipedia.org/wiki/Alliance_pour_un_monde_responsable,_pluriel_et_solidaire
[31] Ce texte a été retenu dès le début de la thèse en 2001 … mais la référence s’est perdue au fil des versions de la thèse. Curieusement, une recherche poussée avec Google a permis de trouver l’emploi de cette citation dans un texte de Dominique Paule-Decoster dans une contribution aux 3ème assises wallones du développement local sur le thème du « Capital social et maillage du territoire » à l’adresse suivante : http://www.developpement-local.com/article.php3?id_article=184. Mais cette universitaire de l’Université Libre de Bruxelles ne donne pas non plus la référence … Sans excuser cette référence absente, ne peut-on pas observer que Pierre Calame nous fait retrouver le sens d’une parole partagée dans un lien d’ordre quasi oral, sans passage par des livres ?
[32] ci-dessus au chapitre 1.E. page 20.
[33] Cela sera développé au chapitre 3 et en partie III.
[34] CE texte intitulé « 01-PartieI_Lien-entre-FPH&HFC.doc » est situé à l’adresse suivante : Annexes\Annexe00_Textes-Complementaires\01-PartieI_Lien-entre-FPH&HFC.doc
[35] Association Terre & Cité : www.tercitey.org. Tous les textes sont téléchargeables sur le site. Ils figurent également en annexe 07 (DVDrom joint).
[36] Publiée en 1990 (4ème édition sans changement). Voir la note dans son intégralité dans l’annexe 02a (DVDrom joint).
[37] Ivan Illich La convivialité, Seuil 1973. La définition d’Ivan Illich est devenue celle retenue par Alain Rey dans son Dictionnaire historique de la langue française à la rubrique convivialité.
[38]William Twitchett, The convivial region : a fundamental entity within the world pattern of development« . Association Internationale des Urbanistes / ISoCaRP : Congrès 2003 Cairo (Planning in a more globalised and competetive world), 12 pages. Included in published book of congress proceedings. Voir l’annexe 07 (DVDrom joint).
[39] Alain Reynaud, Société, espace et justice : inégalités régionales et justice socio-spatiale, PUF, 1981, 263 p.
[40] Voir en partie III le chap.13.C.2
[41] Pour toute présentation, voir le site du CFDU : http://cfdu.free.fr/
[42] Pour toute présentation, voir le site de l’OPQU : http://www.opqu.org/

1.D. Les notions

1.D. Le travail sur les notions : la méthode et les moyens

La géographie est de nos jours directement intéressée par les notions et concepts qui émanent de la philosophie, de la sociologie, de l’épistémologie. Cette démarche nouvelle est remarquablement illustrée par le Dictionnaire géographique de l’espace et des sociétés (DGES) coordonné par Michel Lussault et Jacques Lévy. Dans la mesure où la démarche de cette thèse a conduit à rechercher l’apport possible de la pensée organique à la géographie, chaque notion sera développée suivant une méthode précise mise au point progressivement au cours du travail d’écriture.

1.D.1. Définition des termes :

Cette méthode utilise les moyens de base suivants :

  • Le Petit Larousse 2003 [1], complété immédiatement par le Dictionnaire Historique de la langue française dirigé par Alain Rey [2] (DHLF)

Il convient de noter ici l’intérêt du Larousse pour à la fois approfondir les notions et les tisser entre elles pour garder une approche pédagogique claire vis à vis du lecteur [3]. Patrice Braconnier dans sa thèse de 2005 utilise de façon remarquable cet outil.

  • Le Vocabulaire technique et critique de la philosophie d’André Lalande [4] (VTCP).
  • Le Glossaire des Notions de la pensée organique (64 pages), de D. W. Sherburne (CPR[5]) et l’Index des thèmes et des notions de Procès et Réalité (PR, traduction H.Vaillant), de 49 pages [6].
  • La thèse d’Alix Parmentier de 1968 [7], reconnue par Charles Hartshorne comme la meilleure introduction à Whitehead en langue française, est également très utile pour préciser certaines notions. Son Lexique (pp.575-586) est une excellente présentation du vocabulaire technique de Whitehead.
  • Le Dictionnaire de la géographie et de l’espace des sociétés [8] (DGES), éventuellement complété par d’autres ouvrages comme celui de Pierre Calame, Thierry Paquot, Michel Lussault,
  • Le DGES peut être complété ponctuellement par référence à la Grammaire de géographie politique et de géopolitique de Stéphane Rosière [9], au travail de Philippe Destatte, Évaluation, prospective et développement régional (2001), celui de Pierre Calame, Repenser la gestion de nos sociétés, 10 principes pour la gouvernance du local au global (2003). Citons également les travaux de Guy Di Méo [10] dans Espace social (2005), de William Twitchett [11] dans sa thèse soutenue avec Paul Claval Le site urbain : potentialités , de Bernard Vachon  [12] (DL, 1993), de Michel Lussault et de Alain Reynaud [13] (SEJ, 1984).
  • D’autres auteurs peuvent être cités à titre de « contradicteurs », c’est à dire des auteurs qui expriment des choses admises par beaucoup, intéressantes, mais qui ne recouvrent qu’en partie les notions avancées dans la présente thèse. François Ascher [14] est ainsi particulièrement fécond pour entrer dans un certain nombre de contrastes, et introduire des notions nouvelles.

1.D.2. Les 5 critères de scientificité : logique, cohérence, adéquation, applicabilité et nécessité :

Les cinq critères ont été énoncés en PR 5. Ils ont été soigneusement étudiés par Michel Weber dans sa Dialectique de l’intuition chez A.N. Whitehead [15].

Les nombreux néologismes de A.N.Whitehead viennent de la nécessité d’exprimer sa recherche de façon cohérente, consistante (logique), adéquate, applicable et nécessaire. Ces cinq critères sont ceux que doivent respecter toute science, mais aussi toute philosophie.

Les deux critères de consistance logique et de cohérence concernent la rationalité classique. Ceux d’adéquation et d’applicabilité concernent l’expérience. Pour ne pas créer de séparation entre ces deux couples, Michel Weber nomme les premiers logico-empiriques et les seconds empirico-logiques  [16]. La nécessité exprime que chaque événement présuppose tous les autres [17] (la nature n’est pas un simple agrégat d’entités isolables).

1.D.3. Les 4 critères de validité d’une nouveauté scientifique de Fowler :

Il est d’usage de ne considérer que le principe de prédictibilité (exemplifié par le principe de falsification de Karl Popper [18]). Or, à résultat égal, plusieurs schèmes explicatifs peuvent être en concurrence : la qualité du schème explicatif est importante. Dean R.Fowler distingue ainsi deux types de contenus d’une théorie scientifique, de la manière suivante :

  • « Le contenu prédictif d’une théorie scientifique domine l’entre­prise de la science dans la plupart des périodes et la plupart des aspects de la vie scientifique, guidant l’activité normale des scienti­fiques dans leur utilisation des théories et des équations du système de la science, pour la recherche ou l’application pratique.
  • Le contenu explicatif d’une théorie scientifique représente le fondement philosophique sur lequel est construit le contenu prédictif. Il décrit la vision du monde, et plus spécialement du monde de la nature, que la théorie scientifique propose. Bien qu’il soit toujours pré­sent, le contenu explicatifest virtuellement inaperçu en dehors des périodes de crise et de conflit.

« C’est le contenu explicatif d’une théorie qui révolutionne une époque, car il fonctionne pour amener la science à établir de nouveaux principes et de nouvelles méthodes. Le contenu explicatif, qui repré­sente la base philosophique de la théorie, ouvre notre vision à un monde nouveau » [19].

Travailler sur le contenu explicatif est comme le travail en sous-œuvre dans un bâtiment : rien ne se voit en surface, et pourtant toute la solidité de l’édifice dépend de la qualité des nouvelles fondations, et de leur adéquation aux charges portantes prévues.

1.D.4. Les 6 critères de Donald A. Crosby (1971) :

Le lecteur de Whitehead est confronté à son langage qui oscille du sens commun à l’expression technique la plus pointue : l’attention de Whitehead est toujours portée par l’intuition [20] que le langage ne peut décrire qu’imparfaitement. Isabelle Stengers y voit un intérêt pédagogique pour apprendre à penser, au point d’intituler un ouvrage à l’attention de ses élèves Penser avec Whitehead : de la libre et sauvage création de concepts (2002). Donald A.Crosby a essayé, dès le lancement par Lewis S. Ford de la revue Process Studies en 1974, dans son premier numéro, de dégager les critères de création de mots ou de sens des mots dans l’approche organique. Il en propose 6 :

  • – Les termes choisis doivent avoir des associations avec le langage utilisé par les philosophes dans le passé.
  • – Il est souhaitable que les significations données aux termes à des fins philosophiques aient une certaine justification dans les étymologies des termes.
  • – Les termes doivent avoir par eux-mêmes le caractère suggestif des faits familiers ou des exemplifications concrètes dans l’expérience.
  • – Les termes doivent être suffisamment généraux ou inclusifs dans leur signification ordinaire pour admettre les extensions de sens exigées par leur emploi dans le schème.
  • – Les termes doivent être dépourvus, autant que possible, d’associations ou d’implications trompeuses.
  • – Quand un terme est inadéquat pris en lui-même, mais qu’il est encore souhaitable de l’utiliser, il doit être complété par des termes approximativement équivalents pouvant compenser sa déficience.

Ces critères sont un constat, et ne sont pas à confondre avec les 5 critères scientifiques de cohérence, logique, adéquation, applicabilité et nécessité. L’expression du résultat de la recherche suivant les 5 critères scientifiques (par exemple l’ouvrage Procès et réalité) suit des règles intuitives d’expression et de créativité dans le langage, déchiffrées par Donald A. Crosby 45 ans après la publication de PR.

Donald A. Crosby donne notamment les exemples des mots préhension, entité-actuelle, satisfaction, concrescence, superjet, appétition, ou préhension conceptuelle. Leur intérêt est de faire le lien entre l’expérience ordinaire et un schème qui lie l’ensemble des notions de cette expérience ordinaire. Les travaux des urbanistes, des architectes, des géographes et des ingénieurs abondent en notions / concepts qui font cette même démarche, chacun à sa façon, chacun inventant ses propres termes. Le double intérêt du choix des mots de Whitehead dans le cadre de sa pensée organique est de permettre de tracer des liens : la pensée organique offre un mode de pensée apte à saisir la pensée de chaque auteur dans son expression propre, tout en permettant une comparaison scientifique/philosophique avec les autres auteurs grâce au croisement des notions autour d’un schème commun. Leurs travaux deviennent alors une exemplification du schème, voire un approfondissement de ce qui n’y est qu’esquissé et généralisé. C’est le cas de tous les travaux cités dans la méthode d’écriture, et plus généralement ceux retenus dans la bibliographie. La présente thèse est loin d’épuiser tous les liens possibles. Seuls seront tracés les liens entre le schème, la dynamique de développement des territoires et l’application à la région « Vosges-Ardennes » (Grand-Est français et régions transfrontalières).

Curieusement, les plus grands créateurs de mots sont les scientifiques : pour décrire tel ou tel phénomène, ils n’hésitent pas à proposer le mot qui convient à leur recherche. Peut-on alors reprocher au mathématicien et physicien Whitehead d’avoir fait cette démarche en métaphysique et en « pédagogie de pensée » ? La pratique semble montrer qu’il s’agit d’une école de pensée scientifique dont le matériau est la vie quotidienne et ordinaire de chacun. Sans jamais figer le sens, l’approche organique propose un schème global qui vérifie les critères scientifiques de logique, cohérence, adéquation, applicabilité et nécessité rappelées ci-dessus. Ce schème détaille dans Procès et Réalité les catégories du sentir (le feeling), et non plus seulement des catégories de pensée (Kant, Aristote).

1.D.5. Autres démarches de recherche utilisées

La recherche présentée est située dans un contexte professionnel précis (l’ingénieur territorial), même s’il concerne également directement l’urbaniste, l’architecte, le géographe. Cette situation a conduit à aller le plus loin possible dans l’exploration et la transmission de la science généraliste que constitue la pensée organique [21].

Le travail a été réalisé en veillant sur quatre points : la rigueur de la démarche, la qualité des liens, la pédagogie, les « fiches d’expérience » [22].

A partir d’une lecture de Paul Ricoeur, un outil de déchiffrage de la dynamique des mots et des récits a été utilisé, mais une explication détaillée alourdirait inutilement l’exposé de la thèse [23]. Il a aussi été tenté de mettre au point un système d’indice des mots pour distinguer leur emploi dans des sens différents, mais cette technicité nuit à l’exposé pédagogique de la pensée organique [24].

La méthode de construction progressive est expliquée dans un texte complémentaire [25] placé en annexe. Un texte d’une vingtaine de pages, placé en annexe [26], présente la démarche de la thèse sous forme de rencontre entre l’ingénieur territorial et les autres acteurs concernés par sa quête : l’agent de développement local, l’urbaniste, le géographe, le scientifique-philosophe. Ce récit exprime la transdisciplinarité de la thèse.

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Notes :

[1] Larousse (Le petit), Édité par Larousse, 2002.
[2] Alain Rey (sous la direction de), Dictionnaire Historique de la langue Française, Édition Le Robert (petit format) , Octobre 2004, 3 tomes, 4 304p.
[3] Deux exemples sont à noter dans la présente thèse : la définition des termes du schéma de questionnement P.68-69 et la différence entre mondialisme et mondialisation p.359-360.
[4] André Lalande, Vocabulaire Technique et Historique de la Philosophie , Quadrige, PUF, 133-134, (1996), 2002, 1323 p.
[5] Voir en bibliographie la liste des sigles utilisés. Il s’agit ici de Clés pour Procès et Réalité de Whitehead, Donald W. Sherburne, The Macmillan Company, New York, 1966, traduction H.Vaillant, 1993, 358 pages. Le Glossaire en question, de 64 pages, est en fin de volume. Il est entièrement basé sur Procès et Réalité.
[6] On peut ici regretter que ce dernier index, remarquablement complet au point de constituer presque une base de glossaire, n’ait pas été repris et traduit dans l’édition française de Procès et Réalité due à D. Janicaud, alors qu’il fait partie de l’édition corrigée de 1978 de D.R. Griffin et D.W. Sherburne [6]. Ceci dit, l’index du PR de Janicaud, de 14 p. (pp. 549-563) recoupe d’autres entrées (par exemple dessein physique) et reste fort utile pour un approfondissement.
[7] Alix Parmentier, La philosophie de Whitehead et le problème de Dieu, Beauchesne, Paris 1968.
[8] Dictionnaire Géographique de l’espace et des sociétés, coordonné par Michel Lussault et Jacques Lévy, Éditions Belin, 2003, 1034 p.
[9] Stéphane Rosière, Géographie politique et géopolitique : une grammaire de l’espace politique, Éd. Ellipses, Coll. Universités Géographie, 2003, 320 p
[10] notamment Guy Di Méo, Pascal Buléon, L’espace social : lecture géographique des sociétés, Armand Colin, Juin 2005, 303 p. et DI MEO Guy, Les territoires du quotidien, L’Harmattan, 1996
[11] William Twitchett, Le site urbain : potentialités : réflexions sur le développement responsable et équilibré des établissements humains à partir de six exemples français, égyptiens et australiens, Éditions du Septentrion, Thèse, Directeur de recherche : Paul CLAVAL, mai 1997, 420 p.
[12] Les sigles utilisés sont décrits au début de la bibliographie.
[13] Alain Reynaud, Société, espace et justice : inégalités régionales et justice socio-spatiale, PUF, 1981, 263 p.
[14] Voir notamment François Ascher, Les nouveaux principes de l’urbanisme. La fin des villes n’est pas à l’ordre du jour, 2001. Voir aussi l’ensemble des contrastes établis dans le tableau de la page 355, figure 12-2.
[15] Michel Weber, La dialectique de l’intuition chez A.N. Whitehead. Introduction à la lecture de Procès et réalité, Ontos Verlag, 2003, p.80 à 111
[16] Weber, DIW, 84c.
[17] Weber, DIW 84b, qui renvoie à Whitehead, Concept de Nature, (CN) 141.
[18] POPPER Karl, Le réalisme et la science, post-scriptum à la logique de la découverte scientifique, I, Hermann, éditeur des sciences et des arts, Paris, 1990, 427 p.. La falsifiabilité et le principe de falsification figurent aux pages 1à5, 8, 12, 14, 5, 17, 45, 62, 75, 82, 94, 150, 154, 177, 180, 187, 192, 195, 199
[19] Dean R. Fowler, Process Studies 5 : 3, 1975, article intitulé “La théorie de la Relativité de Whitehead”. Page 1. Le texte complet est placé en annexe 08. À l’adresse suivante : “Annexe08_WHITEHEAD-Textes-de-base-pedagogie\PS05-FOWLER La Théorie de la Relativité.doc.pdf”.
[20] Hélal, 1979, p.13-17
[21] Un texte complémentaire détaille cette motvation. Il est situé en annexe00 à l’adresse suivante : Annexes\Annexe00_Textes-Complementaires\01-PartieI_chap1-Motivations-PartieII.doc
[22] Un texte complémentaire détaille ces 4 points de vigilance : Il est situé en annexe00 à l’adresse suivante : Annexes\Annexe00_Textes-Complementaires\01-PartieI_Chap1-4points-Vigilance.doc
[23] Un texte complémentaire détaille cet outil: Il est situé en annexe00 à l’adresse suivante : Annexes\Annexe00_Textes-Complementaires\01-PartieI_Dynamique-des-Mots.doc
[24] Un texte complémentaire détaille le système d’indice des mots. Il est situé en annexe 00 à l’adresse suivante : Annexes\Annexe00_Textes-Complementaires\01-PartieI_Systeme-Indice-Mots.doc
[25] Un texte complémentaire détaille la méthode d’écriture. Il est situé en annexe 00 à l’adresse suivante : Annexes\Annexe00_Textes-Complementaires\01-PartieI_Methode d-ecriture.doc
[26] Un texte complémentaire présente la thèse sous forme de rencontres. Il est situé en annexe 00 à l’adresse suivante :Annexes\Annexe00_Textes-Complementaires\01-PartieI_Participation-Ingenieur-Transformation-Territoire.doc

1.C. La méthode: le vécu

1.C. Développement d’une méthode à partir de l’expérience et de la pratique :

C’est de la pratique professionnelle décrite dans les 7 étapes ci-dessus qu’une méthode a émergé. La pratique a permis de constater dans l’expérience un certain nombre d’invariants, dans différentes dimensions, sur diverses thématiques et à des échelles variées. Mais l’histoire des événements n’est pas la méthode, même si elle est la source de la méthode. La méthode a émergée de cette histoire. Elle a été déterminée par tâtonnement, par corrections successives. Elle s’est faite en cheminant. L’histoire de la démarche explique le questionnement, les enjeux et le pourquoi des matériaux utilisés. La méthode mise au point pour la thèse est le fruit de cette histoire. L’histoire restera en grande partie extérieure à ceux qui n’en étaient pas, mais la méthode doit s’adresser à toute personne nouvelle , élu, fonctionnaire, habitant. La méthode qui a émergé est:

  • d’analyser les 5 invariants principaux de l’expérience [1] et d’essayer de voir dans le concret des dimensions concernant l’homme, les sociétés et les territoires s’ils constituent vraiment des réalités d’expérience universelles,
  • d’analyser les relations entres ces 5 invariants pour permettre de mieux comprendre l’expérience. L’enjeu de l’analyse de ces relations est de voir comment ces invariants fonctionnent ensemble, car la pratique montre qu’ils doivent êtres articulés pour permettre un changement positif, c’est-à-dire la création de richesses, la transformation de la société et des territoires sur eux-mêmes, l’arrêt du déclin … et non pas l’organisation sans le vouloir de nouvelles fragmentations sociales et territoriales , par manque de coordination.
  • voir si ces 5 invariants permettent d’exprimer les conditions de la transformation du territoire et peuvent constituer une méthode pour améliorer les propositions.

Ces trois étapes renvoient aux trois parties de la thèse. La méthode n’a donc pas ses sources dans une théorie, dans des hypothèses abstraites : elle repose sur la pratique et l’analyse rétrospective des 10 années d’expérience collective (1998-2008), effectuées en assumant les différentes fonctions citées précédemment. C’est pour cela qu’elle part de cas pratiques, de réseaux existants, et de la description de l’avancée de la réflexion au sein du Groupe de Travail des Ingénieurs Généralistes de l’Association des Ingénieurs Territoriaux de France (AITF) et de la confrontation de ces résultats avec d‘autres réseaux d’expérience. Ce qui est en jeu, c’est de répondre à nos questions sur les possibilités d’un savoir généraliste, et la transmission des conclusions à d’autres professionnels ou collègues. Ce travail de thèse poursuit la démarche de rédaction de « fiches d’expériences » dans les rencontres et les congrès égrenés entre 1998 et 2004 (transmis en annexe 02b et O2c). « Tout étudiant devrait se former à la discipline intellectuelle de rédiger des « fiches d’expérience », pour transmettre son vécu et le mutualiser » déclarait Pierre Calame à l’issue d’une conférence de Prospective territoriale et sociale le Jeudi 17 décembre 2005 [2]. C’est cette discipline, ses fondements théoriques et ses applications pratiques qui est ici explorée. La démarche de présentation des travaux en trois parties peut être assimilée à la métaphore pédagogique du vol de l’avion, en 3 temps [3] :

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Figure 1‑3 : Schéma du « Vol de l’avion » (Whitehead, PR5)

  • 1er temps (I) : l’envol ; partir du sol, de la pratique, du réel, des problèmes concrets, de l’expérience, pour réunir des observations …
  • 2ème temps (II) : le vol ; interpréter l’expérience concrète, et s’élever dans le ciel de la généralisation imaginative, de la rationalisation, de l’abstraction qui interprète l’expérience, qui permet de donner du sens, et de préparer des applications …
  • 3ème temps (III) : l’atterrissage ; appliquer les généralisations sur un nouveau sol …

Cette image est une image applicable de façon globale à l’éducation, à la recherche. On la retrouvera dans la définition de l’expérience. Il y sera fait référence régulièrement.

1.C.1. Première partie : l’analyse des invariants de l’expérience :

La méthode qui découle de l’expérience du Groupe de Travail de l’AITF, des rencontres, congrès et confrontations à d’autres réseaux, comprends la succession des actions suivantes :

  • définir l’expérience et mettre au point un schéma de questionnement qui articule ces invariants issus de la pratique,
  • confronter ce schéma global de questionnement aux réseaux qui travaillent sur l’expérience des hommes, des sociétés et des territoires afin d’affiner à la fois le contenu de ces invariants et leurs relations entre eux.
  • confronter ce schéma global de questionnement à mon expérience professionnelle, et d’essayer de tirer des conclusions sur sa pertinence,
  • approfondir l’expression de l’expérience du Groupe de Travail des Ingénieurs Généralistes avec les matériaux issus de la pratique, afin d’en tirer des conclusions et des pistes pour la poursuite de la recherche dans les parties II et III.

Ces quatre points font respectivement l’objet des chapitres 2, 3, 4, 5.

Nous verrons au chapitre 5 comment, en chemin sur cette thèse (Avril 2002), la réflexion sur la pensée organique de Whitehead nous est apparue particulièrement intéressante et éclairante pour proposer des réponses à nos questions. En effet, confrontée à la pratique professionnelle, cette pensée réputée très difficile est paradoxalement apparue adéquate comme base, voire comme fondement de la pratique d’une créativité renouvelée dans le travail et dans la vie. Déjà reconnue pertinente en physique relativiste et en mécanique quantique, en biologie, en pédagogie, cette pensée ne l’est que peu dans les sciences humaines et en géographie (il existe toutefois le laboratoire d’application à l’espace public d’Isabelle Stengers à l’Université de Bruxelles et les deux ouvrages de Joseph Grange aux Etats-Unis). Cette pensée est apparue pertinente pour répondre aux questions du Groupe de Travail. Ce travail est l’objet du deuxième temps.

1.C.2. Deuxième partie : la généralisation imaginative ; vérification de la pertinence de la pensée organique utilisation comme fondement de la définition des objets géographiques ; esquisse d’une approche géographique des potentialités :

Les étranges similitudes de la convergence constatée sur le terrain avec les éléments clés de la philosophie organique de Whitehead amènent à approfondir l’approche organique. La pratique a permis de constater que derrière les démarches de développement local et de développement territorial existe une pensée organique qui s’ignore. Par pensée organique sans autre qualification, nous entendons, rappelons-le, la pensée développée par Whitehead à travers ses trois œuvres principales : La science et le monde moderne (SMM, 1925), Procès et réalité (PR, 1929) et Aventure d’idées (AI, 1933), et dont les grands fondateurs[4] sont Peirce, James, Bergson, continués de nos jours par Hartshorne (décédé en 2000), I. Stengers, D.R. Griffin, L. S. Ford, J. Grange, et en France par B. Saint-Sernin et des doctorants de plus en plus nombreux (P.J.Borey).

La méthode comprend les actions suivantes :

  • 1/ Exprimer et critiquer les présupposés usuels qui voilent la compréhension de l’expérience. La nouvelle base d’interprétation de l’expérience est ce que tout un chacun présuppose en pratique même s’il le nie verbalement. L’ensemble de ces présupposés issus de « la pratique » constituent le noyau dur du sens commun.
  • 2/ Faire un exposé clair et explicite de la pensée de Whitehead et de ses successeurs (il existe peu d’ouvrages en français), appuyés sur les exemples de la partie I.
  • 3/ Essayer de définir les objets géographiques et d’interprétation de l’expérience géographique à partir de cette approche.

La réalité est simple, puisque les mots d’appréhension, de dynamique et de processus sont employés couramment (354 fois dans le seul DGES [5]) comme des termes évidents qui peuvent se passer d’explication. Ils sont employés pour se faire comprendre d’un seul mot qui laisse entendre que tout le monde sait de quoi on parle. L’analyse organique est l’analyse de cette évidence. Cette analyse oblige à dépasser « une certaine opacité » [6] de l’évidence. Il se révèle que la mise en lien des notions sous-tendues présente de nombreuses difficultés dues au mode de pensée moderne (dualiste, pensée en sujet/attribut, subjectiviste, …). La mise en évidence des liens (pour rendre compte de l’évidence de l’utilisation dans la pratique) oblige à approfondir les présupposés de l’interprétation de l’expérience.

Ayant suivi le cursus de mathématiques et de physique des études secondaires et supérieures, je tenais également à faire le lien interdisciplinaire entre les sciences physiques (surtout Relativité et Mécanique Quantique) et mathématiques (surtout la Logique), et les sciences humaines [7]. De ce point de vue, le choix de la pensée organique de Whitehead s’est imposé, Whitehead ayant lui-même suivi (à Cambridge !) un cursus mixte, et son schème des catégories du sentir, ainsi que ses critères de base que sont l’adéquation, l’applicabilité, la logique, la cohérence, la nécessité, offre une ouverture et une pénétration remarquables. Cette thèse est donc l’occasion d’une mise en cohérence rationnelle et ordonnée de toute une expérience de terrain.

Une exigence essentielle est que chacun puisse vérifier par lui-même à travers sa propre expérience les recherches présentées ici. C’est un appel à la vérification personnelle, si importante dans le monde des ingénieurs, mais aussi des urbanistes, des architectes et des géographes.

Reste alors à découvrir comment les réalités mises en valeur par la géographie prospective acquièrent dans l’approche organique une valeur ontologique. En un sens, la géographie prospective est une exemplification remarquable des catégories du sentir whiteheadiennes. Nous essaierons de montrer comment ces catégories permettent de faire le lien entre le côté affectif, émotionnel de l’expérience (Dardel, Paquot) et le côté réflexif (Lussault, Ascher, Latour). Elles pourraient devenir un fondement fécond aux Formations/Catégories-socio-spatiales développées à la suite d’Alain Reynaud. Cela relève du 3ème temps : la mise en application.

1.C.3. Troisième partie : les applications géographiques concrètes

Dans notre cas, l’application se fait au niveau du territoire, entre urbain et rural : c’est la région conviviale en équilibre avec ses acteurs (la société conviviale), dans la recherche de nouveaux outils (la boîte à outil de l’ingénierie territoriale). Notre tentative consiste à mettre en œuvre une pensée qui unifie la diversité des acteurs dans le respect de leur différence. C’est là le préalable à la réussite de toute politique initiée par la base (bottom up).

La partie II, plus « théorique » que la première a pour seul but de permettre des applications pratiques à la géographie (la transformation des territoires). Ces applications sont présentées en quatre temps :

  • La présentation des notions cohérentes avec l’approche organique, voire approfondies par cette dernière (Ch. 13)
  • L’application à la région « Entre Vosges et Ardennes » aux trois échelles indicatives de 32 000 km2, de 2 000 km2 et de 125 km2 (Ch. 13, 14).
  • L’ouverture à d’autres régions d’Europe, voire du Monde (Ch. 15).
  • L’essai d’implication possible pour les acteurs de la transformation des territoires (Ch. 16).

Le principal apport de la pensée organique est ici de donner à la potentialité un statut pleinement réel : la potentialité n’est pas une démarche « à part », « hors du réel ». Elle est une spéculation au sens de « mener l’enquête », à la manière de Sherlock Holmes, où d’un inspecteur de police qui « inspecte ». « Inspecter » est de la même racine étymologique que « spéculer », ce qui exprime bien son lien au réel.

1.C.4. Résumé de la démarche : le « fil rouge » de la thèse

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Notes :

[1] Il s’agit en fait de « 4+1 ». En effet, nous verrons que les valeurs (le « +1) ont un statut particulier : elles sont présentes dans les 4 autres invariants de l’expérience (P.Calame, P.Braconnier, A.N.Whitehead).
[2] Présentation par Jacques de Courson de son dernier ouvrage « L’appétit du futur : voyage au cœur de la prospective » Ed° CLMeyer, 2005, 121 pages.
[3] Cf.Alfred North Whitehead, Procès et réalité. Essai de cosmologie, page 5a (48). La page 5a se réfère à l’édition américaine corrigée de 1978. La page indiquée entre parenthèses est celle de l’édition Gallimard de 1995. L’indice correspond au paragraphe, le premier paragraphe étant « a », le suivant « b », et ainsi de suite. L’abréviation de l’ouvrage est PR dans les notes suivantes. La liste des abréviations des principaux ouvrages est fournie en tête de la thèse.
[4] Le terme est choisi en fonction de l’ouvrage de David Ray Griffin, John B.Cobb, Marcus P.Ford, Pete A.Y. Gunter, Peter Ochs, Les fondateurs de la philosophie postmoderne constructiviste : Peirce, James, Bergson, Whitehead et Hartshorne, State University of New York Press, 1993, trad. H. Vaillant (inédite).
[5] Dictionnaire de la géographie et de l’espace des sociétés, 2003. De nombreux autres exemples sont fournis en partie II, aux chapitres 7.C. et 9.A. sur l’(ap)préhension et le procès (processus interne et externe).
[6] Voir la note 5 du résumé en tête de la thèse. Ce rappel par Michel Lussault du mot de Georges Pérec, noté par en introduction de L’homme spatial, 2007 correspond au concept développé par Nicolas Rescher sous le nom « d’opacité cognitive des choses réelles » . Ce concept est cité par Michel Weber en page X de sa préface des Essais sur les fondements de l’ontologie du procès de Nicholas Rescher (2006). Maurice Merleau-Ponty fait la même remarque dans Signes, Gallimard, 1969, p.53 : « Il y a donc une certaine opacité du langage : nulle part il ne cesse, pour laisser place à du sens pur, il n’est jamais limité que par du langage encore, … ».
[7] En Mathématiques Spéciales M, la relativité n’a été abordée qu’en 1 heure seulement ! Mais heureusement la mécanique quantique l’a été plus longuement, quoique uniquement à partir des équations, et sans explication des conséquences (paradoxe EPR, expériences d’Aspect de 2002, …).

1.B. Présentation générale

1.B. Présentation générale de la thèse :

1.B.1. Le plan d’ensemble de la thèse en trois parties, qui inclut les sept étapes de la recherche au sein de l’AITF/CNFPT :

La thèse se présente comme le vol de l’avion, en trois temps : le décollage à partir de l’expérience, le vol de la généralisation à partir de l’expérience, et l’atterrissage sur le terrain des applications.

Dans la première partie, un schéma de questionnement de l’expérience permet la confrontation avec les réseaux au niveau de l’homme, des sociétés, des territoires, et l’expérience professionnelle. On observe une convergence vers cinq « réalités d’expérience » qui apparaissent comme des invariants, des principes identiques présents dans toute expérience.

Dans la deuxième partie, on constate la pertinence de l’approche organique formulée en première partie pour interpréter l’expérience. L’approche organique part des notions du langage ordinaire comme l’appréhension, le processus, les propositions, la satisfaction, … et analyse leurs relations. Le procès (le processus interne et externe) se révèle ainsi être la structure de l’expérience. Il permet de définir la notion d’objet géographique , à partir de la notion de potentialité réelle, pure, ou hybride. Cette approche est non-dualiste. Elle prolonge dans un sens organique les approches de Bruno Latour et de Michel Lussault. Pour autant, elle est cartésienne, à condition de supprimer les incohérences de l’approche de Descartes (notamment sa séparation arbitraire entre matériel et idéel) et de développer sa notion de res verae (la « chose vraie »). Cela implique un certain nombre de passages * de la modernité vers une culture non dualiste que nous proposons d’appeler transmoderne.

Dans la troisième partie, on applique les notions définies en partie II à la notion de région conviviale. La région « Entre Vosges et Ardennes » est étudiée. Celle-ci, comme le souhaitaient les élus de la « Grande Région » à leur 7ème Sommet de 2003, peut devenir un modèle pour d’autres régions d’Europe, voire du monde. L’action de tous les acteurs sera nécessaire pour permettre cette transformation des territoires vers plus de convivialité.

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Figure 1‑1 : Schéma du plan général de la thèse

1.B.2. Les sept étapes de la recherche au sein de l’AITF/CNFPT :

Les étapes qui sont présentées ici sont les étapes successives de mûrissement de la thèse, de la prise de conscience de la nature de la dynamique de transformation des territoires. La démarche relève au départ d’une démarche géographique classique, basée sur les plans et les archives. La prise en compte de la dynamique des acteurs nous a progressivement amené à prendre conscience d’une dynamique des territoires basée sur les mêmes réalités d’expériences. Le questionnement sur la façon d’articuler entre elles ces réalités nous a conduit à nous intéresser au procès whiteheadien de l’expérience. Transformer les territoires est en effet la production d’un nouvel être ensemble, qui est l’objet de la pensée organique. Cette pensée, qui articule événement, organisme, expérience et procès de sentir peut s’offrir une mise à l’épreuve dans un nombre considérable de domaines de l’expérience [1], sans être pris en défaut. Dès lors, après la vérification de la pertinence des relations proposées par le procès, il est possible de sortir du champ traditionnel de l’épistémologie pour montrer la fécondité de l’approche dans le champ de l’ingénierie territoriale et de la géographie.

Le tableau qui suit présente les 7 étapes de la recherche au sein de l’AITF/CNFPT[2], le tout est structuré en deux colonnes. Une colonne est consacrée aux dates de la recherche et aux événements qui l’ont ponctuée. Une autre colonne est consacrée à l’évolution du contenu, à chacune des étapes identifiées. L’objet de la thèse est en effet de tracer les liens entre les notions, et de montrer leur fécondité dans la compréhension de la formation et de la transformation des territoires. En un sens, cette thèse est génératrice de beaucoup d’autres thèses, pour traiter les notions identifiées au fur et à mesure. L’ingénierie territoriale et la région « Entre Vosges et Ardennes » sont des exemples singuliers qui permettent de tester la pertinence des liens énoncés : ils sont l’occasion d’un tissage entre le singulier et l’universel.

Ces 7 étapes sont illustrées en 7 schémas sur un format A3, et sont présentées au début du chapitre 2. (voir également une présentation des 7 étapes sous formes de 7 schémas au début du chapitre 2)

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Figure 1‑2 : Illustration et développement des étapes 1 à 7 du cheminement de la thèse.

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Note :

[1] Citons la toute récente thèse de Pierre-Jean Borey Vers une lecture politique de Whitehead, relativité et subversion, soutenue le 18 juin 2007 à Nanterre et obtenue avec mention Très Bien à l’unanimité du jury.
[2] Association des Ingénieurs Territoriaux de France et Centre National de la Fonction Publique Territoriale Tous les sigles sont présentés en tête de la thèse (Voir plus loin la description des réseaux au chapitre 1.G.)
[3] Voir annexe 01 : Publication de 129 pages A3 avec plus de 35 plans de ville.
[4] Voir annexe 02 : Liste des 14 réunions ; CDROM du Congrès de Montbéliard élaboré avec le GRETA de Lunéville ; 25 études de cas, 30 000 pages de documents organisés suivant les 5 dynamiques.
[5] Voir annexe 03 : Étude de préfiguration de l’agglomération transfrontalière dans son intégralité.
[6] Voir annexe 04. : CR d’Angers et fiches de Perpignan.
[7] Voir annexe 05 : 5 fiches et intervention sur le « Génie territorial » au Congrès AIU de Genève en Octobre 2004
[8] Voir annexe 06 : Interventions aux Chromatiques whiteheadiennes (CW) de septembre 06 et Avril 07
[9] Voir annexe 07 : Intervention géographique au Congrès de l’AIU de septembre 2007 à Anvers.

1.A. La problématique

Les territoires de transition, flous, situés entre urbain et rural sont en pleine transformation. On peut y observer que la dynamique de changement s’articule autour de 5 réalités indissociables et simultanées : la vision, les objectifs, les valeurs, les interactions, les structures.

Cette dynamique territoriale et de changement de société est vécue au quotidien dans les expérimentations de développement local. L’approche organique enrichit et développe l’expression des cinq réalités de la dynamique et de leurs relations mutuelles. Elle fournit une base à la fois scientifique et philosophique à l’interprétation de l’expérience personnelle, du vécu ordinaire.

Cette dynamique, ainsi enrichie par une pensée organique, se retrouve dans les trois dimensions des activités naturelles, humaines et économiques, dans leurs interactions, à différentes échelles de l’espace et du temps et dans nos réseaux sociaux. Les couples interne/externe, privé/public, individu/société, personne/communauté, bottom up/top-down, etc … ne sont plus des oppositions (séparations, cloisonnements, fragmentation, …) mais des tensions créatrices (des contrastes, une dialogique). Mais comment tout cela « tient-il ensemble » ? Nous verrons comment ces contrastes permettent l’unité dans la diversité au sein du procès organique.

Découvrons comment cette dynamique a un lien avec l’analyse génétique du réel, au sein des réalités ultimes. La dynamique s’intègre au « schème organique » qui est à ce jour la seule synthèse intégrant à la fois les récents acquis scientifiques et les éléments de sens commun vérifiables par chacun dans son expérience ordinaire. Cette réalité ultime, – l’ensemble des « gouttes d’expériences » – compose notre vécu ordinaire, non dualiste, unité dans la diversité. En ce sens, la dynamique contribue, par la recherche qu’elle induit, à préciser le schème organique dans le domaine de la géographie. Dans la saisie ((ap)préhension, sensation) de cette fécondation réciproque apparaît la nouvelle mutation organique de l’urbanisme (ch.12).

Cela amène à abandonner d’anciennes habitudes de pensée, pour en adopter de nouvelles, logiques, cohérentes et adéquates pour l’interprétation de l’expérience vécue. Les notions de matière, d’objet, de substance, d’espace et de temps, … sont reliées entre elles et aux observations ou gouttes d’expériences de la vie ordinaire, dans un langage souhaité redevenu simple et dégagé du piège qui consiste à prendre l’abstraction pour le réel (le concret mal placé, source de bifurcation).

Cette dynamique peut être qualifiée de conviviale, en ce sens qu’elle montre l’unité et la solidarité des éléments de la nature, et l’équilibre entre le territoire, ses acteurs, ses organisations, les potentialités de chacun d’eux et leur coopération vers plus d’harmonie. Cet équilibre dialectique entre potentialités et actualités peut enrichir la pensée du développement durable, le lien entre le rural et l’urbain, et permet de caractériser l’évolution (l’avancée créatrice ou encore transformation créatrice) des sociétés sur leur territoire.

Le lien entre le rural et l’urbain s’éclaire alors d’un sens nouveau par l’emboîtement de ces deux dimensions. Au lieu d’être exclusives, la ruralité et l’urbanité se conjuguent, en particulier dans la convivialité et la connivence. Les formes de métropolisation en cours vont dans ce sens, confortant la notion de tiers espace. Cette notion prend ici le nom de « région morphologique basée sur l’appartenance et symbolisée par son contour et son centre de référence », ou région conviviale.

Les acteurs du territoire peuvent permettre ce passage de la séparation/exclusion à l’emboîtement/convivialité du rural et de l’urbain, de l’échelon local à l’échelon régional. Ils sont à l’articulation entre démocratie ascendante et descendante (on pourrait dire aussi entre la démocratie de représentation et la démocratie de participation). Ils contribuent ainsi de façon décisive à la prise en compte du rural dans l’expansion urbaine (métropolisation) et à l’équilibre entre les deux. Et ils contribuent à faire entendre la parole du citoyen de base.

Il se dégage pour le Grand-Est une figure de la région conviviale qui rend compte de l’équilibre entre le territoire et ses acteurs, du rural à l’urbain. Cette figure peut être un exemple pour d’autres régions d’Europe, voire du monde.