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6.B. Quels sont les obstacles rencontrés ?
Le problème principal du travail de Guy di Méo et Pascal Buléon nous apparaît être la présupposition systématique (non explicitée) de la séparation du matériel et de l’idéel. En effet, ces auteurs font une longue démonstration pour montrer que le territoire relève du matériel d’un côté (les pratiques du territoire, agricoles, économiques, sociales…), et de l’idéel de l’autre (les représentations politiques, culturelles, sociales, les lieux symboliques). Suit alors un long développement pour montrer qu’il n’est pas possible de les séparer. Écoutons les auteurs : « La dialectique du matériel et de l’idéel nous met dès lors sur la piste d’une complexité fondamentale des objets de la géographie, sur celle de leur indispensable approche pluridisciplinaire. (…) Elle nous (ré)apprend que l’homme est engagé dans la nature et y loge avec toute sa (ses) culture(s) : l’idéel investit le matériel. Mais la nature en retour pénètre tout l’homme et lui impose ses lois : le matériel constitue une condition irréductible de l’idéel » (..) Une claire conscience de la dialectique de l’idéel et du matériel porte les germes de l’invention d’une nouvelle culture [1] qui ne fasse pas violence au milieu naturel, qui pousse l’humanité à maîtriser les processus techniques de la transformation de ce milieu. Produit d’une dialectique du matériel et de l’idéel, une gestion patrimoniale de la nature semble seule capable d’apporter une solution convenable à quelques-unes des questions environnementales les plus préoccupantes de notre temps. Personnellement, ce qui nous séduit le plus dans la dialectique du matériel et de l’idéel, rapportée aux objets et aux préoccupations de la géographie, c’est le renfort théorique qu’elle fournit pour la fondation d’une méthode de la géographie sociale ».
Cette « nouvelle méthode » tourne-t-elle court ? La méthode annoncée reprend des travaux plus anciens sur le concept de formation socio-spatiale (FSS : par exemple la Palestine des Palestiniens, la mosaïque sociale à Philadelphie, le littoral de la Manche, les Touaregs de Bankilaré, le vignoble des Graves dans le Bordelais …) et de combinaison socio-spatiale (CSS – ce sont des composantes des FSS). La question revient souvent sous la plume des auteurs de savoir comment dépasser cette dichotomie, opposition, contradiction du matériel et de l’idéel. La référence à Maurice Godelier ne 〈175〉 vient qu’après coup appuyer, mais non pas fonder les méthodes géographiques de la FSS et de la CSS.
A la lecture de cette analyse, il semble que la source du problème de ces auteurs est d’avoir pris comme référence Maurice Godelier qui est anthropologue, alors que c’est la philosophie qui peut apporter des éclairages, notamment la philosophie organique.
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Notes :
[1] Mis en gras par l’auteur de la thèse.