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Chapitre 14 : Région conviviale (R.C.) « Vosges-Ardennes »

Chapitre 14 : Émergence de la région conviviale « Vosges-Ardennes »; approche à l’échelle indicative des 32 000 km2 :

Les notions des chapitres qui précèdent sont mises en œuvre pour la région située « Entre Vosges et Ardennes ». Une démarche semblable pourrait être faite pour toute autre région en Europe et dans le monde, et une grande attention a été portée à l’enchaînement des chapitres qui suivent, pour esquisser une méthodologie d’émergence de régions conviviales qui soit applicable pour toute région du monde.

La région « Vosges-Ardennes », territoire en creux entre la dorsale européenne et les deux pôles urbains de Paris et de Dijon, manque encore d’une vision régionale forte pour fédérer les initiatives existantes. L’application des notions exposées au chapitre 13 peuvent aider à l’émergence d’une vision cohérente. Cette vision est développée dans le présent chapitre.

Cette recherche poursuit les travaux de William Twitchett aux Congrès AIU/ISoCaRP du Caire et de Genève. Avant d’étudier le Grand-Est français, quelques régions conviviales de référence peuvent être citées : elles seront nommées par leurs capitales. Ces régions sont celles de Lyon, Stuttgart, Bruxelles, Barcelone, Valladolid, Mérida, Oviedo, Santiago de Compostella, Düsseldorf, Amsterdam, Riga. Une carte de ces régions est exposée au chapitre 15.B. (régions légendées en vert sur la carte de l’émergence de régions conviviales en Europe).

Essayons maintenant de savoir pourquoi la région « Vosges-Ardennes » ne fait pas partie de cette liste, et quelles seraient les conditions pour qu’elle en fasse partie.

13.F-I. L’Art des fondations

13.F. Une mise en œuvre des outils : première approche des régions conviviales du monde avec les chiffres de l’ONU et les enquêtes de l’Association Métropolis

Le fichier de l’ONU des agglomérations de plus de 1 000 000 d’habitants en 2005 indique 425 agglomérations [1] regroupant une population de 1 257 930 082, soit près de 20% de la population de la planète. Les surfaces correspondant à ces populations ne sont pas indiquées. Pour aller plus loin, l’Association Métropolis [2] avait établi une enquête sur les populations et surfaces correspondantes des 408 agglomérations des fichiers de l’ONU en 2003, en distinguant trois ou quatre échelles suivant les cas. Cinquante-trois (53) fiches sont téléchargeables sur le site de l’Association. Il est possible de reconnaître dans ces échelles décrites celles du cercle A (125 km2), du cercle B (2 000 km2) et du cercle C (32 000 km2), confirmant ainsi la pertinence de l’approche proposée dans la présente thèse. Il convient de noter que l’Association Métropolis connaissait cette approche en plusieurs cercles de référence, puisqu’elle avait été présentée par William Twitchett au Congrès Métropolis de Melbourne en 1990. Les 53 fiches ont été mises dans un tableur pour permettre les comparaisons et l’analyse. Dix-huit (18) métropoles sont déjà structurées à l’échelle C de la région conviviale. Ces métropoles, de toutes les parties du monde, sont présentées dans le tableau ci-joint. Il est possible de les présenter en trois groupes, par ordre de densité croissante :

  • Densité inférieure à 300 hab/km2 : Stockholm, Berlin, Barcelone, Lima, …
  • Densité entre 300 et 600 hab/km2 : Chicago, Bruxelles, Belo-Horizonte, Rio de Janeiro, Milan, Ruhr,
  • Densité supérieure à 600 hab/km2 : Ho Chi Minh, Mexico, Sao-Paolo, Téhéran, Osaka-Kyoto-Kyobe, New York, Tokyo, Dhaka.

Ainsi, parmi les régions conviviales les plus denses se trouvent les villes du Japon (avant Mexico), la densité la plus forte (à cette échelle) étant au Bangladesh avec Dhaka. Tokyo et Dhaka ont ainsi une densité d’environ 1 200 hab/km2 à l’échelle régionale, qui équivaut au double de la moyenne des 18 métropoles présentées.

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Figure 13‑16 : Tableau des régions urbaines déjà constituées à l’échelle des régions conviviales (Source : enquête sur les métropoles de l’Association Métropolis 2003)

Le grand intérêt de cette enquête de Métropolis est de bien montrer qu’une densité est liée à un territoire, avec quatre phénomènes distincts et conjugués :

  • La densification des cœurs de ville (ici en moyenne environ 4,6 Mhab. sur 600 km2 et une densité de plus de 7 500 hab/km2),
  • La densification et l’élargissement des agglomérations autour du cœur de ville (ici en moyenne 8,4 Mhab sur 3 800 km2 pour une densité de près de 2 200 hab/km2),
  • Un desserrement des agglomérations sur le territoire régional, avec plus d’un doublement de la population de l’agglomération (ici environ 16 Mhab sur 31 300 km2, soit une densité dépassant 500 hab/km2).
  • L’exode rural se poursuit dans toutes les parties du monde.

Ces processus sont expliqués ci-après au chapitre 13.H.

Ainsi, au moment où l’on continue à observer un exode rural, l’examen des chiffres corrélés aux territoires montre un très fort desserrement des villes sur de larges étendues (urban sprawl ou étalement urbain). Les territoires des aires métropolisées sont ceux qui cumulent ces quatre phénomènes contrastés. Leur conjugaison brouille la lecture du territoire, modifie profondément les modes de vie, et le lien de l’homme à la terre (Dardel). C’est leur compréhension simultanée qui permet de comprendre ces mutations, et la présentation de cette simultanéité est faite au chapitre 13.H précité.

Pour autant, la ruralité ne disparaît pas puisque la mobilité n’est pas accessible à tous, comme le souligne P-J. Thumerelle. En effet, celui-ci souligne

  • Le ralentissement des taux de croissance des agglomérations, sans sous-estimer l’ampleur cumulée depuis 50 ans : multiplication par 9 pour Lima-Callao, Bogota, Sao-Paolo ou Mexico, par 7 pour Caracas, par 4 pour Rio de Janeiro ou Santiago.
  • L’effet de taille : l’augmentation relative des villes petites ou moyennes est plus rapide que celle des grandes villes, mais elles rassemblent globalement aujourd’hui, dans des agglomérations de moins de 500 000 habitants une part de la population urbaine moins importante que naguère : 45% en 1990 contre 70% en 1950, et 58% en 1970. Le poids des grandes agglomérations est renforcé, accroissant dramatiquement la lisibilité des processus d’exclusion et de paupérisation « induite par la mondialisation et la libéralisation de l’économie » [3].
  • Les aires de grande pauvreté recouvrent celles de croissance démographique rapide, de profonde ruralité, de quasi-exclusivité agricole, d’urbanisation fondée sur une économie informelle et vulnérable, etc.[4]
  • « Les campagnes des pays sous-développés ne seraient pas vidées pour autant : elles compteraient 10% d’habitants de plus ; les populations rurales de la Chine et plus encore de l’Inde seront par exemple toujours plus nombreuses que la population totale de l’Europe (Russie comprise). La concentration urbaine n’empêchera pas la poursuite de la densification de nombreuses zones rurales ; il paraît inévitable que les formes intermédiaires entre rural et urbain se diversifient et se multiplient mais la lisibilité des territoires n’en sera pas clarifiée. (…) L’hypothèse d’une  « transition de la mobilité », c’est-à-dire du passage de la quasi-immobilité d’un mode rural fermé à une mobilité généralisée, multiforme et à toutes distances, n’est pas en soi infondée. Mais il est probable que les développements techniques et l’évolution des civilisations réduisent la nécessité des déplacements physiques des hommes avant que le monde entier se voit généraliser l’inflation de circulation des pays les plus développés. On en est de toute manière très loin, une grande partie de la population du monde vit toujours dans des univers ruraux semi-clos, où la mobilité des hommes comme l’ouverture sur l’extérieur au moyen des médias modernes sont encore très indigentes »  (P-J. Thumerelle, 1996, p.367-368)

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Avec P-J. Thumerelle, il faut constater que c’est beaucoup plus dans l’étude des changements des flux régulateurs aux différentes échelles, et la complexification des formes et des réseaux de mobilité à travers le monde qu’il faudrait observer les lignes de force des changements dans le peuplement, plus que dans l’observation de la densification. La notion de territoire est une notion centrale, et l’échelle de la région conviviale est une échelle d’observation privilégiée des phénomènes de changement des flux.

Il est étonnant d’observer que dans de nombreuses publications, des pourcentages très précis entre rural et urbain sont donnés, alors que le distinguer est flou, que les définitions ne sont pas homogènes entre les États. Ces définitions ne sont quasiment jamais précisées pour les pays autres qu’occidentaux. La sortie de la confusion entre mondialisme et mondialisation permettrait d’éclairer le débat. L’utilisation des critères d’une société (émergence, héritage, transmission et filiation) servirait à éclairer le débat entre rural et urbain, et de sortir de la dichotomie entre ces deux notions. Ce travail ne pourra qu’être un aller-retour entre les suggestions de départ du géographe et l’identification des régions conviviales par les habitants eux-mêmes.

13.F.1. Comment compléter les informations journalistiques ou statistiques occultant les territoires ?

Des dossiers sur le gigantisme urbain sont régulièrement publiés, comme le dossier Le Monde, Dossiers et documents de Novembre 2007 sur « Mégalopoles : les nouveaux mondes ».

Les tableaux de comparaison des villes se concentrent sur les populations sans référence à des surfaces de territoire, ce qui empêche toutes comparaisons. Le croisement des fichiers de l’ONU de 2003 avec l’enquête de l’association Métropolis [5] donne la référence à des surfaces correspondantes. Il est à cet égard très instructif. La population de Tokyo et de New York est donnée à une échelle voisine de la région conviviale. Sur la base de cette superficie, la ville de Dhaka aurait la première place au monde avec une population de 38,7 Mhab. Elle disputerait cette place avec Calcutta. En effet, avec une densité moyenne sur tout le territoire de plus de 1 000 hab/km2, un territoire de 40 000 km2 donnera une population de 40 Mhab, et toute ville principale de ce territoire pourra prétendre à la première place. Or ces territoires sont de plus en plus nombreux : toute la plaine du Gange atteint une densité de plus de 800 hab/km2, le Bangladesh, les vallées de l’Est de la Chine… Cette situation explique les classements publiés dans le dossier du monde (figure 17-27). Chongqing y est placé à la deuxième place avec une annonce de 60 Mhab. pour 2015, ce qui est presque le double de la première ville mondiale actuelle ! Cette erreur vient du fait que Chongqing a été déclarée « Municipalité » (de 82 400 km2, soit l’équivalent de 4 régions françaises actuelles) par scission de territoire de Sichuan, dont Chengdu est la capitale. Ce terme de « Municipalité » induit en erreur. Il serait possible de faire la même présentation sur une base territoriale élargie avec Calcutta, Dhaka, et toutes les villes des territoires denses du monde. De vastes territoires d’Inde et de Chine dépassent 600 hab/km2, ce qui sur un territoire de la taille de la région conviviale de 32 000 km2 fait apparaître une population de près de 20 Mhab : cette région serait automatiquement classée en deuxième position ! Or la figure 13-17 montre que l’Inde possède déjà plus de 16 régions pouvant prétendre à la deuxième place. Cela montre clairement qu’une population ne peut pas être détachée de son territoire. On comprend dès lors mieux l’expression de Pierre Calame « ville et territoire » : la ville seule n’a pas de sens sans son territoire. La ville de Avec un territoire comparable aux chiffres donnés par l’ONU pour les villes de Jakharta ou de Mexico (respectivement 2595 km2 et 3540 km2), Chongqing n’a que 5 Mhab.

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Figure 13‑17 : Comparaison du fichier de l’ONU 2003 avec le fichier de METROPOLIS (populations et surfaces)

Ce tableau montre que les chiffres fournis par l’ONU ne sont pas pris sur la même référence territoriale de base : les données en gras de la colonne de droite montre que la population est tantôt à une échelle proche de la région conviviale, et tantôt à une échelle proche de l’arrondissement/agglomération. Sur la même base territoriale, l’ordre des villes serait différent.

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Figure 13‑18 : Superficies et populations de la ville de Chongqing, Chine (Source: Revue L’information géographique n°1, 2005, Arnaud Heckmann, Géographe, doctorant à l’EHESS, « Dynamiques urbaines : la Municipalité de Chongqing », pages 17 à 38).

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Figure 13‑19 : Extrait du dossier « Les mégalopoles, un nouveau monde », Revue Le Monde, Dossiers et documents, Novembre 2007

Sur le tableau ci-après « apparaît subitement » une ville de 60 millions d’habitants ! Ce fait vient de la carence d’étude des « villes et territoires » retenues à l’échelle de la région métropolisée, d’une surface indicative de 32 000 km2. Cette situation a déjà été dénoncée par François Moriconi-Ebrard , professeur à l’Université de Paris I  [6].

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Figure 13‑20 : Quelques estimations de régions conviviales potentielles de l’Inde (Chiffres de base Wikipédia, année 2001).

Ces données appellent à donner à la région retenue à l’échelle indicative des 32 000 km2 plus d’importance qu’elle n’en a aujourd’hui pour permettre le dialogue entre les différents « villes & territoires » du monde. L’espace convivial livre les statistiques, autorise des comparaisons tant quantitatives que qualitatives.

13.G.  Le procès whiteheadien du territoire

Les notions de potentialité générale et de potentialité réelle sont des applications directes en géographie des notions processives. La potentialité générale caractérise un ordre général des objets éternels (ou formes) qui n’ont pas encore fait ingression (qui n’ont pas encore été appliqués) à une entité particulière : il s’agit ici de la « région conviviale » considérée dans sa généralité, avec ses critères énumérés ci-dessus. La potentialité réelle est un ordre particulier à l’entité considérée : il s’agit ici de la région « Entre Vosges et Ardennes ». La potentialité réelle provient d’un certain nombre de perspectives identifiées et/ou de décisions prises quant à la mise en ordre de l’entité potentielle au regard de la potentialité générale pertinente.

Rappelons que ce ne sont pas des « idées abstraites » coupées du réel mais des réalités ontologiques qui caractérisent réellement les entités considérées. L’analyse d’une région conviviale suivra donc le plan suivant :

  • a- (ap)préhension (ou objectivation)
  • b- potentialité générale
  • c- potentialité réelle
  • d- réalisation
  • (la phase e- satisfaction (transition) est la succession des événements)

L’ontologie proposée par la pensée organique est une ontologie faisant appel au sens commun dans son noyau dur, c’est-à-dire ce que tout le monde présuppose en pratique, même s’il le nie verbalement. Cette ontologie invite à respecter 5 critères : la logique et la cohérence, l’adéquation et applicabilité, et un critère de synthèse : la nécessité (chapitre 1.E.5). Chacun peut faire appel à son expérience personnelle pour déterminer ces notions du noyau dur du sens commun.

Les phases de la concrescence sont des phases logiques, que chacun peut également vérifier dans son expérience personnelle. La première phase (a) fait appel aux faits concrets, aux faits têtus de l’expérience ordinaire. La deuxième (b) aux « idées » ou potentialité(s) générales(s) qui s’attachent aux faits. La troisième (c) est la confrontation des « idées » ou potentialités aux faits, ce qui donne une proposition. La quatrième (d) est une phase intellectuelle où la conscience intervient, une phase de jugement. En effet, la conscience n’intervient pas forcément dans les trois phases précédentes.

Ces phases font appel à l’expérience ordinaire. Elles sont simples, et les mots de base employés sont des mots du langage courant. Ils sont « doublés » par des termes techniques pour pouvoir aller plus loin dans l’analyse : l’emploi de mots simples permet de rester collé à l’expérience personnelle.

Ainsi, toute expérience peut se décomposer entre ces quatre phases. L’analyse d’une région conviviale et des processus de gouvernance au sein de cette région peut suivre ces mêmes phases d’analyse. Il est possible de poser une question pour chaque phase :

  • a : Quelle est l’(ap)préhension de l’expérience considérée ?
  • b : quelles sont les potentialités attachées à cette expérience ?
  • c : quelles sont les propositions issues du contraste entre les potentialités et l’(ap)préhension ?
  • d : quels jugements puis-je porter sur les propositions pour déterminer celle qui aura la pertinence maximum dans une deuxième confrontation aux faits de base ?

Phase a : l’(ap)préhension d’une région conviviale :

Cette phase est celle du diagnostic, exprimé dans les mêmes termes que les explications du contenu d’un diagnostic, ce qu’exprime Patrice Braconnier dans sa thèse de 2005.

Phase b : la potentialité générale (ou pure) d’une région conviviale :

La potentialité d’être une région conviviale dépend de la taille approximative (32 000 km2), de l’environnement existant, et de l’existence d’une frontière et d’un centre pertinents (ce point est détaillé plus loin). Identifier une région conviviale ne peut se faire sans tenir compte des régions qui l’entourent, dans une approche qui n’est ni administrative, ni purement politique : l’approche est une confrontation aux critères d’une région conviviale ; elle a donc une dimension à la fois humaine, sociale, écologique. C’est une approche régionale des bio-socio-processus. L’attention est portée sur les processus bio-socio-techniques.

Phase c : Potentialité hybride :

La potentialité hybride traduit le contraste entre la potentialité générale et la réalité actuelle de la région. Elle est principalement constituée

  • 1/ de l’ensemble des aires d’étude existantes,
  • 2/ de l’ensemble des propositions pour conforter la constitution interne de la région.
  1. Potentialité réelle  : Choix, décisions, réalisations pour arriver à satisfaction :

Il s’agit des prochains « pas possibles » à faire, ou des décisions à prendre pour concrétiser la (les) proposition(s) jugée(s) les plus pertinentes.

Notion de médiatrice :

Cette notion de médiatrice est analysée au chapitre qui suit : la médiatrice est la plus grande distance entre deux pôles forts, vu sous l’angle géométrique. La médiatrice est indicatrice d’une potentialité générale, à partir du réel des pôles existants. Seul le croisement de la potentialité générale avec les données du terrain permettra d’affiner une proposition de centre de référence pour obtenir une région équilibrée. Ce pôle n’est pas forcément la plus grande ville : Bern a été choisi comme pôle fédérateur de la Suisse alors que la ville est plus petite que Genève ou Zürich. Genève ou Zürich sont en effet trop excentrées pour jouer ce rôle, tout comme dans le Nord, Lille est trop excentrée pour pouvoir être un centre fédérateur valide de cette région. La Suisse est une référence en manière d’équilibre régional, et la culture Suisse est encore à assimiler en France pour bénéficier de cette expérience pour la création en France de régions européennes fiables.

Cet exemple est posé car la problématique est la même pour la région « Entre Vosges et Ardennes » .

13.H.  L’Art des fondations : sortir de « la dichotomie entre urbain et rural » ; frontière et centre de référence

13.H.1. Pour sortir de « la dichotomie entre rural et urbain » : les mécanismes de répartition du sol régional

La difficulté à définir les territoires ruraux et les territoires urbains relève du caractère artificiel de la séparation entre ces deux notions. Il est généralement présupposé que ce sont deux notions qui s’opposent, alors que les interactions entre elles sont nombreuses et incontournables. Ce sont ces relations qui sont mises en évidence dans les analyses qui suivent, en s’appuyant sur la notion de société. Cette dernière peut devenir une notion technique commune aux spécialistes des écosystèmes naturels et aux spécialistes de l’écologie urbaine. Seule la conjugaison de ces sciences souvent séparées et aux approches distinctes pourra rendre compte du territoire de la région conviviale, à la fois rurale et urbaine.

13.H.1.1. Sortir de la dichotomie rural/urbain » : les liens entre les notions d’organisme et d’écosystème avec la notion de société :

La démarche classique des spécialistes d’écologie forestière et des écosystèmes comme Hans-Jürgen Otto [7] est de réserver le terme d’organisme aux individus de chaque société (l’homme, l’arbre, la plante) et le terme d’écosystème à leur « vivre ensemble ». Au sein de l’organisme se constatent des mécanismes de coopération, tandis que les écosystèmes seraient le lieu de compétitions conduisant à l’élimination des plus faibles. Pourtant, le même auteur parle pour certaines symbioses au sein des écosystèmes de « quasi organismes » [8]. Dans le domaine de la géographie urbaine, François Moriconi-Ebrard [9] parle sans hésiter « d’organisme urbain » pour les villes, et les agglomérations. La notion organique de société concerne tant les sociétés minérales, végétales, animales qu’humaines. Elle permet de faire le lien entre ces approches. Des individus peuvent s’opposer au sein des sociétés, et des sociétés peuvent s’opposer entre elles. Il n’en reste pas moins que les faits conduisent à constater globalement l’unité dans la diversité et l’existence de coopérations à toutes les échelles des sociétés, et dans toutes les sociétés. Les individus eux-mêmes peuvent être atteints de maladies, de dysfonctionnements internes, et il est très difficile, voire impossible de séparer un individu de son environnement : le mécanisme même de la vie est de nécessiter de la nourriture pour le renouvellement de l’organisme. Il semble que la liberté et l’apparition de nouveauté soit à ce prix. C’est donc bien la relation et l’échange qui dominent, et il semble difficile de conserver une forme de dichotomie entre un milieu où régnerait la coopération et un autre où régnerait la compétition. Par contre, les sociétés se structurent progressivement, dans leurs préhensions réciproques, positives ou négatives, qui combinent toujours unité et diversité, valeurs et complexité croissante, harmonie et intensité, liberté et détermination : on retrouve les obligations catégoriales étudiées dans la partie II. Hans-Jürgen Otto fournit de nombreux exemples de ces combinaisons. Dans un autre domaine à l’interface entre l’homme et la nature, la prise de conscience de l’importance de l’agronomie biologique [10] face aux désordres écologiques d’une agriculture intensive basée sur « l’élimination des organismes nuisibles » va dans ce sens.

Ce sont ces interactions que nous allons maintenant décrire globalement pour les régions conviviales, « villes et territoires ». Ces interactions vont permettre l’analyse de la région « Entre Vosges et Ardennes ».

13.H.1.2. Les processus complexes de redistribution des sociétés végétales, animales et humaines sur le territoire régional ; sortir du catastrophisme de la presse mondiale :

Le schéma qui suit récapitule les grands phénomènes urbains et naturels qui animent les régions du monde à l’échelle indicative des 32 000 km2. Ces phénomènes sont présentés dans l’ordre le plus fréquent d’exposé des processus d’urbanisation. L’intérêt de penser ces processus simultanément est de rendre possible une pensée globale des « villes et territoires », sans perdre de vue les interrelations des processus entre eux, et des territoires entre eux. Voici le schéma de ces processus :

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Figure 13‑21 : Les complexes redistributions des sociétés végétales, animales et humaines au sein du territoire régional.

Le premier processus est celui de l’exode rural. Les populations rurales pensent trouver dans les villes un avenir meilleur. « Lorsque les populations rurales migrent vers les villes, elles font un choix rationnel (…) On pense toujours qu’on trouvera mieux en ville, sans compter que la division à chaque génération des parcelles cultivables dans les campagnes les rend trop petites pour qu’elles soient viables » [11]. Le livre scolaire de géographie de 1ère S évoque les « territoires des pays économiquement les plus avancés, dans lesquels l’exode rural est achevé, mais où il continue de s’opérer de complexes redistributions de populations dans l’espace » [12]. L’exode rural est-il vraiment terminé, lorsque l’on observe la réalité démographique de l’arrondissement de Lunéville, notamment dans sa partie Est, vers Badonviller et Cirey ? Il semble plutôt qu’il se poursuive, avec de nouveaux arrivants qui combinent un mode de vie urbain en habitant à la campagne (phénomène des néo-ruraux). La France reste cependant à 95% rurale du point de vue de sa superficie (59 % agricole, 4,8% sur emprise urbaine en l’an 2000, et les 36,2% restants en forêts et espaces naturels [13]). P-J. Thumerelle le souligne également fortement : la fin du rural n’est pas pour les décennies à venir. Le rural continuera de progresser mondialement, de l’ordre de 10% jusqu’en 2025, même si l’urbain progresse bien plus vite, de l’ordre de 50 % dans le même temps [14].

Ces nouveaux venus dans les villes entraînent le deuxième processus, de densification urbaine. Mais les centres urbains se spécialisent, et l’habitat est de plus en plus développé/rejeté en périphérie, en grande partie pour des raisons économiques : un logement en ville est souvent inaccessible aux jeunes couples, et aux nouveaux venus sur le marché du travail, ainsi qu’à ceux qui en cherchent. La structure sociale des villes est marquée par des inégalités accrues entre très riches et très pauvres.

On observe alors le troisième processus : le desserrement urbain. C’est le phénomène d’extension des villes et d’étalement urbain, faisant pronostiquer à certain la « mort des villes », la « fin du rural », et l’avènement de l’ « urbain généralisé ». C’est la progression « en tâche d’huile » d’une urbanisation désordonnée, presque sur tout le territoire. Il se produit effectivement une superposition de l’urbain et du rural, deux éléments autrefois bien différenciés. Mais les villes restent bien des centres de référence pour le territoire environnant. Elles sont les lieux des services rares, du face à face politique, et des fonctions de coordination. De même que pour le rural, la fin des villes n’est pas à l’ordre du jour.

Les quatrième et cinquième processus se produisent simultanément : d’un côté, « le monde rural connaît un mouvement de « retour à la campagne » ; cadres ou artisans y transfèrent leur ordinateur, satisfaits de travailler dans des paysages de cartes postales, tout en étant relié au monde et à Paris par le fax, Internet ou le TGV » [15]. Ce mouvement est fréquemment qualifié de rurbanisation. A l’inverse de ce mouvement, la nature pénètre dans la ville [16] de plus en plus profondément. Les animaux y trouvent leur place, et y inventent de nouveaux habitats, les municipalités portent une attention accrue aux « espaces verts » et les services « Espace verts » des villes sont désormais réputés pour être plus efficients (grâce à leur connaissance du terrain et le suivi des politiques) que les interventions ponctuelles des privés[17]. Il serait presque possible de parler « d’exode animalier » vers les villes, et les reportages sur ce point se multiplient. Pour compliquer encore l’interpénétration des processus, Alain Dubresso et J-P. Raison parlent dans certains cas de « ruralisation des villes » [18].

Le sixième processus concerne l’importance croissante de l’agriculture périurbaine. L’étalement urbain compromet de plus en plus les installations agricoles, et les actions pour sauvegarder l’agriculture en contact avec l’urbain se multiplient.

Le septième processus concerne les autres pôles urbains de la région. Une région peut en effet ne pas avoir de centre prédominant, et être organisée de façon polycentrique. C’est le cas de la région « Entre Vosges et Ardennes » entre Strasbourg, Nancy, Metz, Saarbrücken et Luxembourg. C’est le cas d’un nombre croissant de régions dans le monde.

Le huitième processus concerne les territoires intermédiaires, de « marche », de « confin » entre les centres de référence des régions à l’échelle indicative des 32 000 km2. Nous proposons ici le terme de territoire médian, ou intermédiaire, pour plusieurs raisons : il se trouve sur la médiatrice entre plusieurs régions (et donc à distance équivalente de leurs centres de référence, comme Charlevilles-Mézières, St-Dizier, Mulhouse, Colmar, Strasbourg, …) ; il est centre de son propre territoire, même s’il dépend d’un autre ; il joue un rôle de transition, de passage entre des cultures différentes, des régions différentes, tout en appartenant à une région bien précise ; dans le temps, sa région de référence peut changer, sans perdre sa cohérence territoriale ; mais par lui-même, ce territoire n’est pas centre de référence régional, tout en ayant un rôle interrégional, voire international (Strasbourg).

La presse grand public ne rend que très rarement compte de ces processus simultanément. Même le dossier Monde et Document « Mégalopoles : les nouveaux mondes » fait preuve d’un catastrophisme urbain bien loin de la réalité des faits, et les informations données sont exactes … mais tronquées. Il est annoncé pour 2030 cinq milliards de population urbaine, alors que la population totale actuelle est de six milliards et demi. Cette façon de présenter laisse croire quasiment à la disparition du rural, la progression inexorable de l’urbain, la fin des villes à cause de l’étalement urbain, et l’inéluctabilité des mégalopoles géantes. En posant tous les chiffres, on découvre ainsi que sur 8,33 milliards d’habitants envisageable en 2030, 5 milliards seront urbains, et 3,33 seront ruraux, ce qui explique que les 3,25 milliards de ruraux actuels soient en progression. En creusant un peu plus, on apprend que sur les 5 milliards d’urbains, seuls 10% habiteront dans des mégalopoles, et 50% dans des villes de moins de 500 000 habitants, donc probablement dans des conditions proches de la nature et du rural. Il apparaît que seule une réflexion en termes de territoires approximativement comparables de l’ordre de 32 000 km2 permettra de mettre au point de nouvelles typologies de territoires dépassant « la dichotomie de l’urbain et du rural » et prenant en compte globalement l’ensemble des processus. Avec l’étalement urbain, les territoires pris en compte sont de plus en plus vastes, sans jamais en préciser les contours précis, ce qui fait artificiellement « apparaître » de nouvelles populations, de nouveaux problèmes…

La clé d’une information ajustée et plus fidèle au réel semble être dans un processus d’apprentissage collectif de concevoir une nouvelle approche territoriale avec l’identification d’une frontière (plutôt une « membrane » par analogie aux cellules du corps ou un « contour ») qui différencie les régions, et, permet, tout comme les cellules du corps, le passage des différents flux tout en gardant une identité forte, voire croissante. Ainsi s’articulent mondialisme et mondialisation.

C’est cette « membrane » que nous allons maintenant étudier tout autour de la région entre Vosges et Ardennes », en partant de Charleville-Mézières, et en tournant dans le sens des aiguilles d’une montre.

13.I. La région « Entre Vosges et Ardennes », une société régionale émergente. Frontière et centre d’une nouvelle région conviviale ?

Cette section introduit l’application des notions et méthodes exposées précédemment à la région « Entre Vosges et Ardennes ».

Cet ensemble en creux dont le nom issu de l’écologie semble acceptable dans cette réalité polycentrique où plusieurs villes peuvent revendiquer la première place. Metz semble toutefois s’imposer dans les différentes configurations, notamment pour le croisement des axes Paris-Berlin et Londres-Munich. La considération de l’axe Londres-Münich consacrerait la sortie d’une fixation sur la polarisation parisienne : sa pertinence n’apparaît qu’en reconsidérant les faits pour eux-mêmes, dans une approche européenne où chacune des régions est mise en perspective. La liaison TGV entre Paris et Louvigny ouvre l’espoir d’une liaison de même qualité jusqu’à Strasbourg, ainsi que jusqu’à Frankfurt ; cette contribution au réseau européen de train à grande vitesse souligne l’intérêt stratégique de ce lieu.

Selon les organismes en présence, la définition de cette région oscille entre 28 700 km2 (Saarland, Lothringen, Luxembourg) et 3,8 Mhab., et 67 400 km2 et 10,9 Mhab. (la « Grande Région »). Mais ces deux approches ne tiennent pas compte de l’Alsace et du Bassin écologique de la Meuse dans son entier.

L’étude de la région potentielle Grand Est prend en compte les apports des congrès ISOCARP du Caire en 2003, de Genève en 2004 et notamment l’approche de « la région conviviale ». Les critères en seront développés à 3 échelles principales de comparaison, d’analyse et de prospective : 32 000 km2, 2 000 km2 et 125 km2.

Quatre outils sont utiles à notre enquête : les cercles d’activité, les entités territoriales émergentes, les cercles de comparaison et le trialogue (quadralogue) ajusté à ce contexte.

Le chapitre 14 est consacré à l’étude de cette région, suivant les méthodes définies ci-dessus.

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Notes :

[1] http://esa.un.org/unup United Nations, Département of Social and Economic Affairs. Population Division. Les statistiques 2005 sont données à l’annexe 14 « Rural-Urbain ».
[2] www.metropolis.org Métropolis s’est appuyé sur les chiffes de l’ONU de 2003 (mais a refait une enquête plus affinées avec les différentes surfaces des agglomérations et des chiffres plus récents, souvent de 2004). Les fichiers de Métropolis sont intégralement donnés en annexe 14 « Urbain-Rural ».
[3] Thumerelle, 1996, p.346-347.
[4] P-J. Thumerelle, 1996, p.365c.
[5] Voir les fichiers placés en annexe 14, d’une part le fichier de l’association Métropolis basé sur le fichier de l’ONU de 2003, avec le chemin d’accès suivant : « Annexe14-Urbain-Rural_Europe_Monde\Metropolis-FICHIERS-SURFACES-POPULATIONS-METROP0LES\THESE-METROPOLES-SURFACES&POPUL-cerclesA-B-C_c.xls » et d’autre part le fichier de l’ONU pour les agglomérations en 2005, à l’adresse suivante : « Annexe14-Urbain-Rural_Europe_Monde\ONU-INSEE\ONU_2005AgglomerationsWallChart_web_b.xls ».
[6] Voir son article dans le monde diplomatique intitulé : « Angoisses injustifiées et erreurs des experts »
http://www.monde-diplomatique.fr/1996/07/MORICONI_EBRARD/5134.html ainsi que son ouvrage Géopolis, pour comparer les villes du monde, édité par ANTHROPOS, paru en 1994
[7] Hans-Jürgen Otto, Écologie forestière, Institut pour le développement forestier, Paris, 1998, 397 p.
[8] Hans-Jürgen Otto, ibid, p.256
[9] François Moriconi-Ebrard, De Babylone à Tokyo. Les grandes agglomérations du monde, Géophrys, Editions Ophrys,Paris, 2000, 344 p.
[10] Mathieu Calame, Une agriculture pour le XXIème siècle, Manifeste pour une agronomie biologique, ECLM, Paris, 2007, 156 p.
[11] Le Monde, Dossier et documents n°369, nov. 2007, Thème « Mégalopoles, les nouveaux mondes ». Article de Hervé Kempf du 28 juin 2007, relatant le rapport du FNUAP du 27 juin 2007
[12] Rémy Knafou (sous la direction de), Géo : l’Europe, la France, 1ère S, Belin, 2007, page 110
[13] Le Monde, op. cit.
[14] P-J. Thumerelles (1996),p.367 et 368.
[15] Le Monde, Dossier et documents n°369, nov. 2007, Thème « Mégalopoles, les nouveaux mondes » , rappel d’un article de Jean-Louis Andréani du 14 février 2005.
[16] Ce phénomène est étudié en détail dans le très complet rapport du Conseil Économique et Social, La nature dans la ville, Étude présentée par M. Bernard Reygrobellet, Les éditions des Journaux Officiels, 2007, 172 p.
[17] Voir Jean-Pierre Husson, dans Wackermann, op. cit  (2005) p.232 à 244.
[18] Le Monde, op.cit. Ces auteurs ont produit L’Afrique subsaharienne, une géographie du changement, Armand Colin 1998. Il expliquent qu’en Afrique, une part importante des citadins vivent de l’agriculture, et l’habitat périphérique est parfois peu différent de celui des villages.

13.E. Échelles de gouvernance

13.E. Les échelles de gouvernance

William Twitchett a montré, en confirmation à beaucoup d’autres recherches, le passage des échelles territoriales du voisinage, du canton et du département à la commune, l’arrondissement /agglomération et région conviviale. Pierre Calame montre comment l’échelon des États n’est plus pertinent pour faire face aux défis de la planète : une subsidiarité active est nécessaire du local au global. Deux échelles nouvelles apparaissent : les régions à l’échelle des sous-continents (8,2 Mkm2) et les régions locales, que Pierre Calame appelle « Villes et territoires » [1], et que l’association Terre&Cité nomme « région conviviale ». Pierre Calame en appelle ainsi à la construction d’un réseau d’échanges entre « villes et territoires » [2] comme acteurs majeurs de la gouvernance, en remplacement des entreprises pour le XXIème siècle. Beaucoup d’ouvrages géographiques font le même constat. Citons la conclusion d’Henri Nonn, professeur à l’Université Louis Pasteur de Strasbourg, dans une publication de la Revue Géographique de l’Est : « Ainsi, nombre de travaux récents aidant, par leurs convergences ou par leur complémentarités, à éclairer problématiques et réflexions sur le thème des « territoires », leurs articulations et leur examen (embrassant passé, présent et prospective), permettent d’insister sur l’importance des territoires et sur leurs positionnements « dans des chaînages ». Les territoires sont tout à la fois les maillons essentiels et fragiles dans une démarche d’ancrage amélioré de la géographie à l’aménagement-développement, qui en France est passé de l’aménagement du territoire à l’aménagement des territoires »[3]. Il cite Pierre Calame et André Talmant (qui a été directeur régional de l’Équipement du Nord). Les chaînages qu’il évoque sont la subsidiarité active, c’est-à-dire le fait de traiter un problème à l’échelon le plus proche du terrain, et de ne pas traiter à une échelle supérieure ce qui peut être traité à une échelle plus locale.

Le tableau qui suit montre la recomposition en cours. C’est entre ces différentes échelles que s’applique le principe de subsidiarité active. Notons ici tout de suite qu’une grande confusion règne au niveau des échelles et des territoires. En effet, les quelque 195 États de la planète sont à toutes les échelles, depuis la plus petite (44 ha pour le Vatican) jusqu’à la plus grande (17 millions de km2 pour la Russie). La liste des états dressée au chapitre 15.A (extrait de l’annexe 11) montre que quarante et un états sont de la taille indicative de 32 000 km2 d’une région conviviale. Quarante États sont plus petits. Ainsi, près de la moitié des États ne dépassent pas la région « ville et territoire » (P. Calame). À l’autre bout de l’échelle, six États sont de la taille d’un sous-continent, avec une superficie supérieure à 3 millions de km2 (Russie, Canada, états-unis, Chine, Brésil, Australie). À l’échelle intermédiaire des 512 000 km2 (de 230 000 à 712 000 km2) se trouvent 41 États. Cette grande diversité oblige à inventer une démarche de gouvernance à partir des territoires pertinents, en lien avec les États, mais avec une participation directe à la construction d’une gouvernance mondiale. Les États sont plutôt appelés à favoriser le dialogue entre le public et le privé, et à veiller à une justice redistributive en face d’une mondialisation économique sans frein.

Notons que les échelles présentées ici sont compatibles avec l’exigence, rappelée régulièrement par Pierre Calame, de ne pas dépasser plus de 20 entités d’un échelon à l’autre, pour permettre une gestion efficace. Le chapitre 15.D. présentera une proposition de 21 régions macro-écologiques pour la planète. La France est présentée au chapitre 15.B. en 13 régions urbaines métropolitaines. L’Europe, conçue comme fédération de régions (chapitre 15.C.) pourrait comprendre environ 108 régions urbaines (ou conviviales).

Les constats de William Twitchett et de Pierre Calame se rejoignent: « L’État reste, et restera sans doute très longtemps, du moins pour des pays comme la France et la Chine où il est le produit d’une longue histoire, un outil majeur de gestion du bien commun, d’exercice de la justice et de la redistribution, de la délivrance d’importants services d’intérêt général, de la cohésion. Mais il est à comprendre et à situer dans une pluralité d’échelles de gouvernance : le local, le national, le régional, le mondial. Ces quatre échelles de gouvernance ne peuvent fonctionner l’une sans l’autre. (…) C’est aujourd’hui, au contraire, la coopération et l’articulation de ces échelles, selon le principe de la subsidiarité active, qui doit devenir la règle » [4].

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Figure 13‑9 : Tableau des entités dans l’espace et le constat des tendances

(Source : intervention de William Twitchett au congrès du Caire, AIU, 2003).

13.E.1. L’émergence des régions (sous-continents et régions conviviales) comme échelles décisives de la gouvernance

La notion de région est bien souvent floue, peu précise, et il est parfois difficile dans les écrits géographiques de savoir si l’échelle de la région concernée est celle du sous-continent ou de la région locale autour d’une ville ou d’un « centre de référence ». L’analyse attentive permet de distinguer clairement deux définitions de régions :

13.E.2. L’échelle de la région macro-écologique à l’échelle des sous-continents (8,2 Mkm2)

Un consensus se fait jour autour de cette échelle. Plusieurs actions de la FPH lui sont consacrées. Citons par exemple :

« Envisager une rencontre internationale au niveau des grands bassins versants » [5].

Un peu partout dans le monde on cherche donc, notamment par des approches intégrées à l’échelle des bassins versants, à sortir du cloisonnement administratif et politique qui reste la marque dominante de la gouvernance, pour inventer de nouvelles modalités de gestion des eaux et des bassins versants.

L’eau, « don du ciel » et première condition de la vie ne peut être traitée comme un bien ordinaire, ce qui renvoie aussi à la question de l’effectivité des droits économiques et sociaux.

La question de la gestion intégrée de l’eau se pose à toutes les échelles mais les grands fleuves sont l’une des raisons les plus fortes de sortir d’une gestion purement nationale des ressources naturelles pour se mettre à l’échelle, transnationale, de leur bassin versant. La plupart d’entre eux, le Rhin, le Danube, le Niger, le Mékong, pour n’en citer que quelques-uns disposent déjà, au moins sur le papier, d’institutions de gestion transnationale.

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C’est ainsi que la FPH défend l’idée que « la construction d’une gouvernance mondiale efficace suppose la constitution d’une vingtaine de grandes régions du monde, chacune dépassant 100 millions de personnes » [6]. Cette idée, également défendue par Terre&Cité, est explorée au chapitre 15.D. Ces régions macro-écologiques sont les cadres de référence pertinents et cohérents pour les territoires à une échelle locale (les régions conviviales). La FPH appelle cela « L’intégration régionale ». Elle explique : « Les tentatives de regroupement régional sont nombreuses. Il s’agit néanmoins dans la plupart des cas d’accords commerciaux régionaux visant à réduire les barrières douanières. Elles sont vécues par les populations comme de simples accessoires de la globalisation de l’économie. Apparaît en Amérique du Sud, en Afrique, en Asie un désir de construire d’autres régulations, écologiques ou sociales à l’échelle régionale. Il n’en reste pas moins qu’à l’heure actuelle seule l’Union européenne, malgré la crise qu’elle traverse actuellement, constitue une tentative historique de dépasser pacifiquement les limites des États pour construire un ensemble humain fondé sur des valeurs communes et partageant un destin commun ». La notion d’ « intégration régionale » en Europe reste malgré tout orientée vers la disparition de toute barrière à la mondialisation, et la recherche d’intégration sociale vient en second, subordonnée aux impératifs économiques. L’Europe reste le témoin de la construction régionale à cette double échelle sous-continentale et locale (échelle conviviale de la « ville et son territoire »).

13.E.3. L’échelle de la région conviviale : « la ville et son territoire »

En octobre 2005, le forum organisé par FPH à Nansha, près de Canton, en Chine, sur les relations entre la Chine et l’Europe, a consisté essentiellement à présenter au public chinois l’histoire et les défis de la construction européenne[7]. Il inaugure, par l’écho qu’il a rencontré, un nouveau mode d’action : susciter directement le dialogue entre régions du monde et réfléchir aux leçons qu’il est possible de tirer, pour chaque région, de la construction européenne. FPH insiste aussi sur l’importance des réseaux internationaux d’échange entre les villes, la ville étant entendue inséparable de son territoire [8]. Une lecture attentive montre bien qu’il s’agit de deux niveaux de rencontres : la région « sous-continent » et le territoire pertinent autour d’une ville.

La notion de « convivialité » permet de s’écarter résolument d’une dégradation des territoires en « espaces » caractérisés par une distance, une métrique séparée des relations entre les sociétés (entendues au sens large : minérales, végétales, animales et humaines, c’est-à-dire l’ensemble du champ géographique, sans cloisonnements disciplinaires). Convivialité ou « vivre ensemble » fait appel à une notion transversale et relationnelle des sociétés. Là encore, cette évolution est soulignée par Michel Serres, qui insiste sur le rôle de la philosophie (notre partie II …) dans cette évolution : « La philosophie a donc pour tâche de réexaminer tous ses anciens concepts comme : le sujet, les objets, la connaissance et l’action … tous construits au long des millénaires sous condition de découpages locaux préalables ; en ceux-ci, se définissait une distance sujet-objet, le long de laquelle jouaient connaissance et action. La mesure de cette distance les conditionnait[9]. Découpage local, distance, mesure, toute cette mise en scène des théories et des pratiques se défait aujourd’hui, où nous passons sur un plus grand théâtre » [10]. La notion de région n’échappe pas à cette remarque. Le « plus grand théâtre » est celui de l’importance de la société civile pour l’organisation et la gouvernance des territoires, l’importance des valeurs partagées, du sentiment d’appartenance à une même communauté de destin et à un même territoire de responsabilité écologique.

L’AIU (Association Internationale des Urbanistes) propose déjà un tel réseau d’échange entre régions du monde dans ce sens-là, et l’association Métropolis a déjà mené depuis 2005 une enquête sur les quelques 400 métropoles identifiées par l’ONU en distinguant quatre échelles de territoires : ces échelles se recoupent de façon étonnante avec les éléments de référence du tableau qui suit. Ces éléments sont présentés ci-après chapitre 13.F. p.415. Ce type de comparaisons rendu possible entre « villes et territoires » est également une réponse aux vœux formulés par Geneviève et Philippe Pinchemel [11].

Ce choix de s’ouvrir aux comparaisons et à la généralisation explique le mode d’approche spécifique de la région potentielle « Entre Vosges et Ardennes », comme exemple pour d’autres régions d’Europe, voire d’autres régions du monde : on y privilégie l’étude selon les critères de la région en se posant les questions que tout territoire se posera. Seules les réponses sont spécifiques. C’est autour des questions et des défis que le dialogue, l’échange d’expérience et la généralisation seront possibles : c’est ainsi que s’articuleront le local et le global, le particulier et l’universel. Ce sera l’apprentissage d’une diversité dans l’unité.

13.E.4. Les cercles de référence de base :

Le point de départ de la réflexion sur les échelles se trouve dans la thèse de W. Twitchett, suivant le tableau synthétique suivant :

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Figure 13‑10 : Les cercles de référence dans la thèse de William Twitchett (1995)

Les trois cercles de comparaison utiles pour le dialogue entre des territoires éloignés correspondent aux 3 échelles privilégiées de la vie régionale. Celles-ci  sont les suivantes :

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Figure 13‑11 : Les cercles de comparaison et d’évaluation et de prospective (W. Twitchett)

Le tableau qui suit est un prolongement du travail de William Twitchett dans sa recherche d’un cadre d’évaluation des potentialités, d’analyse et de comparaison des différentes régions du monde. La même démarche qui l’a conduit à partir de chiffres de pays et de régions qui soient un chiffre rond (125 km2, 2 000 km2 et 32 000 km2) peut être prolongé dans les plus grandes tailles et les plus petites. Une multiplication du rayon par 4 multiplie la surface par 16. Cet outil est appelé de ses vœux par beaucoup de géographes, dont Geneviève et Philippe Pinchemel (2003) . Les chiffres exacts, « mathématiques », sont donnés ci-dessous. Les chiffres arrondis utilisés pour un usage courant qui se retiennent bien sont indiqués en gras.

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Figure 13‑12 : Cercles d’accessibilité privilégiée, ou échelles des espaces de vie de l’homme

Ces distances et ces surfaces ne sont pas des normes : elles sont des échelles de références pour l’analyse, la comparaison des régions sur l’ensemble de la planète, et l’évaluation des potentialités de ces régions. Elles sont des échelles où l’on observe le côté fractal des dynamiques (ou « cycles de gouvernance » pour utiliser les termes de Pierre Calame). Ce n’est pas un « système », c’est un ordre de grandeur pédagogique, qui a une valeur méthodologique. C’est entre ces échelles que s’applique le principe de subsidiarité active, c’est-à-dire le double mouvement d’ « en-bas » (la communauté et ses représentants locaux) et « d’en haut », c’est-à-dire la Nation, incarnée par l’Etat. « A travers la gouvernance, des communautés plurielles s’instituent, depuis l’échelle du voisinage jusqu’à celle de la planète » [12]. Cette formulation est une autre façon d’exprimer le caractère des sociétés structurées aux différentes échelles de la pensée organique.

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Figure 13‑13 : Les « coquilles de l’homme » : détail des échelles de processus territoriaux

Ces distances et ces surfaces ont donc un caractère pratique pour le dialogue entre régions : elles sont basées sur le corps de l’homme et les conséquence de sa prise en compte dans l’espace. Elles doivent être mises en contraste avec les situations locales considérées.

Nous pouvons citer à l’appui de ces échelles de référence le cadre de réflexion nationale sur les politiques urbaines futures de Royaume-Uni, présenté dans le livre blanc Urban Task Force Report.

Figure 13‑14 : Urban Task Force Report : un exemple des cercles du

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« vivre ensemble » des hommes (Source : Ariella Masboungi, Un urbanisme des modes de vie)

Au Royaume-Uni, le livre blanc Urban Task Force distingue les distances suivantes :

  • 0-250 m : la proximité immédiate (école, médecin, commerce, …)
  • 450 à 650 m : le quartier (centre de quartier, bureau de poste, …)
  • 600 m à 6 km : la ville (sport, bibliothèque, clinique, centre d’arrondissement, …)
  • 4 à 20 km : l’agglomération (stade, cathédrale, hôtel de ville, théâtre, …)

La référence est le corps de l’homme et ses activités. Citons également la description de la mésoterritorialité (2 000 km2) et la métroterritorialité (125 km2) évoquées par Guy Di Méo et Pascal Buléon dans L’Espace social . Pierre-Yves Le Rhun propose également des échelles équivalentes [13].

Cette démarche est beaucoup plus simple que celle de Le Corbusier dans son ouvrage Le Modulor 1 & 2. Elle a une visée pratique et pédagogique alors que Le Corbusier a une visée scientifique : il trouvait dans la nature les mesures de son « Modulor ». Il a déposé un brevet. Il a toute sa vie conservé dans sa poche le mètre ruban du Modulor pour accroître tous les jours ses observations. Il serait intéressant dans des approfondissements futurs de faire le lien avec sa recherche.

Le schéma (fig. 13-14) qui suit présente l’intérêt des trois groupements pédagogiques d’échelle :

  • Le premier groupement est celui des cinq « échelles de l’intimité », de « l’empreinte » (125 mm2) jusqu’à la pièce (7,5 m2)
  • Le second groupement d’échelle est celui des cinq « échelles de proximité », du foyer (125 m2) au quartier ou petite ville (7,8 Mm2 ou 780 ha)
  • Le troisième groupement d’échelle est des cinq « échelles des territoires », qui vont de la ville (125 km2) au sous-continent (8,2 Mkm2)

L’intérêt est d’assimiler dans sa compréhension quotidienne des événements que le rapport d’échelle de l’empreinte à la pièce est le même que le rapport du logement au quartier, que le rapport de la ville au sous-continent, et le rapport de la Terre à un peu plus loin que la Lune. La référence à la Terre introduit à une pensée en volume, et non plus seulement en surface. Ce rapport est de 256 (162) pour les distances, et de 65 536 pour les surfaces. Les cartes et les maquettes aident à ce passage d’échelle et au raisonnement multiscalaire.

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Figure 13‑15 : Les trois principaux groupement d’échelle : l’intimité, la proximité et les territoires.

13.E.5. Intérêt des cercles de référence pour les comparaisons

Les cercles de référence sont l’outil de la relation, de la communication entre des réalités disparates ayant une expression graphique disparate. Les cartes sont à des échelles différentes, les frontières aussi. Le site, comparé à d’autres sites à la même échelle, est en définitive la meilleure référence. L’homme, à travers son histoire, vient s’inscrire dans un site. Au sein des activités humaines, les activités économiques prennent progressivement plus d’ampleur. Elles s’emboîtent dans cet ordre, et les cercles de référence font émerger la réalité humaine de la réalité des sites, et dans les ensembles urbains font émerger les établissements humains, et parmi les établissements humains, les établissement économiques. Le sujet émerge du monde. L’activité économique est le fruit de la créativité du sujet en harmonie avec la nature. Tel est l’ordre de la pensée organique. C’est l’ordre inverse de l’hypermodernité décrite par François Ascher, même si, bien sûr, au croisement des deux démarches, des vérités communes apparaissent. C’est l’orientation qui distingue alors les démarches et le sens… l’orientation de la démarche est signification.

Cette inversion est la même que celle de l’attention portée dans une phrase soit sur le sujet et les attributs (hypermodernité), soit sur le verbe (pensée organique). « L’urbaniste imagine une zone industrielle » : la relation qui lie l’urbaniste (et son client) aux espaces industriels créés est l’imagination. Le verbe porte le sens. Le verbe réalise la valeur, alors que le sujet et l’espace industriel matérialisent la valeur. L’attention dans les deux cas ne se porte pas dans la même direction. On retrouve la distinction d’Ivan Illich citée plus haut [14]. André Gounelle exprime cela très clairement dans son ouvrage sur le dynamisme créateur en prenant l’exemple de « Pierre sent une rose » [15].

Ainsi, de la région conviviale (entendue comme le site urbain en tant que région, territoire régional) émerge la société conviviale (le site urbain en tant que région de vie quotidienne et hebdomadaire). Et de la société conviviale naissent les outils qui rendent efficace la créativité de l’homme en société. L’évolution de la bonne gestion de la maison de l’homme à l’économie industrielle est celui du mot même d’économie (Rey, Dictionnaire à la rubrique Economie ). Ici encore, l’étymologie et l’histoire du mot économie indiquent le sens de l’émergence de la réalité économique de l’homme (l’origine est oikos, la maison, l’espace domestique) à l’outil d’appui de son existence, et non de l’homme au service de l’économie. L’économie n’est pas au cœur de la vie, comme pourrait le faire croire une fausse interprétation du schéma des trois cercles des dimensions : elle émerge de la vie, elle en est une petite partie, elle y est insérée, emboîtée, reliée de manière incontournable. L’oubli de cet emboîtement et du sens de cet emboîtement conduis aux désordres de la planète.

La région conviviale est l’échelle de conjugaison de l’attention portée à la société (mondialisme -émergence d’une communauté politique internationale-) et à l’économie (mondialisation -émergence d’un marché économique planétaire). Elle permet d’incarner une philosophie nouvelle. Une attention portée à cette échelle suppose « une nouvelle conception et une nouvelle place des États nationaux », et de « reconsidérer leurs relations avec les territoires qui les composent » [16]. Par bien des côtés (échelle pertinente pour les écosystèmes, ressources en eau, les sociétés et les hommes dans leur vie quotidienne), la région conviviale apparaît comme une brique de base de la gouvernance de la communauté politique mondiale en émergence. Elle peut équilibrer les forces de créativité destructrices de la mondialisation avec les forces de créativité structurantes des sociétés, la notion de société allant du minéral, végétal, animal à l’homme (absence de séparation de la nature et de la culture, absence de dualisme).

13.E.6. Échelle de proximité de 125 km2

L’échelle de proximité correspond à une surface de 125 km2 (rayon de 6,3 km env.) qui est celle des relations sociales ordinaires, quotidiennes. C’est l’échelle de déplacement à pieds, en deux roues, ou transport urbain dense en site propre. C’est la commune, ou la ville. La ville ne disparaît pas, contrairement à ce qu’annoncent de nombreux ouvrages : elle a sa pertinence à cette échelle spécifique. Elle propose un centre, un espace de rencontre, de face à face, de lieu d’exercice de la démocratie qu’aucune technologie ne pourra remplacer, si la référence reste bien le corps de l’homme.

13.E.7. Échelles d’agglomération de 2 000 km2

Cette échelle correspond à une surface de 2 000 km2 (rayon de 25 km env.). C’est l’échelle maximum d’un réseau de transport en commun dense, type RER, métro ou service de bus dense. C’est le territoire d’une agglomération, ou d’un pays / arrondissement. En secteur rural, c’est l’échelle de rayonnement d’une petite ville (Neufchâteau, Remiremont) et en secteur urbain, c’est la reconnaissance des agglomérations morphologiques (Moriconi-Ebrard, 1994 & 2000).

13.E.8. Échelle des 32 000 km2 ; sentiment d’appartenance et responsabilité. Émergence de l’échelle « C » indicative de 32 000 km2

L’échelle de la région conviviale, 32 000 km2 (rayon de 100 km env.) permet d’optimiser l’analyse, d’apprécier l’évaluation des potentialités et de dresser des comparaisons. À cette échelle territoriale, en 2006, la région Midi-Pyrénées a 2,76 millions d’habitants, Paris en compte 11,46 millions, et les Pays-Bas 16,23 millions. Les travaux de William Twitchett font alors apparaître les critères pour une région conviviale, qui sont dans sa percutante, et décisive intervention du Congrès du Caire en 2003. Une typologie des régions conviviales peut alors être proposée pour la planète, dans le prolongement des premières propositions de William Twitchett au Congrès de Genève en 2004. L’analyse concerne la vie quotidienne, hebdomadaire, l’accès aux sites de loisirs. La méthode balaye l’environnement, le bâti, les infrastructures (relations avec le monde extérieur, recouvrements, interférences de responsabilité).

La dynamique territoriale mesurée à l’échelle de la région conviviale passe par le corps de l’homme, dans toutes ses dimensions, ou milieux : corps personnel, corps social, corps spatial. L’importance du corps de l’homme ne sera jamais trop soulignée pour sortir des dualismes, des oppositions, et du concret mal placé. L’homme, à travers son corps travaille, vit en société, se ressource dans la nature (A. Frémont, Guy Di Méo) Les réalités de la dynamique sont les composantes de la gouvernance territoriale de Pierre Calame. Le procès est l’explicitation des relations au sein du « système de relations ouvertes » [17] qu’est le territoire. La pensée organique montre que cette dynamique est celle même des entités ultimes de la nature, les entités actuelles. Dès lors, la réalité en géographie ne se pense plus en termes de conflit, de limites, d’oppositions, de contradictions (J-P. Paulet, p.123) mais d’appartenance, d’inscriptions entrelacées, de solidarités, de relations, de confrontations – au sens originel de « déterminer par un face à face » ou de « comparer » (A. Rey, DHLF, p.848). Ce passage de l’un à l’autre est pour nous le passage de l’hypermodernité à la transmodernité (voir le chapitre 12).

La région conviviale est l’espace maximum où l’homme peut conserver un sentiment d’appartenance à une même entité humaine et naturelle à travers ses activités quotidiennes (travail), hebdomadaires (équipements, services), mensuelles (détente, loisir, accès à la nature). Elle est « l’espace domestique où s’organisent des relations, si possible contractuelles, entre différentes catégories d’acteurs » [18]. Elle est l’échelle de construction d’une nouvelle gouvernance mondiale, dans sa double dimension sociétale (mondialisme) et économique (mondialisation) [19].

C’est l’échelle où la notion d’obligation écologique et de prise de responsabilité dans cette zone d’accessibilité est optimum : gestion des ressources en eau, équilibre avec la nature, gestion des ressources minérales et végétales, etc. La région dans ce sens est une « mini-planète », un lieu d’articulation du local et du global.

L’expérience montre que la taille « maximum » d’une telle région est de l’ordre de 32 000 km2, ce qui correspond à un territoire qu’il est possible de parcourir en une journée (rayon d’environ 100 km). Cela permet de conserver un sentiment d’appartenance. Cette remarque est à ajuster en fonction des moyens de transports possibles, de nouvelles technologies et de la densité des mouvements pour le grand nombre. Il est à tenir compte aussi des régions exceptionnelles, notamment désertiques, ou hors oekoumène (voir Ch. 15.C.). Etienne Julliard insistait sur cette dimension « maximale ». Il explique que si nous mettons à part quelques villes « mondiales » qui dépassent largement la fonction d’une capitale régionale [20], « il semble qu’un rayon de 100 km soit un maximum au-delà duquel les temps de déplacement deviennent excessifs et s’estompent à l’excès le sentiment d’appartenance à une région donnée. (…) Ils supposent qu’au-delà de 50 km, la capitale régionale soit relayée par une couronne de centres satellites, qui rayonneraient chacun sur 25 km environ au maximum » [21]. Etienne Julliard apporte ainsi beaucoup d’éléments justificatifs à travers toute la publication des échelles de l’ordre de grandeur des 2 000 km2 et des 32 000 km2. Il ne s’agit pas de normes, mais d’un outil de comparaison entre des territoires différents, pour faciliter le dialogue et la compréhension entre régions. Les régions conviviales peuvent devenir « un acteur social majeur du XXIème siècle » [22].

Curieusement, les travaux plus récents de François Moriconi-Ebrard (1994, 2000) reconnaissent les trois échelles approximatives de 125 km2, 2 000 km2 [23] et 32 000 km2, mais la caractérisation de la région semble moins assurée : il parle de « tiers espace » (et cite Giraud & M. Vanier, 2000) et d’un « nouveau paradigme » qui « réside dans le fait que l’aire métropolisée intègre dans son territoire un nouveau type de citoyen » [24]. Pourtant, les statistiques qu’il présente ainsi que les travaux de l’association Métropolis, présentées ci-après, permettent de proposer la notion de région morphologique.

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Notes :

[1] Pierre Calame, Le développement durable des villes et des territoires, Conférence au Congrès de l’Association des Maires de Chine (23-24 juin 2001), nomenclature ETA31, ETAT66, 7p. Après avoir listé l’accroissement des pauvretés et de la violence dans les villes, Pierre Calame emploie prés de 10 fois l’expression agrégée « les villes et les territoires », rejoignant par là l’intuition de la région urbaine ou région conviviale (pour ne plus distinguer urbain ou non urbain et ne pas faire de ségrégations). Ce texte est repris dans La démocratie en miettes. Pour une révolution de la gouvernance, ECLM 2003, (voir p.282c).
[2] Cette expression représente selon nous l’intuition que la ville ne peut pas être séparée de son territoire, ce qui est la définition d’un site urbain, ou région urbaine. La notion de région conviviale cherche à éviter la dichotomie entre urbain et rural d’un coté et les approches géographiques trop éloignées de la recherche d’un « vivre ensemble » avec sa part d’irrationnel et de symbolique.
[3] Henri Nonn, Revue géographique de l’Est, tome XL, 4/2000, p.175-180, « Déclinaison sur la recomposition des territoires dans le cadre français », p.179-180. Il cite notamment dans sa note 14 de la page 179 Pierre Calame et André Talmant : « un impératif catégorique de la gouvernance : concilier l’unité et la diversité », in Coll (1997) L’État au cœur. Le Meccano de la gouvernance, Ed. Desclée de Brouwer.
[4] Pierre Calame, « La contribution de l’Union Européenne au débat international sur la gouvernance », Synthèse FPH, 20 Mars 2006, 14 pages, bip 2898, placé en annexe 02b.
[5] http://www.fph.ch/fr/actions.html?tx_fphfiches_pi1%5BactionId%5D=44cHash=67b05d423d
[6] Cette idée est développée dans l’action stratégique thématique « Intégration régionale » à l’adresse suivante : http://www.fph.ch/fr/strategie/thematique/integration-regionale/theme-integration.html.
[7] Ibid
[8] Voir le texte de 7p. rédigé le 5 juin 2001, codifié ETA31/ETA66, écrit par Pierre Calame pour la Conférence du Congrès des Maires de Chine des 23 et 24 Juin 2001.
[9] Voir les exemples frappants de Michel Lussault pour le XVIIIème siècle dans L’Homme spatial, 2007.
[10] Michel Serres, Retour au Contrat naturel, BNF, 2003, p.15.
[11] Geneviève et Philippe Pinchemel, Géographes : une intelligence de la Terre, Éditions Arguments, 2005, p.176. . Il exprime à propos des études de type monographique : « La géographie générale n’y trouve pas son compte, parce que l’étude monographique ne débouche pas souvent sur des recherches comparatives, parce que trop de thèmes y sont abordés (…). La géographie régionale se limite, de son côté à une collection de tableaux régionaux. Il invite à généraliser et amorcer des comparaisons ».
[12] Les principes de la gouvernance pour le XXIème siècle, Cahier de propositions coordonné par Pierre Calame, disponible sur www.alliance21.org (rubrique propositions puis gouvernance).
[13] Institut de Recherche du Val de Saône-Maçonnais, Colloque Territoires institutionnels, territoires fonctionnels, Maçon, 25 et 26 septembre 2003, Communication de Pierre-Yves Le Rhun « Le respect des territoires, principe de base d’une organisation régionale démocratique » (à partir de l’exemple de la France de l’Ouest).
[14] Illich, La convivialité, p.28.
[15] André Gounelle, Le dynamisme créateur de Dieu : essai sur la Théologie du Process, Éd. Van Dieren, Paris, Juin 2000, page 36.
[16] Pierre Calame, Repenser la gestion de nos sociétés, 10 principes pour la gouvernance du local au global, Ed. CLM, p.18a.
[17] P.Calame, ibid, p.20a.
[18] P. Calame, idid, p.20a.
[19] Voir la distinction en partie II, chapitre 11.B.4.
[20] Etienne Juillard, La « région ». Contributions à une géographie générale des espaces régionaux, Éditions Orphys, Paris, 1974, 230 p. Il classe Paris dans ces villes mondiales et propose pour Paris un rayon de 200 km. Mais une ville internationale justifie-t-elle vraiment une telle centralisation ? Londres, ville internationale est insérée dans une région de 20 millions d’habitants… dans une région de 39 000 km2, de rayon peu supérieur à 100 km. Que penser de Tokyo, 40 Mhab sur un territoire exigu ? Ce point est analysé au chapitre 14.B.1.1. page 441.
[21] Ibid. Voir notamment « Divisions administratives et régionalisation économique (pays non socialistes) » p. 175-186 ; « La géographie et l’aménagement régional » ; « Dimensions spatiales et démographiques de régions de développement en Europe occidentale » p. 201-205. La citation est de la page 202.
[22] P.Calame, ibid, p.21b.
[23] François Moriconi-Ebrard (2000), p.40c. Il propose comme critère d’agglomération morphologique à cette échelle le seuil de 2 millions d’habitants.
[24] François Moriconi-Ebrard (2000), p.98b.

4.D. Conclusion Lunéville

4.D. Conclusion sur les expériences de Lunéville :

Les exemples développés servent d’appui à la démonstration de la thèse. Ils relèvent d’un choix parmi beaucoup d’autres exemples. Volontairement ont été choisis des exemples modestes pour montrer comment dans l’expérience ordinaire « on conjugue les cinq réalités d’expérience principales sans le savoir ». La structure de l’expérience est la même pour tous les exemples. Il peut même y avoir emboîtement des expériences, comme des gouttes d’eau se mêlent entre elles pour former des gouttes plus importantes. Les « fiches d’expériences » auraient pu être étendues au Pays Lunévillois, nommé IDEAL puis ADPL, et dirigé de 1995 à 2004 par François Roblin, avant de passer d’une forme de démocratie participative à une démocratie représentative plus classique. D’autres territoires auraient pu être choisis : ils seront l’objet de prolongement de la thèse.

Cette approche a l’intérêt de porter l’attention sur la valorisation d’un projet. La demande des élus est régulièrement interprétée en termes de contraintes techniques, et les solutions proposées sont techniques. L’absence d’interlocuteurs au moment de la conception (habitants, usagers, ou partenaires de la ville) permet d’éluder la réflexion en terme d’usage, de convivialité, d’environnement, de qualité urbaine . Sans réflexion spécifique sur la vision du projet, la technique devient un ensemble de procédés plaqués, et non plus des moyens au service de la création d’espaces urbains de qualité.

L’analyse de chacun des projets n’épuise pas l’expérience, mais elle en décrit et confirme les 5 éléments essentiels : l’objectivation d‘entités tant « matérielles » qu’« idéelles », les potentialités (ou possibilités), les propositions (ou projets, objectifs), et la réalisation : l’arrivée à satisfaction des propositions, le tout appréhendé avec des valeurs fondamentales qui imprègnent l’action.

Le chapitre qui va suivre tente de rendre compte de l’expérience du Groupe de Travail des ingénieurs territoriaux de l’Est de la France, expériences vécues entre 1998 et 2004. C’est au cœur de cette expérience qu’on été rassemblés les matériaux pour la présente thèse. Les chapitres 1 à 4 étaient dans un ordre d’exposition. Dans le chapitre 5, on entre dans l’ordre du vécu chronologique, c’est à dire un ordre où se retrouvent d’abord ceux qui l’on vécu. La perspective est de restituer le mouvement de la recherche, pour en partager les étapes. Le réel est toujours plus enchevêtré que les notions qu’on en tire …

3.B.3. : F.P.H.

3.B.3. Les propositions pour le territoire de la Fondation pour le Progrès de l’Homme (FPH, Paris) :

La Fondation, déjà présentée au chapitre 1, finance de multiples travaux et actions à travers la planète. Son constat est que le territoire est « la brique de base de la gouvernance » [1]. Elle inverse la formule traditionnelle diffusée depuis les années 1980 : « Penser globalement, agir localement ». Face à la crise mondiale des relations, seul le territoire permettra de réinventer de nouvelles relations : « Penser localement, agir globalement ».

La fondation anime une Alliance pour un monde responsable, pluriel et solidaire. Un des chantiers se nomme « Gestion des territoires ». Il a produit en septembre 2001 un Cahier de propositions : Le territoire, lieu des relations : vers une communauté de liens et de partage. Il développe 10 propositions et 40 outils. La structure de présentation des propositions ressemble de façon étonnante à la dynamique de l’outil du schéma de base, avec d’autres mots. Le but de la démarche est de produire un changement de regard chez les intéressés. La question de fond est donc la même : comment permettre une avancée créatrice des personnes et des sociétés.

L’approche de la Fondation se situe à trois niveaux de propositions (Résister, Rêver à partir des valeurs et objectifs, Réaliser) et à trois niveaux de conscience (Conscience des faits, Conscience d’interprétation et Conscience de choix). Comme chaque niveau de conscience correspondait à chaque niveau de proposition suivant notre schéma d’hypothèse de base, nous proposons d’illustrer chaque niveau de conscience par chacun des vecteurs qui relient les phases de proposition. Cela respecte les définitions données, et rend compte en outre du fait qu’une prise de conscience est un mouvement d’un certain état vers un autre état.

D’autre part, la distinction entre rêve et objectifs est faite, mais au sein d’une même phase. Là aussi, l’idée exprimée dans les propositions ne nous semble pas dénaturée. En effet, les trois phases de chaque proposition étaient faites « en jouant avec les trois qualificatifs de l’Alliance (une Alliance responsable, solidaire, plurielle) qui nous semble convenir pour illustrer cette articulation du général au particulier » (p.8). Avec le même esprit de jeu et de créativité, tout en respectant l’articulation du général au particulier, le schéma propose quatre phases, en transformant en deux phases la distinction Rêve / Objectifs du deuxième niveau de proposition.

Nous montrerons en partie II que la « petite mort » de FPH est le périr éternel * de Locke, qui a donné la notion simultanée de périr et d’immortalité objective chez A.N. Whitehead [2]. On parle effectivement dans le langage courant « faire le deuil de … », « renoncer à » : ce n’est pas « oublier » mais c’est dépouiller l’événement de sa subjectivité (l’immédiateté subjective de la pensée organique) pour qu’il devienne objet -ou non- pour d’autres objectivations. Ici, la « petite mort » parle simultanément d’une naissance, c’est à dire effectivement d’une nouvelle objectivation sur une partie seulement des données de base (les data ou datum de l’approche organique) – ou sur de nouvelles données-. Whitehead proposera le terme de remplacement [3] à la place de périr éternel ou immortalité objective, pour une meilleure compréhension.

Le Cahier formule 10 propositions, regroupées en trois chapitres. A chaque proposition correspond un ou plusieurs outils (46 outils au total). On vérifie donc de façon étonnante sur ces propositions la pertinence du schéma de questionnement. Tout le cahier de propositions était en effet déjà structuré selon les phases du processus. Un tableau des propositions a été dressé ci-après suivant a, b, c et d.

La démarche foisonnante de la FPH est d’un grand intérêt pour entrer à la fois dans un nouveau mode de pensée de façon générale, et pour la mise en œuvre concrète de ce mode de pensée. On observe (c’est un constat, rien de plus) que le mode de pensée de la FPH est proche du mode de pensée organique (on pourrait dire : du « type organique »). C’est une coïncidence intéressante. Cette coïncidence ne dénature pas la créativité de la FPH, et n’enlève rien à l’originalité et l’identité de l’approche du monde.

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Figure 3‑5 : Schéma du questionnement de l’expérience sociétale à travers l’approche de la FPH dans le cahier de proposition : Le territoire, lieu de relations ( 2001).

On retrouve comme dans le cas précédent la notion d’un mode de pensée général (ou dynamique de pensée) qui permet d’induire un changement, une évolution. Ce mode de pensée se décline suivant un certain nombre de thèmes, non-limitatifs. L’insistance est mise là aussi sur la personne dans ses liens sociétaires et naturels, et sur les liens des sociétés entre elles et leur environnement. C’est l’appel à la triple réconciliation de la Plateforme pour un monde solidaire [4] (1993).

Le même travail pourrait être fait pour les 12 notions-clés de la FPH. Le modèle du « lac suisse », décrit au chapitre 2 permet effectivement de servir de fil directeur pour une analyse selon les « réalités d’expériences », ou les étapes du « processus organique de régulation ».

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Figure 3‑6 : Tableau de synthèse du cahier de proposition « Le territoire », FPH, 2001

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Notes :

[1] Document de travail des éditions Charles Léopold Mayer, Repenser les territoires : construire des perspectives communes à partir de l’échange d’expériences, dossier n°107 coordonné par Ina Ranson, juillet 1998, page 6 ; Voir aussi Pierre Calame La démocratie en miettes, Ed. CLM – Descartes & Cie, 2003, chapitre 5 ;
http://www.alliance21.org/fr/themes/territ.htm
http://www.institut-gouvernance.org/fr/document/fiche-document-29.html
http://www.institut-gouvernance.org/fr/analyse/fiche-analyse-26.html
http://www.fph.ch/fr/strategie/thematique/territoire-brique-de-base/theme-territoire.html
http://www.developpement-local.com/article.php3?id_article=169
http://www.ecologie.gouv.fr/IMG/agenda21/intro/calame.htm
http://base.d-p-h.info/fr/fiches/premierdph/fiche-premierdph-5195.html
http://www.ccic-cerisy.asso.fr/prospective05.html
[2] Ce point est abordé en partie II au chapitre 7.D.2. p.213
[3] Article paru en 1927 dans les « Proceedings of the Sixth International Congress of Philosophy », réimprimé dans The Interpretation of Science (IS) par A. H. Johnson (Indianapolis: Bobbs-Merril, 1961), pp. 240- 247 et par L. S. Ford en Annexe 2 de The Emergence of Whitehead’s Metaphysics.
[4] http://www.alliance21.org/2003/rubrique.php3?id_rubrique=234