2.G.4. Les « processus organiques de régulation » du lac suisse, selon Pierre Calame
Pierre Calame, dans Mission possible, établit un lien entre les régulations organiques qui se font dans la nature sans l’intervention consciente de l’homme, et les régulations socio-politiques qui sont, quant à elles, des actes délibérés posés par des acteurs sociaux. Les sociétés humaines longtemps fermées sur elles-mêmes ont formé des systèmes bio-socio-techniques très stables. Les régulations organiques de ces sociétés semblent s’être imposées au fil des temps. Aujourd’hui, ces régulations sont appelées à devenir conscientes. Quel est le mécanisme de ces régulations ? Pour les montrer, Pierre Calame analyse deux exemples [1]: les banlieues françaises et le lac suisse étudié par l’Unité de biologie aquatique de l’Université de Genève (UBA).
Dans l’exemple du lac suisse , Pierre Calame distingue quatre « étapes » :
- Une étape « d’intelligibilité ». Il faut « rendre intelligible les processus organiques de régulation »: les dégradations, les irréversibilités éventuelles, …
- Une étape d’« évolution des représentations » pour exprimer les « potentialités du lac » et définir « des avenirs possibles »,
- Une étape « assurant une médiation entre le lac et l’ensemble des régulations nouvelles à introduire »
- Une étape pour « mettre en place de nouvelles régulations » et faire « l’apprentissage de nouvelles valeurs et de nouveaux comportements ».
On retrouve quatre des cinq phases des démarches qui précèdent :
- L’étape 1 est celle de l’analyse des interactions (R4)
- L’étape 2 est celle de la détermination de nouveaux enjeux pour définir une visée (R1)
- L’étape 3 est celle de la détermination de nouveaux objectifs (R2)
- L’étape 4 est celle de la prise de décision, du passage à l’acte et de mise en place de nouvelles structures (R5)
Manque-t-il la cinquième étape (R3) des trois démarches précédentes ? R3 est l’étape des valeurs, des références, des attitudes de base. Cette étape des valeurs, le « socle éthique », a toujours été traitée à part comme un élément préalable, et fondement de tout le reste par la FPH. Il est exprimé ici en même temps que l’étape 4, à travers « l’apprentissage de nouvelles valeurs et de nouveaux comportements ». On retrouve donc dans le désordre nos cinq « réalités ».
« L’exemple du lac peut nous servir de fil directeur pour concevoir de nouvelles régulations socio-politiques pour la planète » conclut Pierre Calame. N’est-ce pas l’indication que le processus de régulation décrit à un caractère général, voire universel ? Pierre Calame nous laisse entrevoir que les correspondances entre les approches ne sont pas le fruit du hasard.
Toute son œuvre sera effectivement imprégnée du fil directeur des quatre phases et du socle éthique, notamment le Cahier de proposition pour le territoire (2001) analysé ci-après au chapitre 3.B.3. p.87 à 90.
[1] Pierre Calame, Mission possible, Penser l’avenir de la planète, Préface d’Edgar Pisani, Paris, Desclée de Brouwer, Coll. Culture de Paix, 1995, 222 p. Les exemples de la banlieue française et du lac suisse sont pp. 65-66.