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6.C. Géographie organique ?

6.C. En quoi la philosophie organique peut-elle contribuer à dépasser les obstacles pour la géographie ?

Pour approfondir en géographie les travaux de Maurice Godelier, et préciser la nature de la « dialectique du matériel et de l’idéel », il faudrait aller à la racine de l’explication de la présupposition de la séparation du matériel et de l’idéel dans notre culture. Maurice Godelier constate en anthropologue qu’elle ne sont pas séparées. Il en tire des conclusions en anthropologie et révise le matérialisme dialectique marxiste avec cet éclairage.

Il faut aller chez les scientifiques et les philosophes du 17ème siècle pour trouver une réponse à cette question. À cette époque, science et philosophie n’étaient pas séparées, et les mêmes hommes (Descartes, Leibniz, Newton, ..) étaient à la fois scientifiques et philosophes. De plus, ils étaient croyants et faisaient intervenir Dieu dans leur philosophie.

Essayons de tracer un itinéraire pour approfondir cette question, et montrer l’apport de la pensée organique à la géographie

6.C.1. Premier approfondissement: les gouttes d’expériences ou les res verae de Descartes

La philosophie organique de A.N. Whitehead situe sous la plume de Descartes la séparation de l’idéel et du matériel (la « substance pensante » et la « substance étendue »). Comme à l’évidence l’esprit et le corps sont liés, Descartes donnait à Dieu le rôle de liant entre les deux. En fait, il y voyait une preuve de l’existence de Dieu.

Malheureusement, il n’a été retenu de sa philosophie au 19ème siècle que les théories supposées « scientifiques », en supprimant la référence à Dieu. Il est resté une séparation arbitraire entre matériel et idéel. Cette séparation apparaît dès lors incohérente.

« L’incohérence est la disconnexion [1] arbitraire des premiers prin­cipes. Une illustration en est donnée dans la philosophie moderne par les deux sortes de substances, la corporelle et la mentale, que l’on trouve dans la philosophie de Descartes. Dans cette philosophie, on ne voit pas pourquoi le monde ne serait pas une substance unique seule­ment corporelle, ou une substance unique seulement mentale. Selon Descartes, un individu substantiel « n’a besoin que de lui-même pour exister » [2]. Ce système fait donc de son incohérence vertu. Mais d’autre part, les faits semblent liés, tandis que le système de Descartes ne les lie pas : par exemple dans la façon dont il traite du problème de l’âme et du corps. Le système cartésien dit de toute évidence quelque chose de vrai, mais ses notions sont trop abstraites pour pénétrer dans la nature des choses. » (PR6 [3]).

Cette séparation est dénoncée comme une bifurcation à combattre en revisitant le principe subjectiviste de Descartes, c’est-à-dire en supprimant la séparation arbitraire du matériel et de l’idéel, et en développant la notion cartésienne de res verae, que A.N. Whitehead nomme entités actuelles ou gouttes d’expérience par référence à William James.

6.C.2. Deuxième approfondissement: remise en cause de la notion de « substance fermée » au profit de notions relationnelles.

A.N. Whitehead explique que si Descartes a proposé cette séparation complète et stricte entre le matériel et l’idéel, c’est en grande partie à cause de l’absence de remise en cause de la notion de substance aristotélicienne, réinterprétée par la philosophie scolastique du Moyen-Age. La substance « qui n’a besoin que de soi-même pour exister » est donc inerte, incapable de changement et de créativité. Or le monde change et évolue, tant au niveau de la nature que des hommes (Godelier, 1984). En terme de pensée organique, elle peut rendre compte de l’analyse morphologique, mais pas de l’analyse génétique. Exprimée en termes de sens commun, la substance est une notion utilisable pour le quotidien, mais non comme catégorie métaphysique. L’utilisation de la notion de substance est pertinente dans l’ordre du vécu, du quotidien. C’est un terme mésocosmique [4] sans vertu métaphysique.

D’autre part, la séparation chez Aristote de la « substance première » et de « l’accident » a entraîné le développement d’une pensée en termes de substance/sujet. Cette pensée est confortée par le langage grammatical (sujet, verbe, complément). Plusieurs penseurs [5], de manière indépendante ont d’ailleurs constaté que les catégories de pensée d’Aristote (substance première, substance seconde, …) correspondaient aux catégories du langage. Aristote a ainsi que Kant proposé des catégories de la pensée. L’accent est mis sur les substantifs, au détriment des relations (le verbe). Whitehead propose une démarche inverse : il propose des catégories du sentir et réhabilite aussi les émotions. Il met l’accent sur le verbe – qui relie un sujet à son environnement, – et non sur les attributs.

Revenant à nos auteurs géographes (Di Méo, Buléon), nous avons lu attentivement leur texte afin de découvrir les notions sous-jacentes à leur explication. Le terme de substance n’est pas dans le glossaire. Pourtant, il est utilisé plus de 17 fois dans le texte. Prenons un exemple caractéristique page 26 :

« La géographie classique nous avait déjà enseigné que le niveau technique des sociétés, leur cultures expliquent les paysages et les formes de l’occupation de sols des contrées qu’elles investissent. La notion d’espace social nous emmène plus loin. Elle nous apprend que nos représentations de la nature, celles de son utilité pour nous, de ses avantages et de ses ressources, de ses contraintes sont également d’essence sociale. Elle nous persuade que l’espace forme la substance des positions et des rapports sociaux, de la stratification sociale que nous produisons. »

Or, plus loin, page 40, il est clairement expliqué :

« Les pratiques sociales créent une communication, mais aussi une médiation interindividuelle autorisant la fabrication de représentations communes. Elles déclenchent un processus ontologique et évolutif [6]. Ontologique, car c’est dans le cadre de ces pratiques que se construisent les identités et les territorialités, à l’échelle de l’histoire individuelle comme de l’histoire collective. Évolutif, car c’est au gré de ces pratiques sociales que se modifient ces mêmes identités et territorialités. Par nature, les pratiques se répètent. Elles provoquent, elles matérialisent l’interaction sociale et spatiale. Elles reformulent, reconstruisent en permanence les héritages. Elles créent ainsi de la nouveauté ».

L’intérêt de cette citation est de montrer comment l’accent est mis sur la pratique, les actes, le mouvement, l’action plus que sur les choses. Et l’action « déclenche un processus ontologique et évolutif ». La philosophie organique propose la notion « d’avancée créatrice ».

Il nous semble ici que l’espace défini en termes de relations est très proche de la définition de l’espace de la pensée organique. Mais la notion de représentation reste cognitive et n’exprime plus cette relation, et très vite, au lieu d’entrer dans « une nouvelle culture de la dialectique du matériel et de l’idéel », l’espace, au lieu d’être l’ensemble des relations, devient un réceptacle de ces relations. Encore une fois, tout est substantifié, et les relations sont « à part », « à côté » et non plus constitutives de l’espace, sans chercher de raison d’être ailleurs que dans la relation. Cette relationalité de l’espace, exprimée dans cette citation de Guy Di Méo et Pascal Buléon, se retrouve chez Whitehead, exprimée dans la définition du continuum extensif en PR 72 :

« Le continuum extensif est l’élément relationnel général au sein de l’expérience par lequel les entités actuelles expériencées, et cette unité d’expé­rience elle-même, sont unifiées dans la solidarité d’un unique monde commun. Les entités actuelles l’atomisent, et de ce fait rendent réel ce qui était précédemment purement potentiel. L’atomisa­tion du continuum extensif est aussi sa temporali­sation ; elle est le procès du devenir de l’actualité passant en ce qui, en soi, est purement potentiel. Le schème systématique, dans sa totalité qui embrasse le passé actuel et le futur potentiel, est préhendé dans l’expérience posi­tive de chaque entité actuelle. En ce sens, il s’agit là de la « forme de l’intuition » de Kant ; mais elle est dérivée du monde actuel qua datum, et de ce fait n’est pas pure au sens kantien du terme : elle n’est pas productrice du monde ordonné, mais en dérive. La préhension de ce schème est un exemple de plus qui montre qu’un fait actuel inclut dans sa propre constitution une potentialité réelle qui se réfère au-delà de lui-même. » [7]

Nous mesurons ici le « passage » à faire, le « saut de l’imagination » à effectuer entre le constat des géographes, et l’expression de ce constat dans l’approche organique. La citation géographique est très proche de la sortie de la bifurcation (la séparation arbitraire du matériel et de l’idéel), en faisant d’une part référence à l’héritage (l’efficacité causale de l’approche organique) et d’autre part par la mise en procès (en société) du rapport entre le subjectif (les « représentations ») et l’objectif (les « pratiques »). Mais ce passage ne pourra être durable que s’il y a un a changement de mode de pensée : il s’agit de réaliser un passage des catégories de pensée (Aristote, Kant) à des catégories du sentir (Whitehead). Il s’agit d’abandonner progressivement les anciennes habitudes de penser. William James, dans un ouvrage dédié aux enseignants[8], a bien exprimé les 5 conditions d’un tel changement durable d’habitudes. Ces cinq conditions sont les suivantes :

  • se lancer en avant avec une initiative aussi forte et décidée que possible,
  • ne pas souffrir une seule exception
  • saisir au plus tôt la première occasion
  • attendre plutôt l’occasion offerte par la vie pratique, et réfléchir, sentir, agir,
  • faire chaque jour un peu d’exercice désintéressé

Notons ici à quel point la notion de représentation est piégée, et sous-tend instinctivement un dualisme du corps et de l’esprit. C’est pourquoi l’approche organique lui préfère la notion d’image, ou de référence symbolique.

Les explications qui précèdent permettent de mieux comprendre pourquoi et comment les mêmes problèmes reviennent inlassablement sous la plume des géographes qui cherchent à rendre compte du réel et non à plier le réel à des modèles ou catégories abstraites (c’est l’erreur du concret mal placé, qui consiste à prendre l’abstrait pour le concret-). Eric Dardel lui-même, dans son remarquable ouvrage L’homme et la terre [9] fait référence à la notion de substance, comme à une évidence non explicitée. Malgré tout, certaines approches, comme celle de Michel Lussault dans le Dictionnaire de la géographie et de l’espace des sociétés [10] (DGES) sont très proches d’une pensée organique. La rubrique « actant » ressemble quasiment à la définition organique de nexus ou de société.

« En de nombreuses situations, les actants sont des composés hybrides, des collectifs d’humains, de non humains, d’idées de quasi-personnages, de choses : citons le cas des grandes institutions (l’Etat) et des organisations complexes. Là, le terme actant renvoie à un opérateur global, qui peut ensuite s’incarner, en certaines circonstances, dans des acteurs bien identifiés ou/et des actants non humains particuliers.

La notion prend de l‘importance en géographie, depuis peu. Elle permet en particulier d’affiner les réflexions consacrées au rôle d’actants potentiels des objets spatiaux dans l’organisation de la société. La mise en valeur de l’espace montagnard, par exemple, procède du jeu des opérateurs humains, mais la montagne elle-même (ou du moins certains de ses hauts lieux, ou de ses caractères) en est un des actants possibles : ainsi le Mont Blanc est un actant de l’aménagement des Alpes. »

Nous verrons au chapitre 11 qu’en fait les notions d’hybrides dans la pensée organique et dans la pensée de Michel Lussaut (et de Bruno Latour sur lequel il semble s’appuyer [11]) sont profondément différentes dans les fondements, même si les intuitions se rejoignent.

6.C.3. Troisième approfondissement: la notion de procès et l’unité dialectique des opposés analysables

Ce même passage de la page 40 de L’Espace Social de Guy du Méo et Pascal Buléon montre l’importance de la pratique pour l’apparition de nouvelles idées et la création de nouveauté. La pratique du géographe nous apparaît être ni plus ni moins que la praxis de Marx. La différence est que Marx a limité l’analyse de la praxis et du procès de production * à l’économie, alors que le procès peut être étendu au domaine social, au domaine religieux, au domaine naturel, etc. Maurice Godelier montre d’ailleurs en un très long développement que la surdétermination de l’économie comme « infrastructure » (et donc « le reste », à savoir : le politique, le religieux, le spirituel, comme superstructure …) ne tient pas à l’analyse d’une société autre qu’occidentale. C’est pourquoi, outre la dialectique du matériel et de l’idéel, son apport majeur est celui de montrer comment infrastructure et superstructure ne sont en fait que des fonctions dont l’importance change en fonction des sociétés : telle société sera structurée par la structure de parenté, telle autre par la fonction religieuse, telle autre par la fonction politique, et ainsi le procès de production n’est ni plus ni moins que le procès religieux, le procès politique, le procès social …

Cela rejoint d’ailleurs l’analyse très serrée d’Anne Fairchild Pomeroy dans Marx et Whitehead : elle montre la stricte équivalence entre le procès de production de Marx et le procès organique de Whitehead, ce qui ouvre des perspectives nouvelles non seulement au marxisme, mais à la géographie. La géographie est en effet, en terme de pensée organique, l’analyse des procès tant naturels que sociaux et politiques (géo-politique), que culturels ou économiques (liste non limitative : le choix se fait ici sur les dimensions du développement durable).

Nous ressentons cette dernière analyse comme un passage à réaliser entre des notions couramment utilisées, de manière abondante mais non consciente. Il est spectaculaire de constater comme nous l’avons déjà fait plus haut que dans le DGES [12] le terme de processus est utilisé près de 354 fois dans toutes les entrées principales, sans être une entrée elle-même. L’index se contente de référencer le terme, c’est tout. Or c’est le nombre d’occurrences qui égale celui des autres termes les plus fréquents. Nous constatons alors qu’à côté d’une pensée substantialiste que 2500 ans d’histoire permettent de bien nommer, une pensée du processus est sous-jacente, prête à poindre. Il lui manquait la notion d’entité actuelle ou de goutte d’expérience comme réalité ultime de la nature, seule capable de remplacer l’ancienne notion matérialiste et réductrice de la « matière ».

Tout le monde connaît l’exercice mathématique qui consiste à lier un ensemble de 9 points présentés dans un carré composé de 3 lignes de 3 points. Il n’est possible de lier ces points … qu’en sortant du carré. L’expression « sortir du carré » symbolise dès lors le processus créatif pour résoudre un problème. A.N. Whitehead nous propose la « sortie du carré » pour l’opposition, la contradiction ou la dichotomie entre le matériel et l’idéel. La « sortie du carré », c’est la notion d’entité actuelle, de goutte d’expérience. Écoutons Whitehead à ce sujet :

« La première analyse d’une entité actuelle en ses éléments les plus concrets la fait apparaître comme étant une concres­cence de préhensions, qui ont leur origine dans le procès de son deve­nir. Toute analyse plus approfondie est une analyse de préhensions. L’analyse en termes de préhensions est appelée « division ».

Toute préhension comprend trois facteurs :

  • Le sujet qui préhende, c’est-à-dire l’entité actuelle dont cette préhension est un élément concret ;
  • Le donné (datum) qui est préhendé ;
  • La forme subjective, qui exprime comment ce sujet préhende ce donné.

Les préhensions d’entités actuelles – c’est-à-dire les préhen­sions dont les data impliquent des entités actuelles – sont appelées préhen­sions physiques ; les préhensions d’objets éternels sont appelées préhensions conceptuelles. Les formes subjectives de ces deux types de préhensions n’impliquent pas nécessairement la conscience. » (PR22 [13])

Le « matériel » correspond aux préhensions physiques. L’« idéel » correspond aux préhensions conceptuelles.

Alix Parmentier, dans sa thèse de 1968[14], en des pages remarquablement pédagogiques et claires, montre comment Whitehead admet deux types fondamentaux d’entités :

  • les entités actuelles
  • les entités idéales (idéelles) qui n’existent que comme « ingrédients dans les entités actuelles ». (le terme technique de ces entités idéales sont les objets éternels, et être ingrédient en termes techniques se dit faire ingression).

6.C.4. Quatrième approfondissement:

A ce stade, la dialectique du matériel et de l’idéel est en fait une dialectique dissymétrique entre les préhensions physiques et les préhensions conceptuelles. Vlastos l’explique de manière soignée, dans une comparaison avec la dialectique de Hegel, et après avoir dégagé les conditions d’une véritable dialectique.

En géographie, la « dialectique du matériel et de l’idéel » ne peut respecter ces critères qu’après avoir suivi le parcours de la critique de la substance.

6.B.5. Conclusion du chapitre 6 : vers une géographie non-dualiste.

Nous avons parcouru les étapes suivantes :

  • 1/ Critique du présupposé de la séparation du matériel et de l’idéel.
  • 2/ Critique de la notion de substance, que la pensée organique remplace par celle d’entité actuelle, de goutte d’expérience ou même de société, et fait de la pratique (la relation ou l’interrelation) la nature même du continuum extensif.
  • 3/ La pratique, ou praxis, est ni plus ni moins que le procès de concrescence. Le procès de concrescence est la généralisation à toutes les fonctions – religieuse, politique, culturelle, sociale – (Maurice Godelier) de l’analyse en terme de procès de production que Marx a faite pour la seule dimension économique. Ce procès de production est équivalent (à son niveau) au procès de concrescence et de transition, dans lequel se manifeste la créativité (Pomeroy).
  • 4/ La « dialectique du matériel et de l’idéel » du géographe est, dans l’approche organique, une dialectique dissymétrique entre les préhensions physiques et les préhensions conceptuelles (Vlastos).

Nous avons fait ainsi le passage (le parcours, suivant notre itinéraire) d’une pensée géographique dualiste (le dualisme du matériel et de l’idéel) à une pensée non dualiste qui situe ailleurs la « dialectique du matériel et de l’idéel » du géographe, à savoir au cœur même du procès de concrescence de l’entité actuelle ou goutte d’expérience, entité ultime du réel. Il faut « sortir du carré », réaliser ce passage, changer nos modes de pensée, qui ne sont souvent que les habitudes de pensée du sens commun.

Les géographes sont tiraillés entre les approches empiriques, les approches par modélisations mathématiques ou les approches purement subjectives inspirées par le paysage ou la géo-politique. C’est ce passage tant recherché entre ces différentes approches que peut proposer A.N. Whitehead. Le schéma du « vol de l’avion » (PR5) peut d’ailleurs résumer les différents types de géographie empirique pour l’envol, modélisatrice pour le vol, et analytique pour l’atterrissage. Seules la géographie prospective, la géopolitique ou la géographie historique ont l’ambition de réaliser un vol complet : le réel, les événements et l’expérience sont ici les aiguilleurs.

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Notes :

[1] NdT : disconnection est traduit « disconnexion » (avec guillemets) par J. Wahl, Vers le concret, p.131.
[2] NdT : Cf. Les Principes de la philosophie, 1ère partie, article 51 (Pleiade, p. 594)
[3] Traduction de H.Vaillant.
[4] Expression empruntée à Michel Weber dans son introduction au Colloque d’Avignon du mardi 10 avril 2007. Les géographes emploient la notion de méso-territorialité pour les territoires du quotidien (qui correspond approximativement à un rayon de 6 km, soit une heure de marche environ).
[5] Voir La métaphysique et le langage.
[6] Souligné par nous.
[7] Traduction
[8] William James, Aux étudiants, aux enseignants, Payot, 2000, 242 pages.
[9] Eric Dardel, L ‘homme et la terre, Editions du Comité des Travaux historiques et scientifiques Paris 1990, 1ère édition 1952, 199 pages.
[10] Dictionnaire de la géographie et de l’espace des sociétés, sous la direction de Jacques Lévy et de Michel Lussault, Belin, 2003, 1034 pages.
[11] Michel Lussault ne cite pas Bruno Latour, mais 5 des ouvrages de ce dernier figurent dans sa bibliographie, avec un vocabulaire qui est le même que l’ouvrage Nous n’avons Jamais été modernes. Essai d’anthropologie symétrique, 2000, de Bruno Latour.
[12] Dictionnaire Géographique de l’espace et des sociétés, coordonné par Michel Lussault et Jacques Lévy, Éditions Belin, 2003, 1034 p.
[13] traduction Henri Vaillant (inédite)
[14] Parmentier, PhW, 1968, p200

6.A. Quelle géographie ?

Chapitre 6 : La philosophie organique au service de la géographie[1]

Ce chapitre voudrait montrer en quoi la philosophie organique de Whitehead peut contribuer à lever les obstacles de la géographie actuelle, et à l’enrichir dans ses fondements et dans ses méthodes.

L’image d’une course en montagne [2] permet de bien sentir la notion de territoire (celui que nous allons traverser dans une journée), et la notion de lieux. Territoire et lieux sont liés à la découverte des paysages tout au long d’un parcours, en suivant un itinéraire.

Présentement, la démarche est d’essayer de tracer un itinéraire – parcours que chacun pourra suivre pas à pas, inlassablement, jusqu’à ce qu’il puisse jouir du paysage, et modifier progressivement ses modes et habitudes de penser. Ce parcours constitue le cheminement de la thèse, avec comme souhait qu’elle porte une dimension pédagogique de passage, de porte entre une pensée qui présuppose le dualisme, et une pensée qui ne le présuppose plus.

L’itinéraire invite à préciser sur quelle géographie travailler parmi l’ensemble des courants actuels. Une fois cette géographie précisée, nous pourrons approfondir les questions et problèmes soulevés lors de l’exposé des fondements théoriques par les auteurs eux-mêmes. À ces questions, seraient ajoutées nos propres observations et remarques. Ce moment sert à montrer en quoi et comment l’approche organique apporte des réponses et explications nouvelles, invite à un rebond.

L’expression « approche organique » est préférée à « philosophie organique » ou « science organique ». La démarche de A.N.Whitehead ne sépare pas philosophie et science. Rony Desmet, en conclusion de son intervention [3] au Colloque d’Avignon insiste sur ce point.

L’itinéraire qui est ici proposé a pour but de coller aux préoccupations du géographe, d’y répondre pas à pas, en essayant de respecter toutes les étapes. Le parcours lui même (la mise en œuvre de l’itinéraire) est au cœur de la thèse. Le débat qui est proposé est celui de la pertinence de faire appel à l’approche organique, et de la pédagogie progressive de son exposé pour des géographes non-initiés à la pensée organique. Cela conduit à essayer de contribuer au passage, au saut de l’imagination, nécessaire si l’on veut sortir des dualismes et de la bifurcation qui en résulte dans notre approche du concret.

6.A. De quelle géographie parler ?

La géographie est l’étude de la disposition des objets naturels, matériels et des hommes dans l’espace. Pourquoi ceci est-il à tel emplacement ? Comment se développe tel ou tel phénomène dans l’espace ?

L’image de la géographie reste marquée par une démarche empirique apprise sur les bancs de l’école tout au long du 20ème siècle. Cette démarche s’appuyait initialement sur « l’école française de géographie » fondée par Vidal de la Blache.

De cette façon empirique est née l’étude de la localisation des « objets géographiques » dans l’espace, parfois à l’aide des outils mathématiques (démarches de Thérèse Saint-Julien et Denise Pumain [4]). Face aux critiques relatives à l’aspect inhabituel de cette approche, la réponse fût positive. Il est possible de faire des équations avec les hommes, les commerces, les coûts du foncier, les échanges de marchandises. Il semble même qu’à partir des mathématiques des ensembles flous, il soit possible de transformer des données qualitatives en données quantitatives afin de déterminer des typologies de territoires. Mais reconnaissons que l’on s’y sent à l’étroit.

Une autre géographie qualifiée d’humaniste développe naturelle­ment et sans explicitation théorique les valeurs humaines dans les méthodes employées. Ces géographes (par exemple Jacqueline Beaujeu-Garnier, 1980 [5], Jean Brunhes, 1946, …) combinent tout naturellement les valeurs et la recherche du mieux être de l’homme comme une évidence dans l’analyse des phénomènes spatiaux, naturels, culturels, sociaux ou économiques. Elisée Reclus, précurseur de la géographie, le faisait déjà instinctivement à la fin du 19ème siècle : il analysait autant les phénomènes naturels que politiques, économiques et sociaux. Anarchiste, il avait exprimé dans ses nombreuses publications pour le grand public parues aux éditions Hachette, l’obligation morale de compenser son appartenance politique par la qualité de sa documentation et de ses analyses.

Toute une géographie s’est également développée vers 1970 autour d’Armand Frémont avec la notion d’espace vécu, puis autour d’Alain Reynaud avec la notion de justice socio-spatiale (1984) [6]. Cette notion de justice socio-spatiale a été reprise et transformée par Guy Di Méo et Pascal Buléon à travers des publications qui s’étalent entre 1985 et ce jour. Guy Di Méo cherche à rendre compte à la fois de l’espace vécu (Géographie de la fête, Les territoires du quotidien), de l’expérience humaine, et de l’inscription de cette expérience dans l’espace. Chacun de ses ouvrages comporte un protocole philosophique préalable important où sont précisées les bases philosophiques de la démarche. Elles sont résumées dans Les territoires du quotidien (1996, pages 36 à 42) par une addition de trois corpus :

  • Le matérialisme dialectique (Marx)
  • Le renfort au corpus précédent par le structuralisme « génétique » ou « constructiviste » (Bourdieu Pierre, Piaget)
  • La phénoménologie et l’humanisme : « l’inévitable détour » (Sartre, Husserl, Merleau-Ponty).

Les derniers travaux de Guy Di Méo et Pascal Buléon se concentrent tous sur l’approche en terme de « dialectique du matériel et de l’idéel » (voir Maurice Godelier, dans son ouvrage de 1984 L’idéel et le matériel: Pensées, économies et sociétés). Le dernier ouvrage de référence de Guy Di Méo, qui fait l’objet de toute l’analyse qui suit, est L’espace social : lecture géographique des sociétés, Armand Colin, 2005.

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Notes :

[1] Ce thème a fait l’objet d’une communication au Colloque des Chromatiques whiteheadiennes d’Avignon, les 10-12 Avril 2007.[2] Le texte a été écrit en revenant du massif du Mont Blanc où nous avons gravi deux sommets de plus de 3200m en 2 jours au dessus du glacier de Tré la Tête, près de Chamonix.
[3] «Spéculative philosophy as a généralized mathematics » (Publication début 2008 dans l’annuaire des Chromatiques whiteheadiennes).
[4] Les interactions spatiales, Denise Pumain, Thérèse Saint-Julien, Armand Colin, Paris 2001, 191 pages.
[5] Beaujeau-Garnier Jacqueline, Géographie urbaine, 5ème édition, Armand-Colin, 1980, 1997.
[6] Alain Reynaud, Société, Espace et Justice, PUF, 1984. Voir aussi Analyse Régionale : application au modèle de centre et de périphérie, UFR de Reims, 1988.

Chapitre 5 : Expérience de l’AITF, GT DST-Généraliste

Chapitre 5 : L’expérience de l’ingénieur territorial au sein de l’A.I.T.F. Grand-Est: passage des dynamiques des acteurs au procès.

Ce chapitre souhaite rendre compte du point de départ de la thèse, de son origine, et des questions que sa démarche provoque. Il est conçu de manière indépendante du mouvement général de la thèse, car il déchiffre l’expérience telle qu’elle s’est passée dans ce groupe professionnel précis. L’ordre de prise de conscience des dynamiques et de leurs relations n’est pas l’ordre d’exposition qui a été adopté aux chapitres 2 à 4. L’expérience relatée est un exemple de plus de la convergence des approches autour de cinq composantes principales de l’expérience.

Le point de départ de ce travail de thèse a été la remise de l’ouvrage Lunéville à travers les plans, de 1265 à 2000 , publié en 2000. Il s’agit d’un travail collégial coordonné et en grande partie rédigé sous ma direction. L’ingénieur territorial est enraciné dans sa commune. Il y acquiert une vision globale grâce à la rencontre quasi quotidienne des élus, des habitants, des services municipaux et autres acteurs de la ville. A l’interface entre la « matière » et les « propositions d’aménagement », il doit manipuler beaucoup de documents, rechercher l’histoire des équipements, des rues, des places pour créer du neuf étroitement articulé sur l’ancien.

Ayant décidé de poursuivre ce travail dans une thèse, la première idée a été de rendre compte du travail de transformation des territoires de l’ingénieur territorial ainsi que de l’expérience d’échange d’expériences des ingénieurs territoriaux du Grand Est entre 1998 et 2004, par la création avec Jean-Jacques Funke [1], en 1998, d’un groupe de travail « Ingénieurs généralistes » au sein de l’Association des Ingénieurs Territoriaux de France (AITF). Les grandes étapes des prises de conscience de ce groupe ont été indiquées dans l’introduction, à la section méthodologie. Ces étapes sont ici détaillées afin de montrer le plus finement possible la succession de ces prises de conscience collective, puis le point de départ personnel de la présente thèse, en vue d’approfondir des questions posées collectivement.

5.A. Les étapes de la recherche :

L’histoire qui est présentée ci-après est celle du commencement d’un passage.

  • Passage de l’isolement à une mise en réseau.
  • Passage du silence à une parole d’échange d’expériences.
  • Passage d’une technique d’application de procédure à une technique d’écoute, d’où émergeront des techniques ajustées aux usages, et de nouvelles approches participatives.

Au delà des réalisations, le principal passage est celui d’une pensée de spécialistes en techniques urbaines à une pensée généraliste. Au point de départ se trouve la réaction des ingénieurs des groupes de travail spécialisés, issus essentiellement des grandes villes : « Une pensée généraliste n’existe pas ! Le généraliste est celui qui monte en grade et « prend de la hauteur » !». Cette pensée entre en contraste avec le vécu des ingénieurs des petites et moyennes villes : ce vécu est généraliste de fait, non lié à la montée en grade. N’existe-t-il pas une science généraliste, qui puisse être le support de ce vécu de généraliste de fait, le support d’une activité organisée et le support de l’échange d’expérience ?

Voici le détail des sept étapes déjà citées de cette prise de conscience progressive des 3 dynamiques des collectivités territoriales : la dynamique des élus (politique), des services (organisation) et des usagers (usagers/citoyens).

Des liens entre les cinq réalités de chacune de ces dynamiques ont été tracés, jusqu’à constater que cinq « réalités d’expérience » apparaissent comme des invariants, ou des constantes dans toutes les dynamiques. La pratique montre que pour arriver à un changement (social ou territorial), ces réalités doivent fonctionner toutes ensemble. Mais comment s’articulent-elles entre elles ? L’étude du procès (le process anglais) permet d’expliciter ces liens, et d’exprimer le procès de transformation des territoires, avant son application au cas de la région « Entre Vosges et Ardennes ».

Les numérotations qui suivent sont à référer au tableau suivant (également présenté dans la méthodologie). Elles en marquent la continuité d’analyse. Les notions qui suivent ont déjà été exposées. La perspective ici est différente de l’exposition : elle est celle de la chronologie du vécu.

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Figure 5‑2: Schéma des étapes 1 à 4 de l’expérience au sein de l’AITF (juin 1998 à Juin 2004 )

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Figure 5‑3 : Schéma des étapes 5 à 7 (juillet 2004 à Septembre 2007)

Cette analyse en 7 étape doit beaucoup à la pédagogie d’analyse des organismes PRH et HFC, et notamment au dialogue avec Francis Manet : les 7 étapes sont une reconstruction à postériori de l’expérience collective, pour tenter de la faire comprendre à ceux qui ne l’ont pas vécue.

5.B. Étape 1 : La recherche géographique classique (1997-2000)

A cette étape, une recherche systématique a été faite dans les archives de la ville de Lunéville entre 1997 et 2000 pour rechercher tous les plans et documents produits depuis 1265 (date de franchise de la ville de Lunéville par la Charte de Beaumont), les répertorier, et les présenter dans un travail d’analyse diachronique et synchronique. Une analyse de la ville par fonction a également été réalisée, suivie d’une synthèse de l’évolution de la ville depuis 1265.

L’ingénieur territorial occupe une position privilégiée dans les collectivités territoriales pour réaliser ce travail de croisement entre les archives, le terrain, et le vécu de la cité à travers son histoire et dans l’actualité. Le résultat est un ouvrage au format A3 de 129 pages avec près de 50 plans. Cette étape m’a conduit à envisager de mener une thèse de géographie.

La recherche a d’abord porté sur les dynamiques des acteurs. Dans la présente étape, elle porte sur l’expérience des 3 dynamiques des collectivités (politique, d’organisation et des usagers). Cette phase se situe entre Juin 1998 et Juin 2004. Au cours de nombreux échanges formels ou informels, des partages ont eu lieu sur les expériences de chacun des membres du groupe de travail concernant les réalités des dynamiques. De l’expérience de ces réalités ont émergé progressivement des réalités d’expérience qui restent de même nature à travers toutes les dynamiques (réalité de la vision, des objectifs, des valeurs, des interactions, et de la structure). Ces réalités se retrouvent également dans la dynamique des territoires à l’étape 4. L’étape 5 fait part de l’intuition de la correspondance de chaque réalité avec les phases de concrescence du procès organique. De cette intuition est issue une proposition pour un procès whiteheadien de transformation des territoires aux étapes 6 & 7.

5.C. Étape 2 : Les 3 dynamiques des acteurs de la transformation des territoires : expériences des réalités de ces dynamiques (juin 1998 au 6 décembre 2001).

A cette étape ont été mises en évidence les 3 dynamiques de base des 3 acteurs principaux des Collectivités Territoriales : les élus, les services municipaux, les habitants (2000-2001).

L’auteur de cette thèse est de formation ingénieur en architecture et urbaniste. Or, le statut de la fonction publique territoriale ne connaît que les ingénieurs territoriaux (IT), et c’est sous cette appellation qu’il intègre les architectes et les urbanistes. L’université, elle, ne connaît que ses spécialités, par exemple celles de « géographie-aménagement » ou « géographie régionale ». Peuvent y adhérer les urbanistes, les aménageurs, et les développeurs de territoires. A qui s’adresse donc ce travail, en définitive ? à l’architecte ? à l’urbaniste ? au géographe ? à l’ingénieur ? La figure de base est l’ingénieur territorial (car les exemples sont tous situés dans l’organisation territoriale), avec un élargissement au fil du travail à tous les autres acteurs, jusqu’à proposer une approche géographique organique.

Un Groupe de Travail régional au sein de l’AITF a été lancé en Juin 1998 pour sortir de l’isolement les IT [9], partager l’expérience et la mutualiser. Le cadre pédagogique chargé de la formation, M. Bernard Poureyron, a mandaté un consultant international, M. Samir Toumi, pour faire un exposé introductif aux travaux du groupe (voir l’encadré ci-après). Cet exposé a permis de clarifier les invariants des structures municipales (la double structure élus / fonctionnaires) et les évolutions structurelles des collectivités (nouvelles finalités).

Le CNFPT fait appel à des formateurs extérieurs, et n’a pas de méthodologie spécifique pour la formation de réseaux de professionnels et l’échange/mutualisation/capitalisation d’expérience. L’outil PRH a été la formation relationnelle officielle. Cet outil se prolonge dans l‘outil pour les groupes de l’association Hommes Femmes dans la Cité (Brainville/Nancy). L’outil d’analyse de la dynamique de l’expérience de l’Association « Hommes Femmes dans la Cité » a été adoptée par le groupe, après expérimentation dans les premières rencontres. La validation de cet outil s’est faite au Congrès régional Est de l’AITF à Montbéliard en 2001. La méthodologie d’échange d’expérience a alors été trouvée dans les méthodes d’intelligence collective de la Fondation pour le Progrès de l’Homme (FPH) [10]. La Fondation pour le Progrès de l’Homme est connue internationalement pour la qualité de réflexion et d’action pour la mutualisation et capitalisation d’expérience, et la méthodologie de réseaux. Les Chromatiques whiteheadiennes sont des séminaires internationaux qui se réunissent à la Sorbonne : elles sont une tribune d’analyse critique des travaux des participants : le présent travail a été soumis à cette critique. Enfin, la petite association Terre & Cité fonde son approche sur une thèse menée par William Twitchett sous la direction de Paul Claval. L’Université joue donc ici le rôle d’unifier la diversité (uni-versité) : le présent travail est une mise en relation la plus rigoureuse possible entre les éléments cités.

Le groupe de travail régional est devenu un nouveau groupe de travail national en 2003 (premier groupe de travail orienté vers le métier d’ingénieur territorial généraliste parmi les 16 groupes techniques existants. Le généraliste est souvent « DST » -Directeur des Services Techniques)-).

Le groupe réunit des techniciens ayant à s’investir dans les villes de 10 000 habitants à 45 000 habitants, élargi aujourd’hui aux villes de plus de 8 000 habitants, soit 92 villes sur le Grand-Est (9 départements).

Le groupe a médité au long des années sur le métier d’ingénieur généraliste, au point de faire sienne cette remarque de A.N. Whitehead : « Il revient aux sciences particulières de modifier le sens commun. La philosophie est l’union de l’imagination et du sens commun réfrénant les ardeurs des spécialistes tout en élargissant le champ de leur imagination ». (PR17). Cette philosophie a un caractère scientifique (rappelons que Whitehead a été mathématicien pendant 40 ans) et peut devenir celle des ingénieurs généralistes …

Notre conviction est que l’ingénieur généraliste pourrait avoir un statut, un métier (une pratique) et un champ de compétence (l’ingénierie territoriale) avec pour outil généraliste une approche scientifique généraliste. Cette approche scientifique a d’abord pris la figure des dynamiques des acteurs dans la présente étape. Elle prendra la figure de la dynamique des territoires à l’étape 4 puis du procès organique à l’étape 5, et d’une proposition pour un procès whiteheadien de transformation des territoires aux étapes 6 & 7.

Une thèse de géographie ne pouvait être purement descriptive : elle doit expliciter ses présupposés méthodologiques et ses références de base, et parler autant des acteurs de la transformation du territoire que du territoire transformé lui-même. La dynamique de transformation des territoires apparaît dans cette interaction, pour être concrète.

Souvent dans les communes ces trois types d’acteurs sont bien séparés : un ingénieur ne se mêle pas de politique et applique les décisions des élus, un élu ne s’occupe pas de gérer les services (même si la tentation est grande), et les habitants sont consultés pour leur présenter les projets dans les réunions de riverains, et exprimer leurs souhaits dans les réunions de quartier. Beaucoup de petites et moyennes villes fonctionnent ainsi, avec toutes les nuances possibles.

Cette étape est la tentative de formulation de la dynamique des acteurs au service de la transformation des territoires. L’expérience est celle de l’ingénieur territorial, dans sa pratique quotidienne, dans les petites et moyennes villes.

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Figure 5‑4 : Les finalités des collectivités et les changements structurels en cours : passage de l’expertise technique à l’expertise managériale. Source : CNFPT, Samir Toumi, consultant.

Le consultant du CNPFT, Samir Toumi, a clairement situé avec le document ci dessus la perspective de travail du nouveau groupe des ingénieurs et techniciens généralistes de l’Est de la France. L’apport principal est d’apprendre à distinguer les disfonctionnement qui viennent de l’évolution structurelle des services techniques en France d’avec les éventuelles difficulté personnelles des Directeur des Services Techniques.

Les acteurs principaux de la Cité sont les élus, les services municipaux (représentés ici par l’ingénieur), et les habitants. Chacun de ces acteurs a sa dynamique : dynamique politique pour les élus, dynamique d’organisation pour les services municipaux, et dynamique citoyenne/territoriale pour les habitants.

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Figure 5‑5 : Schéma de la lecture structurelle des collectivités. Source : CNFPT, Samir Toumi, consultant.

Très naturellement, on trouve donc les trois dynamiques correspondant à chacune des trois entités structurelle de la collectivité : la dynamique des élus, des services municipaux, et des usagers/habitants/citoyens.

La tentative de formulation de la dynamique des acteurs au service de la transformation des territoires demeure une étape essentielle. Elle met en avant l’expérience de l’ingénieur territorial, dans sa pratique quotidienne, au sein des petites et moyennes villes.

Un rapprochement a été fait à cette étape entre l’exposé de Samir Toumi et les trois dynamiques des ateliers de la Fondation Hommes Femmes dans la Cité : la dynamique politique de l’atelier « La Cité, réalité politique », la dynamique d’organisation de l’atelier « Hommes, Femmes dans la Cité » et la dynamique du citoyen (usager ou habitant) dans l’atelier « Le Citoyen au quotidien ».

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Figure 5‑6 : Les trois dynamiques des élus, des services et des usagers.

A cette étape, les trois dynamiques sont bien séparées. Il n’est pas rare d’entendre chacun veiller scrupuleusement sur « ses prérogatives », et bien cloisonner les fonctionnements. Il n’est pas rare d’entendre « les services sont là pour exécuter, il ne faut surtout pas se mêler de politique ». Il est d’ailleurs une tradition :les DST doivent rester neutres afin de pouvoir continuer à fonctionner le lendemain d’élections, même si la municipalité a changé.

Pourtant, le métier d’ingénieur territorial est tout entier relation(s) et événement(s). C’est de la maîtrise de la trame des relations et des événements et du croisement des expériences que peut naître du neuf, concrétisé par la prise de nouvelles décisions mise au service de la progression de la collectivité. En même temps, l’ingénieur offre une expertise technique, basé sur les « sciences dures ». La fierté d’un ingénieur est de réaliser les opérations décidées par les élus dans un esprit cartésien. Dès lors, il doit apprendre à conjuguer procédures et relations.

Cette conjugaison l’oblige à remettre en cause les présupposés scientifiques qui ne sont pas en harmonie avec les relations et avec les événements. Toutes ses propositions aux élus conjuguent ainsi science, techniques, relations et événements. L’ingénieur territorial replace la science et la technique dans l’ensemble des pures possibilités du monde. Il se laisse guider par les valeurs qui actualisent ces possibilités et donne aux élus une précieuse aide à la décision. Cela réclame une attention au réel pour en saisir les possibilités et proposer aux élus des avancées de la collectivité. Ils ne prennent pas de décision à leur place. Pour autant, ils prennent en compte tout le réel, y compris politique, dans l’aide à la décision. L’art de l’ingénieur réside dans l’art des propositions et l’Art de la gouvernance, ou ingénierie institutionnelle. Il travaille sur les mêmes dynamiques que l’élu, ou l’habitant, avec un point de vue différent et une culture différente. Cela oblige à L’intelligence de l’autre (titre d’un livre récent de Michel Sauquet [11]). Les propositions ne se font pas sans participation au débat politique, et l’ingénierie institutionnelle ne se fait pas sans écoute des services, habitants et usagers.

Notre conviction à ce stade est que l’ingénieur généraliste pourrait avoir un vrai métier, amenant à appréhender de façon globale, systémique et organique le territoire qui est le sien. Or, ainsi que l’explique avec clarté Edmond Bonnefoy [12], un métier comporte trois éléments :

  • un statut,
  • une pratique
  • un champ de compétence

Force est de constater à ce jour que si l’ingénieur territorial a une situation et une pratique, son champ de compétence n’est pas clairement défini (manager urbain / manager territorial ? aménageur / géographe ? technicien / expert ? ). Le titre de « généraliste » a existé, et figurait aux options du concours d’ingénieur avant 2002. Mais l’absence de contenu scientifique à cette option a conduit à la supprimer. La présente thèse voudrait contribuer à créer ce contenu scientifique pour inviter à réintroduire l’option généraliste aux concours d’ingénieurs. Ce contenu reste à construire autour des notions de systèmes et d’organisme. A l’inverse, l’agent de développement territorial a un champ de compétence et une pratique en rapide évolution, mais sa situation dans les collectivités ne s’est clarifiée que depuis peu [13]. L’urbaniste s’est doté d’un référentiel au sein de l’Office Public de Qualification des Urbanistes [14]. Pour le géographe, au sein des Universités, la Charte de l’APERAU [15] offre également un référentiel. Au sein de cet univers fragmenté de l’urbanisme en France, seul l’ingénieur territorial semble absent, tant de l’Union Nationale des Associations de Développement Local (UNADEL), de l’Association Pour l’Enseignement et la Recherche en Aménagement et Urbanisme (APERAU) que du Conseil Français des Urbanistes (CFDU). Une déclaration commune de Claude Bastouil (Président de l’AITF) et de Bernard Lensel (Président d’Urbaniste des Territoires – UT-) en mai 2004 montre pourtant le partage des questions communes sur l’avenir des métiers territoriaux.

L’ingénieur est au cœur des dynamiques politique, d’organisation et territoriale. Il ne peut pas séparer son action de transformation des territoires de l’expérience personnelle et collective. En effet, il est impliqué dans des projets nouveaux (par exemple, plan de stationnement du Centre-Ville ou création d’un réseau de transport public à Lunéville) sans disposer de données autres que celles qu’il constitue et institue dans ses relations avec les élus, les habitants et les usagers.

Depuis la création du groupe de travail régional Est, la conviction collective est que seule une démarche de formulation du métier relatif au territoire, sans entrer dans les considérations de hiérarchie municipale, correspond à la réalité du métier : de fait, l’analyse fonctionnelle de fait le montre.

La présente thèse voudrait contribuer à l’élaboration d’un outil généraliste sur une base scientifique clairement établie. Sur ces bases pourra se développer une analyse des dynamiques des acteurs avec l’approche HFC, une ingénierie institutionnelle dont Pierre Calame a d’ores et déjà tracé les grands traits dans ses derniers travaux [16], et une capacité à exprimer les potentialités d’un territoire avec l’approche T&C [17].

La fonction assurée au sein des Collectivités Territoriales amène à se poser la question de cette « science généraliste ». Cette question est en filigrane des 14 rencontres du groupe de travail du Grand-Est entre le 16 septembre 1998 à Vandoeuvre, et le 6 décembre 2001 à Sarreguemines. Le fruit de ces travaux a été présenté au Congrès régional Est des 12 et 13 octobre 2001 à Audincourt-Pays de Montbéliard. Le compte-rendu des 14 réunions, les documents préparatoires (environ 30 000 pages en fichiers interactifs) et le bilan du Congrès sont présents en intégralité dans un CDROM qui figure en annexe 2 [18]. Les deux dernières démarches de concertation intégrées dans la présente thèse ont été effectuées lors de la rencontre d’Angers du 31 mars 2004 (28 personnes) et l’atelier « ingénieurs généralistes) du congrès de Perpignan le 10 juin 2004 (58 personnes). Une première ébauche de la boîte à outil de l’ingénieur territorial généraliste a été présentée au Congrès de l’Association Internationale des Urbanistes à Genève en septembre 2004.

Une thèse de géographie peut prendre pour départ une approche descriptive, mais doit expliciter ses présupposés méthodologiques et ses références de base, parler autant des acteurs de la transformation du territoire que du territoire transformé lui-même. Pour être concrète, la dynamique de transformation des territoires doit apparaître dans cette interaction. Elle apparaîtra à l’étape 4, avec l’expérience de l’Agglomération transfrontalière de Sarrebruck-Moselle Est.

5.D. Étape 3 : Passage de l’expérience des 5 réalités de chaque dynamique (6 déc 2001 à avril 2003) au constat de 5 « réalités d’expérience » de toutes les dynamiques

Cette étape est celle de la prise de conscience d’une même dynamique pour tous les acteurs, autour des 5 « réalités d’expérience » mentionnées ci-dessus [19]. Ainsi, on passe de l’expérience de l’échange d’expériences d’un certain nombre de réalités en étape 2 aux cinq « réalités d’expérience » de la présente étape. Ces réalités d’expérience rejoignent le développement local. Elles doivent être simultanées pour obtenir une efficacité d’action des acteurs et de la transformation des territoires. (2001-2003). Un « saut de l’imagination » est ici nécessaire pour réaliser cette généralisation.

Passage de l’expérience des réalités aux 5 réalités d’expérience de toutes les dynamiques :

Il semble qu’il y ait quelque chose d’universel dans ces 5 réalités que l’on retrouve partout. En les numérotant de R1 à R5 (R1=Vision, R2=Objectifs, R3=Valeurs, R4= Interactions, R5=Structure), il est possible d’émailler les marges des livres de géographie des signes de la réalité traitée : on découvre vite que les 5 réalités se retrouvent dans toutes les recherches, avec des nuances d’expression dues aux points de vue et aux perspectives différentes des auteurs. C’est à cette étape qu’il a été constaté la correspondance des réalités dans les différences dynamiques, alors que leur nombre et leur dénomination sont issus de la pratique. Cette constatation est le fruit d’un « savoir pratique », en grande partie oral, hormis quelques supports pédagogiques. Les questions ont été nombreuses : ces réalités sont-elles structurées dans un ordre précis ? Comment s’articulent-elles ?

Ces questions ont été travaillées dans le groupe de travail régional Grand-Est de l’AITF. Le groupe a fonctionné de janvier 1998 à Juin 2003, date à laquelle il est devenu un nouveau groupe de travail national en 2003-2004, le premier orienté « métier » dans une approche généraliste (transdiciplinaire), sous la présidence de Claude Bastouill

A cette étape a eu lieu le Congrès de Montbéliard [20], organisé par J-J. Funke, Claude Mainpin et Philippe Vaillant en lien avec Patrick Berthenand d’Audincourt. Le CDROM est joint en annexe 02. Ce fut l’objet d’un travail de suivi fait par l’AITF, section Grand-Est, assistée de Gérard Vautrin, sociologue à l’Université-CUCES de Nancy. Cet auteur a conforté l’analyse des trois dynamiques lors de ce Congrès et lors de l’introduction aux ateliers du Congrès AITF Grand-Est de Sarreguemines en 2002. Ce dernier Congrès, organisé par Bruno Neiss et Christian Kieny, marque la prise de responsabilité de responsables de petites et moyennes villes dans l’organisation régionale de l’AITF, jusque là animée en Grand Est uniquement par les responsables de grandes villes.

C’est à cette étape qu’est apparue la correspondance horizontale des trois dynamiques des collectivités territoriales. Cette correspondance est obtenue en mettant en tableau les dynamiques, suivant le schéma n°3 du tableau de synthèse en tête de chapitre.

Cette tranche de vie relève de la prise de conscience que la logique d’acteurs s’applique aussi aux territoires à travers la dynamique du développement local et à travers la dynamique territoriale. L’Étude de préfiguration de l’agglomération transfrontalière de Saarbrücken-Moselle-Est a permis cette prise de conscience.

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Figure 5‑7 : Schéma de l’étape 3 : passage de l’expérience des réalités aux 5 réalités d’expérience

Ce travail de différentiation des dynamiques suivant les acteurs d’un côté, et de rapprochements des dynamiques de l’autre n’est pas sans rappeler la démarche de Michel Sauquet dans L’intelligence de l’autre, prendre en compte les différences culturelles dans un monde à gérer en commun [21], sur les thèmes propres à la présente thèse. Il analyse finement les liens psycho-sociologiques entre les acteurs, et l’articulation entre les notions communes et leur utilisation différenciée. Il aide au passage entre les deux.

Au-delà de la logique des acteurs qui a des conséquences sur le territoire, le territoire par lui-même a une logique de développement, une dynamique de transformation. On passe ici le cap de la géographie, c’est à dire du mécanisme de transformation des territoires. « Les 5 critères doivent être réunis simultanément pour pouvoir créer l’agglomération transfrontalière de Saarbrücken/Moselle Est » (J. Degermann, Étude de préfiguration). Pourtant, dans le quotidien, tout sépare ces critères (réalités), et ils sont dans la pratique considérés isolément.

Quelle géographie permettra d’approfondir la dynamique des territoires en rendant compte simultanément des 5 réalités ? Force est de constater qu’il existe plusieurs géographies : une géographie empirique/descriptive, une géographie prospective, une géographie/aménagement, et une géographie d’analyse spatiale qui se veut scientifique. Dès lors se pose la question des liens entre ces différentes approches. Les géographes qui veulent faire un travail scientifique pour intégrer l’expérience, le vécu (par exemple Guy Di Méo & Pascal Buléon), buttent sur « la dichotomie du matériel et de l’idéel ». Ils tentent une réponse avec le soutien de Maurice Godelier qui travaille dans le champ de l’anthropologie. L’approche anthropologique de ce dernier montre l’imbrication du matériel et de l’idéel. Mais il semble que la réponse à ces questions soit plus dans le champ de la philosophie que de l’anthropologie. Régis Debray répond à Maurice Godelier dans sa Critique de la raison politique[22], et place clairement la question dans le champ de la philosophie. La « dichotomie du matériel et de l’idéel » vient directement de l’ontologie dualiste cartésienne qui décrète arbitrairement « la séparation entre la substance pensante et la substance étendue ».

La prise de conscience relève ici de la nécessité d’une ontologie non dualiste pour approfondir une géographie à partir de l’expérience et découvrir des liens entre les 4 approches énoncées, afin qu’elles contribuent à s’enrichir les unes aux autres. Cette ontologie doit réunir les éléments de la dynamique, les articuler étroitement entre elles, sans dissocier le « physique/matériel » de « l’idée ».

Ces 5 réalités d’expérience sont ici présentées de façon pédagogique suivant l’ordre des phases du procès, pour préparer l’interprétation en termes de pensée organique (voir le schéma n°3 du tableau de synthèse en tête de chapitre).

5.E. Étape 4 : Lancement du réseau national. Les fiches d’échange d’expérience. Prise de conscience du cercle des activités humaines, sociétales, territoriales & naturelles. (mai 2003 à juin 2004)

Cette étape est celle de la mise au point des fiches d’expériences dans la préparation des réunions du Groupe de travail et dans la préparation des Congrès. C’est de la capacité de rédaction de telles fiches que dépendent la possibilité et la qualité de l’échange d’expérience, la mutualisation, et la capitalisation. Toute l’organisation de l’intelligence collective en dépend.

Le soutien du CNFPT, l’outil d’analyse de HFC et l’apport des travaux de la FPH (à travers le réseau d’échange d’expérience DPH [23]) ont été déterminants pour permettre l’apprentissage de l’écriture de l’expérience et la mise en commun. En préparation du Congrès AITF de Perpignan de Juin 2004, et en synthèse des années d’expérimentation des étapes 2 & 3, les premières fiches d’expérience, et fiches méthodologiques ont été produites. Ces fiches sont jointes en annexe 02 et 05. Elles se trouvent sur le site de l’AITF [24]. Une fiche est fournie en exemple sur les pages qui suivent. Toutes les fiches sont produites intégralement dans l’annexe 02a, b & c.

Le schéma de synthèse de cette étape est le suivant :

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Figure 5‑8 : Schéma de synthèse de l’étape 4: l’échange d’expérience et la mutualisation.

Le congrès de Perpignan a été un franc succès de participation (59 personnes). Ce succès nécessite une organisation adéquate qui reste à inventer, comme un conseil scientifique interne avec un noyau de quelques personnes chargées de recevoir les fiches d’expériences, de permettre leur finalisation leur validation, et leur mise en ligne pour la transmission.

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Figure 5‑9 : La liste des fiches d’expérience consultable sur le site de l’AITF à la rubrique (GT DST des petites villes) (Mai 2008), et l’exemple de la fiche n°4 du 08/02/2005 (p.158-159).

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5.F. Étape 5 : Intuition d’une correspondance entre les 5 réalités et les phases du procès. Découverte du procès organique. Géographie et expérience (Guy di Méo, Eric Dardel) (juil. 2004 à Oct. 2004) :

Cette étape est celle de l’intuition d’une correspondance entre les 5 réalités d’expérience (identifiées à l’étape 3) et les phases du procès de concrescence organique.

Simultanément, l’importance des cercles d’activité (Passet) présentés en début de chapitre 3 et détaillés en partie III (chapitre 13.E., p.386 & 389) s’est imposé afin d’éviter les ambiguïtés du développement durable.

L’approfondissement du procès organique permet de montrer comment les 5 réalités d’expérience sont réunies dans le procès organique. Ces réalités croissent ensemble : elles sont concrescentes (co-croissantes). (Avril 2002). Le procès permet d’expliquer l’expérience, et pourrait devenir la base d’un langage commun entre les différentes approches (été 2007).

La pensée organique d’A.N. Whitehead prend toute son importance à partir de la définition d’une occasion actuelle d’expérience, aussi appelée goutte d’expérience par William James, qui est une analyse génétique du procès de concrescence (co-croissance) de tous les éléments appréhendés dans la réalité au cours de 5 phases logiques :

  • a– appréhension du réel (phase « matérielle »), ou préhension physique* (en enlevant le préfixe « ap »).
  • b– appréhension des potentialités pures ou générales (phase « idéelle »), ou préhension conceptuelle *.
  • c– propositions qui sont la combinaison/intégration des deux phases précédentes,
  • d– choix/décision dans un jugement entre les propositions, et
  • esatisfaction*.

On reconnaît vite, dans un ordre différent, les réalités de la dynamique, qui se retrouvent dans l’ordre respectif suivant : interactions, vision, objectifs, valeur (au sens de jugement), structure. Il convient de noter que dans la goutte d’expérience, la valeur est partout, reprise entre toutes les phases, par l’« évaluation ». C’est une valeur au sens de « ce qui a de l’importance », sans entrer dans le contenu qui change suivant les personnes et les cultures. La valeur fait partie du lien entre les réalités. En ce sens, elle est une réalité d’expérience, mais pas une phase. Le présent travail montrera que la valeur est la saisie d’une potentialité, le passage d’une préhension physique  à une préhension conceptuelle . D’autre part, la satisfaction n’existe qu’une fois dépassée : « et ainsi jamais complètement n’est » disait Platon dans le Timée. Cette double difficulté à propos de la valeur et de la satisfaction conduira

  • à expliquer la distinction entre les catégories d’existence (les interactions, les potentialités, les propositions, la décision) et les catégories d’obligation (notamment les valeurs, résultats de l’évaluation)
  • à expliquer comment satisfaction et transition* d’une goutte d’expérience à une autre sont liées.

C’est ainsi que l’on passe du schéma de l’étape 3 au schéma ci-dessous :

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Figure 5‑10 : Schéma de l’étape 5 : passage des réalités d’expériences aux phases du procès organique

La pensée organique (qui est à la fois une philosophie et une science) répond directement à la question du dépassement du dualisme cartésien, par une critique nuancée de Descartes : réforme de son principe subjectiviste, rejet de sa séparation arbitraire entre substance pensante et substance étendue, et développement de sa notion de res verae, lesquelles ne sont autres que les « gouttes d’expérience », ou occasions actuelles d’expérience. Cette démarche a le mérite de nous faire redécouvrir notre propre culture, et de l’approfondir avec un sens critique, sans tout rejeter en bloc. Whitehead dit « réaliser le rêve de Descartes ». Au-delà de la pointe d’exagération (compte tenu de l’importance de la réforme), la volonté d’enracinement dans la culture moderne classique est clairement affirmée. Une notion nouvelle ainsi enracinée aura en principe plus de chance d’être entendue et acceptée.

Cette approche organique n’est pas uniquement un système (Bertalanffy, Le Moigne): c’est une mise en lien, une mise en tension qui est toujours remise en cause en fonction des faits premiers. Si des faits nouveaux arrivent, ils peuvent faire bouger les éléments du procès, voire faire changer le schème explicatif. La référence ultime est l’expérience. Et l’expérience, en définitive, ne peut être que personnelle [25], dans une tension constante entre le flux et la permanence. Ludwig Von Bertalanffy, le père de la systémique, précise d’ailleurs dans son œuvre maîtresse que le système n’est que le cœur de la révolution organique [26].

La philosophie organique examine ces notions, que tout le monde emploie en pratique sans jamais les expliciter, et les organise dans un schème explicatif global, ayant pour critère les notions du noyau dur du sens commun *. Le noyau dur du sens commun est ce que tout le monde présuppose en pratique même s’il le nie verbalement  [27]. Par exemple, les termes d’« appréhension du réel » et de « processus » sont des mots que tout le monde emploie, alors qu’ils ne sont pas explicités en eux-mêmes, et leur utilisation peut être contradictoire avec la théorie exposée. Ainsi, le Dictionnaire de la géographie et de l’espace des sociétés fait figurer le processus à l’index avec 354 entrées, mais le processus n’est pas une rubrique par lui-même.

Un approfondissement de la notion de procès organique aboutit à un schéma de la dynamique de la concrescence qui rend compte des 5 réalités. Ce schéma permet-il d’expliquer l’expérience concrète, au niveau de l’homme, de la société et des territoires ? Est-il vraiment universel au sens d’expliquer les faits concrets ? Seule une confrontation concrète avec l’expérience à ces trois niveaux peut esquisser une réponse.

Pour réaliser cette confrontation, le schéma du procès a été mis sous forme de questions pour interroger l’expérience (chapitres 2 et 3). C’est le « schéma de questionnement » de la partie I : il présupposerait un petit exposé rapide de ce qu’est le procès, ce qui a été fait à la fin du chapitre 2.

Une première approche rapide du procès est donc nécessaire pour comprendre l’enjeu de ce schéma de questionnement. L’enjeu est de bien faire le lien entre ce schéma à la fois scientifique et philosophique et l’expérience concrète au niveau de l’homme, de la société et des territoires.

Le but n’est pas de tout ramener au procès, le but est de tester la notion de procès pour rendre compte de sa capacité explicative dans le domaine de recherche de la présente thèse.

Cette étape tente d’évaluer la pertinence de la notion de procès, et de tracer les liens avec les travaux des géographes, architectes, urbanistes, ingénieurs. Cette confrontation permet indirectement de tracer des liens entre ces 4 approches des territoires. Le résultat pourrait être une avancée vers un langage commun. Ce langage commun, toujours ouvert, basé sur la relation et les réalités d’expérience, est le véritable enjeu de notre travail.

Est-ce la seule démarche ? Les autres démarches sont nombreuses : matérialisme dialectique (Marx, …), structuralisme génétique (Lévy-Strauss, Piaget, …), phénoménologie existentielle (Husserl, Heidegger, …). A notre connaissance, elles n’abordent pas la question du dépassement du dualisme à partir des acquis de la science d’aujourd’hui, c’est à dire de la relativité et de la mécanique quantique, et de l’examen critique et constructif de l’apport de Descartes à la modernité. Avec la pensée organique, des liens se tissent entre philosophie, science et géographie. Le choix de cette ontologie vient de l’attention portée à la science par la formation scientifique et le statut d’ingénieur territorial. Ce choix est conforté par l’ensemble des liens possibles avec toutes les autres démarches citées ci-dessus, par l’unité de son approche, sa valeur pédagogique et son applicabilité à la géographie.

En géographie, il existe déjà une démarche exemplaire, qui est celle d’Augustin Berque. En première approche, les liens et les rapprochements avec la pensée organique sont nombreux [28]. Quelles sont les remises en cause de cette façon de penser ? Comment éviter de retomber dans la séparation des notions, la perte des relations entre tous les éléments ? Pour répondre à ces nouvelles questions, il est nécessaire d’approfondir le procès par lui-même, en puisant des exemples dans l’expérience.

Ici, l’ingénieur territorial a franchi les frontières d’autres domaines pour arriver au domaine de la philosophie et de l’articulation de la philosophie avec la géographie. Il est confronté à une approche nouvelle, le procès organique, qui correspond bien à sa pratique de terrain et qui est solidement fondé scientifiquement et philosophiquement, mais peu ou pas employé dans la réflexion sur la géographie actuelle.

5.G. Étape 6 : Approfondissement technique du procès organique appliqué à la géographie : une ontologie qui fonde la démarche géographique. (nov. 2004 à avril 2007).

Ce n’est que très progressivement que s’éclairera le lien entre ces réalités et les 5 phases de la concrescence organique. Ces réalités se révéleront de même nature ontologique que les phases de la concrescence « a », « b », « c », « d », « ab » étant le vecteur d’appréhension entre « a » et « b » (la démonstration est faite à l’étape 6). La pratique rejoint donc l’analyse de la pensée organique. Les termes des réalités sont fixés par la pratique, et se trouvent confirmés dans leur pertinence par l’analyse de l’expérience par Whitehead.

Cette prise de conscience étant faite, comment dès lors travailler à un langage commun pour approfondir cette notion de dynamique, et comment, surtout, réunir ces dynamiques dans une notion qui crée les liens entre elles, au lieu de les maintenir séparées ? L’exemple d’un Conseil Municipal où les trois dynamiques coexistent, voire se confrontent, permet d’entrer dans la compréhension de ces liens. Il s’agit d’une étape d’approfondissement technique du procès organique appliqué à la géographie, et du cheminement vers un procès whiteheadien de transformation des territoires. Voici le schéma du procès organique :

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Figure 5‑11 : Schéma de l’étape 6: détail des phases du procès organique de transformation des territoires

Cette schématisation est la tentative de synthétiser un exposé technique du procès en puisant les exemples concrets dans l’expérience. La volonté est pédagogique. L’enjeu est d’expliquer le contenu des termes de dynamique et de processus, employés de façon surabondante, mais généralement sans explication. Proposer une explication oblige à dépasser la barrière de l’opacité de l’évidence (Lussault, Perec [29]). Elle montre l’ampleur de la remise en cause qu’impliquent les relations entre les 5 réalités d’expérience constitutives des dynamiques et des processus. Citons les trois principales questions formulées :

  • le rejet de la notion de substance inerte,
  • le rejet de la notion de perception limitée à la seule perception sensible,
  • le rejet de la notion de représentation : la carte n’est pas le territoire.

Cette étape est présentée dans les derniers chapitres de la partie II.

5.H. Étape 7 : Application géographique à la région « Entre Vosges et Ardennes » :.

C’est l’étape du retour à la géographie : le procès est une réponse philosophique à la question géographique . En quoi le procès peut-il contribuer à la géographie ? Le procès permet-il de fournir un langage commun à beaucoup de démarches urbanistiques et géographiques ?.Le but de la démarche a été de contribuer à la compréhension et à la mise en œuvre de la dynamique de transformation des territoires.

L’explication technique du procès organique rend possible une explication de plusieurs notions générales (espace, temps, …) et de plusieurs notions géographiques (territoire, lieu, paysage, …). Ce sont des notions géographiques qui ne se laissent pas diviser. Le procès organique permet également de rendre compte de plusieurs démarches géographiques existantes, et de mieux les situer les unes par rapport aux autres, pour mieux saisir leur contribution à la dynamique de transformation du territoire. Le procès apporte un éclairage nouveau sur les évolutions actuelles en urbanisme, à la suite de William Twitchett, de Patrice Braconnier, de Thierry Paquot, de Guy Di Méo, d’Augustin Berque, d’Eric Dardel, et des poètes (Julien Gracq [30]).

La démarche énoncée cherche son application dans les études régionales qui peuvent se dérouler selon les quatre phases du procès:

  • a/ L’(ap)préhension de la situation et des relations
  • b/ L’(ap)préhension des possibilités nouvelles, ou potentialités générales
  • c/ L’élaboration de propositions ou potentialités hybrides.
  • d/ La mise en œuvre de structures ou dispositifs de gouvernance ou potentialité réelle.

L’idée neuve est que les notions de potentialité et de valeur font partie intégrante de la démarche géographique, appuyée sur l’expérience. L’ingénieur territorial trouve un fondement scientifique à l’approche de la dynamique de transformation des territoires. L’architecte-Urbaniste trouve un lien fort et incontournable entre ses propositions d’aménagement et la prospective d’un côté, et la géographie d’analyse spatiale de l’autre. Le géographe trouve un fondement à la fois scientifique et ontologique à sa discipline.

L’étude de la région émergente « Entre Vosges et Ardennes » nous servira d’application concrète.

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Figure 5‑12 : Schéma de l’étape 7: l’étude de la région « Entre Vosges et Ardennes »

Cette étape est développée dans toute la partie III.

5.I. Conclusion générale de la partie I

Le chapitre 5 est le récit de « comment s’est réellement passée la recherche » au sein du Groupe de Travail des ingénieurs généralistes du Grand-Est français, puis au niveau national. La conclusion générale ne diffère pas de la conclusion du chapitre 4. Il était toutefois indiqpensable de réaliser ce chapitre 5, car l’enjeu est la compréhension du passage du particulier au général. En effet, tout travail de généralisation à partir de l’expérience butte sur la transmission de l’expérience elle-même, pour faire passer l’idée générale. Ou l’explication se noie dans les détails sans transmettre le message d’ensemble, ou le message d’ensemble devient abstrait et « sans chair », rendant ainsi abstrait et sans âme ce qui est pourtant le fruit d’une expérience de terrain. La présente thèse a pris le risque de se placer à l’articulation de ces deux premiers pôles de l’expérience : les données de terrain et la généralisation de ces données.

Sans reprendre les conclusions de la partie 4, nous pouvons dire que nous observons une convergence de l’analyse de l’expérience autour des cinq réalités principales que sont les interactions, la vision (ou potentialités), les propositions (ou objectifs) et la réalisation (la mise en œuvre, le geste à poser).

C’est en partie II que nous développerons sur la base du même schéma, éventuellement modifié et complété par les recherches qui vont suivre [31], les travaux sur la structure de l’expérience de Whitehead, sur la base de ses références à Aristote, Descartes, Hume et Kant. Nous développerons les liens qui nous semblent assez étroits entre son approche expérientielle et l’œuvre d’Eric Dardel L’homme et la terre (il cite Whitehead page 54). Nous proposerons une réponse à la question de « la dichotomie du matériel et de l’idéel » de Guy Di Méo, et nous montrerons comment le procès organique whiteheadien approfondit l’analyse de l’expérience géographique et des territoires dans le prolongement des analyses de Rodrigo Vidal-Rojas. Les exemples seront puisés dans le « réservoir d’expérience » de la partie I. Nous verrons de quelle façon les travaux de Thierry Paquot, Michel Lussault, François Ascher, Guy Di Méo, Augustin Berque, William Twitchett contribuent à cette approche. Un tableau de déchiffrage de ce que nous proposerons d’appeler un urbanisme transmoderne récapitulera les travaux de la partie II.

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Notes :

[1] Directeur des Services Techniques de Pont-à-Mousson en 1998, et actuellement Directeur Technique de la Communauté de Communes de Pont-à-Mousson.
[2] Voir annexe 01 : Publication de 129 pages A3 avec plus de 35 plans de ville.
[3] Voir annexe 02 : Liste des 14 réunions ; CDROM du Congrès de Montbéliard élaboré avec le GRETA de Lunéville ; 25 études de cas, 30 000 pages de documents organisés suivant les 5 dynamiques.
[4] Voir annexe 03 : Etude de préfiguration de l’agglomération transfrontalière dans son intégralité.
[5] Voir annexe 04. : CR d’Angers et fiches de Perpignan.
[6] Voir annexe 05 : 5 fiches et intervention sur le « Génie territorial » au Congrès AIU de Genève en Octobre 2004
[7] Voir annexe 06 : Interventions aux Chromatiques whiteheadiennes (CW) de septembre 06 et Avril 07
[8] Voir annexe 07 : Intervention géographique au Congrès de l’AIU de septembre 2007 à Anvers.
[9] Solitude d’autant plus forte qu’à l’époque, Internet ne s’était pas encore généralisé.
[10] Cette Fondation a fait du territoire la brique de base de la gouvernance, avec une reconnaissance du ministère de l’Equipement pour cette démarche :
http://www.institut-gouvernance.org/fr/document/fiche-document-29.html
http://base.d-p-h.info/fr/fiches/premierdph/fiche-premierdph-5195.html
Voir en annexe n°2 le CDROM congrès de Montbéliard. Cliquer dans « Ateliers » ou « Dynamique » dans la rubrique « Tenir le cap », puis choisir dans la sous-rubrique « Les textes de référence » les éléments suivants :
F.001 Repenser les territoires de Claude BASTOUILL et de Pierre CALAME :
F0102 Voir page 13 du document du Ministère de l’Equipement suivant « Le territoire, Brique de base de la gouvernance »
[11] Michel Sauquet, L’intelligence de l’autre, prendre en compte les différences culturelles dans un monde à gérer en commun, Éditions ECLM, 2008, 207, 331 p.
[12] Travaux au sein de l’Association Internationale des Urbanistes, délégation française, en 1999-2000.
[13] Voir sur le site de l’UNADEL le référentiel de métier de l’agent de développement local : http://www.unadel.asso.fr/ puis chercher Accueil/Les articles/2. Métiers/La plate-forme « Métiers du développement territorial »
[14] http://www.opqu.org/, avec pour les urbanistes des Collectivités territoriales http://urbanistesdesterritoires.com/
Peuvent également être consultés les sites : www.cfdu.org et www.urbanistes.com
[15] http://www.aperau.org/presentation.html. On y lit à propos de la Charte de l’APERAU « Cette charte est actuellement considérée comme fixant les principes de base à respecter pour la formation des urbanistes par le CFDU et par l’Office de Qualification des Urbanistes (OPQU), avec lesquels l’APERAU entretient des relations étroites. ». Ceci est à rapprocher du travail de la Société Française des Urbanistes (SFU) sur son site http://www.urbanistes.com/homepage.php qui prétend, elle à l’antériorité sur tous les autres organismes en France (la SFU a été créé en 1919).
[16] Pierre Calame, depuis L’Etat au cœur, Le Meccano de la gouvernance, DDB, 1997 à La démocratie en miettes. Pour une révolution de la gouvernance, ECLM, Descartes & Cie, 2003. Voir le site http://www.pierre-calame.fr, http://www.fph.ch/fr et la base d’échange d’expérience http://www.ritimo.org/B/b5_bdd_dph.html.
[17] Sur la base de la thèse de William Twitchett, élaborée avec Paul Claval et soutenue en 1995.
[18] Pour obtenir les 14 Compte rendus, cliquez sur « Ouvrez-moi ». A la page d’éditorial, cliquer sur « Entrer » en bas à droite. Sur la page d’accueil qui apparaît, les 14 compte-rendu s’obtiennent en cliquant en bas à gauche sur « Conception : GT Génaraliste Est ». On obtient les 25 comptes rendus d’échange d’expérience, les 5 réalités de la dynamique et le tableau des ateliers en cliquent sur les ronds jaunes correspondants, ainsi qu’environ 30 000 pages de documents.
[19] Voir page 54 le récit de la prise de conscience au cours d’un entretien avec Léonard Aronica, lors d’un atelier de HFC
[20] Congrès de la section Grand-Est de AITF, tenu les 12 et 13 octobre 2001 à Audincourt, Commune de Montbéliard.
[21] Michel Sauquet, L’intelligence de l’autre, prendre en compte les différences culturelles dans un monde à gérer en commun, Éditions ECLM, 2008, 207, 331 p.
[22] Régis Debray, 1981, p.147.
[23] http://www.d-p-h.info/spip.php?article3.
En 2007, ce site de ressources valorise aujourd’hui une base de données d‘« expériences » composée d’environ 7000 fiches, articles courts qui relatent des expériences, des analyses, des lectures. Il propose aussi une vingtaine de dossiers.
L’idée de la base de données d’expériences dph est née en 1986, avec pour ambition de relier des individus et des groupes travaillant à la construction d’un monde solidaire et responsable. En mettant au service de chacun une mémoire et une réflexion issues du terrain de l’expérience, ce site ressources souhaite valoriser les analyses et les expériences par une recherche facile et des résultats utiles à l’action citoyenne.
dph est né d’une initiative de la Fondation Charles Léopold Mayer pour le progrès de l’homme (FPH) qui a toujours milité en faveur d’un équilibre entre action et réflexion.
[24] Les fiches sont consultables à l’adresse suivante : http://www.aitf.asso.fr/groupe/index.php?frm_id_instance=36
[25] Whitehead dit individuelle. Nous préférons ici le terme personnelle en se référant à la notion de personne, au sens d’Emmanuel Mounier. Cette notion récapitule toutes les facettes du terme composé d’« individu-personne-sujet-acteur-agent » utilisée par les géographes. L’analyse est présentée en partie II, chapitre 11.
[26] Ce point est détaillé dans le texte complémentaire joint en annexe00 à l’adresse suivante : 00_Annexes\Annexe00_Textes-Complementaires\01-PartieI_Chap5-ExpérienceAITF-7etapes.doc
[27] Ce point est approfondi au début de la partie II
[28] Voir Partie II, Chapitre 8.D.1. pp.258-261
[29] Ainsi que cela a déjà été mentionné, Michel Lussault, en introduction de L’homme spatial, faisait référence à Georges Pérec pour constater la difficulté à expliquer les mots qui paraissent « évidents », mais en fait révèlent une « certaine opacité ». Dynamique, processus et appréhension font partie de ces mots. Nicholas Rescher et Maurice Merleau-Ponty ont exprimé ce fait à leur façon (voir note n°15 page 11).
[30] Julien Gracq, Le Rivage des Syrtes, roman (1951) : prix Goncourt, refusé par l’auteur ; Lettrines I, « cahiers » (1967) ; Lettrines II, « cahiers » (1974).
[31] Voir les premiers éléments d’approfondissement par aller et retour entre la partie II et le schéma de questionnement dans le texte complémentaire intitulé 01-PartieI_Chap1-ApprofondissementSchémaQuestionnement.doc à l’adresse suivante :
Annexes\Annexe00_Textes-Complementaires\01-PartieI_Chap1-ApprofondissementSchémaQuestionnement.doc